Écrire Exécution programmée malgré un diagnostic de trouble délirant

William Morva, ressortissant hongrois âgé de 35 ans, doit être exécuté le 6 juillet en Virginie. Un psychiatre a établi un diagnostic de trouble délirant, et conclu que ce trouble avait contribué à la commission des crimes pour lesquels il a été condamné à mort. Le jury n’a pas été informé du fait qu’il souffre de ce grave trouble mental.

En août 2006, William Morva, alors âgé de 24 ans, était détenu depuis un an dans la prison de Montgomery, en Virginie, pour tentative de vol et pour d’autres infractions. À l’époque, la prison était surpeuplée, avec deux à trois fois plus de détenus par rapport à sa capacité d’accueil maximale, et les soins médicaux et psychologiques fournis n’étaient pas suffisants. L’état de santé psychologique de William Morva s’est dégradé, et il pensait que son état de santé physique se dégradait gravement et que sa vie était en danger. Au cours de l’année, il avait signalé ses inquiétudes à plusieurs personnes dans un certain nombre de lettres envoyées depuis la prison.

Le 20 août, des employés de la prison ont transporté William Morva à l’hôpital car il disait avoir besoin de soins médicaux. Là, il a attaqué l’agent chargé de l’accompagner, lui a pris son arme, et pendant sa fuite il a tiré sur un gardien non armé de l’hôpital, Derrick McFarland. Le 21 août, Eric Sutphin, adjoint du shérif, a été tué par balle après avoir répondu à un signalement visuel de William Morva. Plus tard le même jour, la police a trouvé William Morva allongé dans un fossé. Il a été arrêté, inculpé de meurtre passible de la peine capitale, et déclaré coupable en 2008. Lors de la phase de détermination de la peine, la défense a fait comparaître un psychiatre et un neurologue qui ont déclaré que cet homme présentait des troubles de la personnalité qui n’atteignaient pas le niveau de graves troubles mentaux. Ils ont dit aux jurés que William Morva avait d’étranges croyances mais qu’il ne souffrait pas d’hallucinations. Le jury a voté en faveur de la peine de mort.

En 2012, un psychologue a réexaminé tous les éléments disponibles, y compris l’historique familial de William Morva, qui présente des cas de « maladie mentale grave et fréquente » incluant des cas de trouble délirant, de schizophrénie, et de trouble obsessionnel compulsif. Le psychologue a critiqué les évaluations présentées par des experts durant le procès, en concluant qu’aucun d’eux n’avait identifié ou décrit à titre de circonstances atténuantes les « délire somatique, délire mégalomaniaque et hallucinations paranoïaques” persistants de William Morva », entre autres, ainsi que « l’aggravation manifeste de ses problèmes psychiatriques » avant le crime. Il est parvenu à la conclusion que le délire somatique de William Morva « est peut-être lié aux crimes qu’il a commis car il croyait apparemment qu’il était en train de mourir à cause de ses "maladies", ce qui semble avoir motivé sa tentative d’évasion ».

En 2014, une psychiatre nommée par la cour a examiné son cas et diagnostiqué chez William Morva un trouble délirant, du type délire de persécution. Elle a considéré qu’il avait commis ces crimes à cause des délires dont il souffrait. Elle a recommandé qu’il reçoive un traitement avec des médicaments, et conclu qu’il « n’était pas en mesure d’aider ses avocats ». Alors que ces éléments ont été présentés en appel, les règles de procédure ont empêché la cour de décider si William Morva présentait ce trouble mental et si les crimes qu’il avait commis en résultaient. Son exécution a été fixée au 6 juillet.

Aucun membre de la famille de William Morva n’est venu témoigner pendant le procès, ce qui a davantage encore privé les jurés d’un tableau complet de la personne qu’on leur demandait de condamner. Depuis le procès, sa mère a déclaré : « William vit dans une autre réalité. Je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été expliqué devant la cour pendant son procès. La version de la réalité de William est tellement différente de celle des autres gens qu’il fonctionne avec compréhension différente du monde qui l’entoure […] Il a une maladie mentale. »

En Virginie, pour pouvoir prononcer une peine de mort le jury doit arriver à la conclusion que l’État a prouvé au-delà de tout doute raisonnable l’existence d’au moins une circonstance aggravante sur deux. La première est que l’accusé a « lors de la commission de l’infraction agi d’une façon gratuite ou particulièrement ignoble, horrible ou inhumaine, incluant la torture, la dépravation morale ou des coups et blessures aggravés à l’égard de la victime ». Dans le cas de William Morva, l’État a retenu la « dépravation morale ». Comme il a été prouvé que son délire somatique a contribué à la commission des crimes, il est surprenant de voir que l’État considère que ces crimes sont « le reflet d’une conscience nettement plus "dépravée" que celle de toute autre personne coupable de meurtre », condition prévue par la Constitution pour réserver la peine de mort aux « pires » des crimes et des criminels. Toutefois, les jurés qui ont décidé de prononcer cette peine n’avaient pas été informés de ce délire somatique.

L’autre circonstance aggravante est que l’accusé représentera un danger pour la société si on le laisse vivre. Sachant que l’accusation allait se baser fortement sur ce point, les avocats de William Morva ont demandé la nomination d’un psychologue médicolégal spécialisé dans l’évaluation des risques en prison afin qu’il réfute ce point. Le juge a refusé cette demande, et l’État a alors insisté sur le danger que William Morva représenterait en prison pour les gardiens s’il était condamné à une peine de réclusion à perpétuité.

Le procureur a dit aux jurés qu’il était « impossible de conclure que cet accusé ne s’évadera[it] jamais [car] il est plus malin que les autres, et il est constamment en train de réfléchir […] Il s’agit d’un prisonnier qui fait du mal aux gardiens, qui les frappe. Il s’agit d’un prisonnier qui tire sur des agents en uniforme [L]a perspective d’une réclusion à perpétuité est effrayante [car si au bout d’une année en prison] il tue des gens [alors] qu’est-ce que la perspective d’une réclusion à perpétuité va amener cette personne à faire aux gardiens de prison ? »

William Morva a dû porter une ceinture électrifiée incapacitante pendant le procès. Le juge n’a pas tenu d’audience pour déterminer si cette mesure était nécessaire, alors même que l’accusé n’avait causé aucun problème en matière de discipline durant la procédure préliminaire au procès ni au cours des 18 mois de détention provisoire à la prison régionale de New River Valley. En 2015, un juge fédéral a noté que « Morva portait une ceinture électrifiée incapacitante sous ses vêtements, et certains jurés ont observé le renflement causé par cette ceinture », mais a confirmé la peine de mort.

Dans une affaire remontant à 1998, une cour d’appel de l’État de Washington a estimé que le juge de première instance aurait dû tenir une telle audience, et a ordonné un nouveau procès : « Le dossier montre que les jurés étaient au courant pour la ceinture électrique et qu’ils spéculaient sur ce point. Son utilisation a peut-être amené les jurés à penser que [l’accusé] était une personne dangereuse à qui on ne pouvait pas faire confiance et qui était incontrôlable, même en présence d’un agent armé. L’utilisation de la ceinture électrique peut être encore plus préjudiciable que les menottes ou les chaînes aux chevilles car elle implique qu’il est nécessaire d’utiliser des moyens tout particuliers pour contrôler l’accusé. » Dans un procès où la peine capitale est susceptible d’être prononcée, cette impression peut faire pencher la balance en faveur de ce châtiment.

L’un des jurés du procès de William Morva s’est souvenu que deux policiers se tenaient constamment derrière lui, et que l’un d’eux avait « un Tazer ou une télécommande pouvant servir à contrôler M. Morva », et un autre qu’il y avait « un gros renflement autour de la taille de M. Morva sous ses vêtements » et qu’un policier lui avait dit que « M. Morva portait une ceinture électrifiée incapacitante contrôlée par les policiers qui se tenaient derrière lui pour le surveiller ». Amnesty International considère que l’utilisation des ceintures incapacitantes viole l’interdiction de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/amr51/054/1999/fr/).

Treize exécutions ont eu lieu aux États-Unis depuis le début de l’année, ce qui porte à 1 455 le nombre de personnes auxquelles les autorités de ce pays ont ôté la vie depuis 1976, quand la Cour suprême fédérale a approuvé une nouvelle législation relative à la peine capitale. La Virginie est responsable de 112 de ces exécutions. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. À l’heure actuelle, 141 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Le droit international et les normes internationales sur le recours à la peine capitale énoncent que ce châtiment ne peut pas être imposé ou appliqué à des personnes présentant une déficience intellectuelle ou un handicap mental. Cela est valable si l’accusé présentait un tel trouble au moment du crime, et aussi si ce trouble est apparu après que l’accusé a été déclaré coupable.

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