En octobre 2002, Ramiro Gonzales a été condamné à la réclusion à perpétuité après avoir plaidé coupable pour l’enlèvement et le viol d’une femme en 2001. Peu après avoir commencé à purger cette peine, il a avoué le meurtre d’une femme de 18 ans, commis en janvier 2001 alors qu’il était venu cambrioler le domicile de l’homme qui le fournissait en cocaïne (drogue qu’il avait déjà consommée ce jour-là). Au moment du crime, il avait 18 ans depuis 72 jours.
Au cours de l’audience de détermination de la peine qui a clos son procès en 2006, le parquet a fait témoigner un psychiatre qui a estimé que Ramiro Gonzales risquait de commettre des actes de violence en prison. Il a toutefois reconnu que l’Association américaine de psychiatrie considérait ces prédictions de « dangerosité future », une conclusion du jury qui constitue un prérequis pour prononcer une condamnation à mort au Texas, comme non scientifiques et peu fiables. On sait depuis longtemps que ces pronostics sont totalement inexacts, même s’ils sont jugés efficaces pour requérir la peine capitale. Si Ramiro Gonzales a commis quelques infractions disciplinaires sans gravité depuis qu’il est détenu, toutes étaient non violentes.
Lors de l’audience de détermination de la peine, les avocats de la défense ont présenté des témoins qui ont attesté que Ramiro Gonzales avait été abandonné par sa mère, qui avait reniflé de la peinture, bu de l’alcool et consommé de la drogue pendant sa grossesse et tenté à deux reprises d’avorter de lui (en appel, un recours au motif que ses avocats auraient dû engager un expert pour vérifier s’il pouvait avoir un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, qui aurait pu constituer une circonstance atténuante supplémentaire, a été rejeté). Son père n’était pas présent non plus durant son enfance. Confié à ses grands-parents maternels, Ramiro Gonzales n’était guère surveillé. Des témoins ont également raconté des violences physiques et sexuelles qu’il a subies, notamment une agression sexuelle par un cousin lorsqu’il avait six ans ou moins, et une autre par une femme plus âgée quand il avait 12 ou 13 ans.
Ramiro Gonzales a commencé à consommer de l’alcool et de la drogue dès l’âge de 11 ans. Une neuropsychologue a déclaré qu’il s’était « quasiment élevé tout seul » et qu’il avait la maturité affective d’une personne de 13 ou 14 ans. Elle a ajouté qu’il était un « jeune homme très abîmé », faisant probablement partie des 10 % d’enfants les plus abîmés sur le plan affectif selon elle. Elle a conclu qu’il souffrait d’un trouble réactionnel de l’attachement, qui survient lorsqu’un enfant ne peut pas créer de lien affectif stable avec ses parents ou les personnes qui s’occupent de lui, souvent en raison d’une négligence affective ou de maltraitances durant le plus jeune âge.
En 1989, quand la Cour suprême a statué que les États pouvaient continuer d’exécuter des personnes pour des crimes commis à l’âge de 16 ou 17 ans, les quatre juges ayant un avis minoritaire ont souligné que « nombre des changements psychologiques et affectifs que connaît un adolescent qui mûrit ne se produisent pas avant qu’il n’atteigne une vingtaine d’années » et que « les adolescents dans le couloir de la mort semblent généralement avoir toute une série de problèmes psychologiques, affectifs et autres qui influencent leur capacité de jugement et leur niveau de culpabilité probables ».
Lorsque la Cour suprême a interdit en 2005 la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans au moment du crime, elle a reconnu expressément l’immaturité des jeunes, leur impulsivité, leur manque de discernement et de sens des responsabilités, leur sensibilité « aux influences négatives et aux pressions extérieures, notamment celles exercées par leurs pairs », ainsi que leur capacité d’évoluer. Cette fois, la majorité des juges ont estimé que « les traits caractéristiques qui distinguent les mineurs des adultes ne disparaissent pas le jour des 18 ans d’un individu. »
Environ 60 % des exécutions pratiquées aux États-Unis pour des crimes commis avant l’âge de 18 ans ont eu lieu au Texas. Parmi les 13 personnes dans ce cas qui y ont été exécutées, huit étaient afro-américaines, une était hispanique, et sur ces neuf personnes, six (soit 67 %) avaient été reconnues coupables de crimes dont les victimes étaient blanches. Bien qu’elles ne soient pas soumises à l’interdiction catégorique découlant du droit international et constitutionnel, les exécutions de prisonniers qui avaient 18 ou 19 ans au moment des faits qui leur sont reprochés suivent une même tendance géographique et raciale.
Le Texas en compte plus que tout autre État, et seuls quatre autres États ont exécuté plus de personnes au total que le nombre de personnes âgées de 18 ou 19 ans au moment du crime que le Texas a exécutées. Soixante-dix-sept des 574 prisonniers (13 %) exécutés au Texas entre 1982 et juin 2022 avaient 18 ou 19 ans au moment des faits pour lesquels ils avaient été condamnés. Quarante-huit d’entre eux (62 %) étaient des Afro-Américains, parmi lesquels 34 (71%) avaient été condamnés pour des crimes dont la ou les victimes étaient blanches. Depuis 2014, le Texas a exécuté neuf personnes pour des crimes commis à l’âge de 18 ans : quatre Noirs, trois Hispaniques et deux Blancs. Ramiro Gonzales est hispanique. La victime était blanche.
Deux des 13 exécutions fédérales pratiquées entre juillet 2020 et janvier 2021 aux États-Unis concernaient des hommes noirs reconnus coupables du meurtre d’un couple blanc, commis lorsqu’ils avaient 18 ou 19 ans. Ils avaient été condamnés par un tribunal fédéral du même district du Texas que celui où Ramiro Gonzales a été condamné devant une juridiction d’État. Peu avant la deuxième de ces deux exécutions, la procureure fédérale qui avaient requis les peines de mort en appel a révélé qu’elle avait changé d’avis depuis. Elle a écrit : « La science a établi que les structures du cerveau ne sont pas pleinement développées chez les jeunes hommes avant 25 ou 26 ans » et « les jeunes de 18 ans ne sont pas différents de ceux de 17 ans en termes d’immaturité et de potentiel de réinsertion. »
Sept prisonniers ont déjà été exécutés cette année aux États-Unis, dont un au Texas. Cet État totalise 574 des 1 547 exécutions réalisées dans le pays depuis 1976. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances.