Écrire Exécution prévue en Géorgie 40 ans après des crimes

Carlton Gary, âgé de 67 ans, doit être exécuté en Géorgie le 15 mars à 19 heures, après avoir passé 32 ans dans le couloir de la mort. À l’issue de son procès en 1986, il a été reconnu coupable des meurtres de trois femmes, qui faisaient partie d’une série de crimes similaires commis en 1977 et 1978 d’après les éléments soumis au jury.

Après moins d’une heure de délibération, le 26 août 1986, un jury a déclaré Carlton Gary, un Afro-Américain de 35 ans, coupable des cambriolages, des viols et des meurtres de Florence Scheible (89 ans), Martha Thurmond (69 ans) et Kathleen Woodruff (74 ans), toutes trois tuées à leur domicile à la fin de l’année 1977. Le parquet a affirmé que l’accusé – surnommé l’« étrangleur au bas en nylon » – avait commis ces crimes et six autres attaques contre des femmes dans le même quartier de la ville de Columbus (ouest de la Géorgie) entre septembre 1977 et avril 1978.

Il n’a pas été poursuivi dans les autres affaires, mais le parquet a utilisé comme éléments à charge les similitudes entre ces cas, en soulignant notamment que toutes les victimes étaient des femmes blanches, âgées de 55 ans ou plus, et que toutes avaient été étranglées à leur domicile. Le principal témoin de l’accusation était la seule victime des attaques ayant survécu, Gertrude Miller, qui a identifié Carlton Gary au tribunal comme l’homme qui l’avait violée le 11 septembre 1977. Le parquet a insisté sur cette identification dans son réquisitoire. La théorie de l’accusation était et continue d’être qu’il n’y avait qu’un seul « étrangleur au bas en nylon » et que c’était Carlton Gary. À l’issue d’une brève audience consacrée à la détermination de la peine, le 27 août 1986, le jury a condamné Carlton Gary à la peine de mort.

La date d’exécution a par la suite été fixée à décembre 2009. Quelques heures avant l’exécution, la cour suprême de Géorgie a prononcé un sursis et ordonné des tests ADN. En 2012, les analyses ont révélé que les traces de sperme relevées sur les vêtements de nuit de Gertrude Miller ne correspondaient pas au profil ADN de Carlton Gary, ce qui montrait que son identification formelle de cet homme devant le jury était erronée. La seule des trois femmes qu’il était accusé d’avoir tuée et pour laquelle un échantillon d’ADN viable a été obtenu était Martha Thurmond. Le parquet affirmait que les éléments de preuve d’ordre biologique avaient été détruits, mais ils ont été retrouvés lors des procédures en appel. Cependant, le laboratoire chargé des tests ADN après le sursis prononcé en 2009 a contaminé le seul échantillon disponible, ce qui a causé la destruction complète d’éléments qui auraient pu disculper Carlton Gary.

En 2012, les avocats de Carlton Gary ont déposé une requête en vue d’obtenir un nouveau procès, en mettant en avant ce problème et d’autres concernant les éléments à charge présentés contre leur client. Après plusieurs audiences consacrées à l’examen des éléments du dossier, le tribunal de première instance a rejeté la requête en 2017. Le 1er décembre 2017, la cour suprême de Géorgie a refusé d’examiner le dossier et, le 16 janvier 2018, elle a rejeté une requête lui enjoignant de reconsidérer sa décision. Le 9 mars 2018, les avocats ont déposé un recours devant la Cour suprême des États-Unis pour solliciter un examen des questions constitutionnelles soulevées depuis la demande de nouveau procès, qui n’a fait l’objet d’aucun examen par la justice fédérale. Ils tentent d’obtenir un sursis pour que cet examen puisse se dérouler sans la pression d’une date d’exécution imminente.

L’ordre d’exécution est valide du 15 au 22 mars 2018. Le directeur de l’administration pénitentiaire a programmé l’exécution pour le 15 mars à 19 heures. Le comité des grâces et des libérations conditionnelles examinera la demande de grâce le 14 mars. Les avocats de Carlton Gary demandent la commutation de sa condamnation à mort, en soutenant que l’état actuel des éléments du dossier montre que la théorie du parquet lors du procès « n’était en réalité pas fiable ».

Une série de meurtres de femmes dans le quartier de Wynnton à Columbus, deuxième ville de Géorgie, a eu lieu entre la fin de l’année 1977 et le mois d’avril 1978. En 1984, personne n’avait encore été inculpé pour ces faits, jusqu’à l’arrestation de Carlton Gary en mai 1984. Le jury de son procès a été informé qu’il avait tenu devant la police des propos dans lesquels il s’accusait des crimes, mais il n’existe aucune déclaration signée ou enregistrée de ce type. Un précédent suspect avait livré de faux « aveux » détaillés concernant les crimes ; ce n’était qu’une fois que les meurtres avaient continué après son arrestation qu’il avait été remis en liberté.

Les avocats qui défendent Carlton Gary en appel ont remis en cause les « aveux » supposés de leur client ainsi que les relevés d’empreintes digitales utilisés pour l’incriminer. Ils ont également mis en avant le « déséquilibre des forces » dans ce procès complexe. Leur récent recours devant la Cour suprême rappelle que Carlton Gary était assisté lors de son procès par un « avocat bénévole qui n’a pas été payé un centime pour la défense de M. Gary et à qui l’on n’a pas donné un centime pour solliciter l’aide d’experts ou enquêter, ni avant ni pendant le procès ». En revanche, « le parquet s’est appuyé sur un certain nombre d’experts avant et pendant le procès ».

Une analyse du sperme prélevé sur la scène des meurtres de Florence Scheible et Martha Thurmond a été utilisée lors du procès pour incriminer Carlton Gary. Avant l’apparition des tests ADN, on utilisait des analyses reposant sur le statut de « sécréteur » ou de « non-sécréteur » (un sécréteur est une personne dont les fluides corporels, tels que la salive ou le sperme, contiennent les antigènes de son groupe sanguin). Dans ces affaires, le sperme provenait d’un non-sécréteur de groupe sanguin O, tandis que les analyses ont montré que Carlton Gary est également du groupe O mais qu’il est sécréteur.

Au cours des procédures d’appel, l’avocat de première instance a déclaré qu’il n’avait pas vu les documents de travail associés à ces analyses. Un expert des analyses ADN engagé par les avocats qui défendent Carlton Gary en appel a conclu en lisant ces documents que le sperme avait été laissé par un non-sécréteur dans les affaires Scheible et Thurmond, et il a contesté le témoignage de l’expert engagé par l’accusation lors du procès, qui avait usé d’équivoques sur cette question. L’expert de la défense a également qualifié d’« incroyables » la contamination et la destruction du matériel ADN prélevé sur la scène du meurtre de Martha Thurmond.

Le parquet était en possession d’une empreinte de pas provenant de la scène de l’un des meurtres pour lesquels Carlton Gary n’était pas poursuivi, mais qui a été utilisée, comme les autres meurtres dont cet homme n’était pas accusé, pour obtenir le verdict de culpabilité et la condamnation à mort. Cette empreinte, qui n’a pas été soumise à la défense lors du procès, a été laissée par une chaussure de pointure 44. Carlton Gary chausse du 48 et un podologue a affirmé sous serment qu’il était impossible que son pied entre dans une chaussure de taille 44.
Lors du procès, le parquet a en outre présenté un témoignage faisant état de marques de morsure sur le corps de la dernière victime, tuée le 19 avril 1978, alors que Carlton Gary n’était pas non plus poursuivi pour ce meurtre. Un médecin légiste a indiqué sous serment qu’au cours de l’autopsie, il avait observé ce qui semblait être des marques de dents sur la poitrine de la victime. Il a affirmé qu’il n’était pas possible d’établir une comparaison fiable entre cette empreinte dentaire et les dents de l’accusé car Carlton Gary avait subi des travaux dentaires entre le moment du crime et son arrestation six ans après. Néanmoins, la défense n’a pas été informée qu’un modèle de l’empreinte dentaire avait été réalisé. Durant les procédures d’appel devant les juridictions d’État, les avocats de Carlton Gary ont pris connaissance de son existence mais n’ont pas pu déterminer où il se trouvait.

Lors d’une procédure d’appel au niveau fédéral en 2005, il a finalement été retrouvé. Il est apparu que le parquet avait consulté un expert odontologiste avant le procès, sans informer la défense de cet entretien. Depuis, les avocats ont appris que, lorsque cet expert avait indiqué aux procureurs qu’il était peut-être possible de disculper un suspect sur la base d’une comparaison entre ses dents et un tel moulage, ceux-ci étaient partis et ne l’avaient plus jamais recontacté. En appel, cet expert a témoigné pour la défense en déclarant que Carlton Gary n’était « probablement pas l’auteur de la morsure ».

Depuis 1973, aux États-Unis, plus de 160 erreurs judiciaires dans des affaires de crimes passibles de la peine capitale ont été découvertes, dont six en Géorgie. Depuis que la Cour suprême a approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale en 1976, 1 469 prisonniers ont été exécutés dans le pays. Sur les 70 exécutions qui ont eu lieu en Géorgie parmi celles-ci, 64 (soit 91 %) faisaient suite à des crimes où les victimes étaient blanches. Un tiers des prisonniers exécutés (23) étaient afro-américains. Dix-sept d’entre eux avaient été condamnés à mort pour des crimes où les victimes étaient blanches. Aucune des 70 exécutions pratiquées en Géorgie ne concernait une personne blanche condamnée pour avoir tué une victime noire. Depuis le début de l’année 2018, les autorités américaines ont procédé à quatre exécutions. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. À l’heure actuelle, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique.

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