Écrire Exécution programmée malgré des troubles bipolaires non évoqués au procès

Jack Jones, 52 ans, doit être exécuté dans l’Arkansas le 24 avril pour un meurtre commis en 1995. Les jurés qui l’ont condamné à mort ne savaient pas qu’il avait été diagnostiqué comme atteint de troubles bipolaires, une grave maladie mentale, peu avant le crime.
Le 6 juin 1995, Mary Phillips, 34 ans, a été victime d’un vol et d’un viol avant d’être tuée au cabinet comptable où elle travaillait à Bald Knob, dans l’Arkansas. Sa fille de 11 ans, qui était présente, a été étranglée, rouée de coups et laissée pour morte, mais a survécu. En avril 1996, Jack Jones, alors âgé de 31 ans, a été déclaré coupable de meurtre passible de la peine capitale, de viol et de tentative de meurtre passible de la peine capitale. Au cours de la phase du procès consacrée à la détermination de la peine, le jury a été informé de la réaction négative de l’accusé à la prise de Ritalin, un médicament destiné à traiter les troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), lorsqu’il était enfant. Ces éléments ont été fournis en grande partie par la sœur de Jack Jones, et non par un spécialiste. Un médecin appelé à la barre par la défense a indiqué que Jack Jones avait tenté de se suicider à plusieurs reprises, que son TDAH était passé avec l’âge et qu’il convenait désormais mieux de le décrire comme présentant une personnalité antisociale. Un autre expert témoignant pour la défense a certifié que Jack Jones n’était pas atteint de troubles bipolaires. Ce médecin, qui avait cessé d’exercer deux ans auparavant lorsqu’il avait entamé une cure de désintoxication à la suite de problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie, a affirmé qu’il avait prescrit des antidouleurs à Jack Jones mais qu’il ne se souvenait pas quand ni lesquels, et qu’il n’avait pas consulté d’autres médecins ayant traité l’accusé quant à leurs diagnostics. Le jury a condamné Jack Jones à la peine de mort.
Cependant, le jury n’a pas été informé que, quelques mois avant le crime, Jack Jones s’était présenté de lui-même à un hôpital où on lui avait diagnostiqué des troubles bipolaires (autrefois appelés « maladie maniaco-dépressive »), une grave maladie mentale. Le compte rendu d’examen indiquait qu’il ressentait « beaucoup d’idées suicidaires, en imaginant de nombreuses façons de se faire du mal ». Puis, le 8 mai 1995, moins d’un mois avant le crime, il a de nouveau été diagnostiqué comme atteint de troubles bipolaires, et le médecin ayant procédé à l’évaluation a même relevé une « bipolarité extrême ». Quatre ans auparavant, il avait été hospitalisé d’office dans un service psychiatrique après une tentative de suicide dans l’État de l’Ohio. À l’époque, il avait été diagnostiqué comme atteint d’un trouble schizo-affectif avec dépression. Il avait déjà tenté de se suicider en 1989.
En 2005, un expert spécialiste des circonstances atténuantes a procédé à une évaluation de la recherche et de la présentation d’éléments atténuants par la défense lors du procès. Il a conclu que la prestation de son avocat à l’audience de détermination de la peine avait été « bien en-deçà des normes attendues d’un avocat dans une affaire où l’accusé encourt la peine capitale, en passant à côté des principaux thèmes de la vie de M. Jones, en soumettant des éléments psychologiques négatifs quand une multitude de témoins auraient pu présenter un récit social probant, et en ne présentant pas, au fond, une plaidoirie pour la vie ». Il a affirmé que les éléments disponibles laissaient penser que Jack Jones avait été mal diagnostiqué comme atteint de TDAH et qu’il s’agissait plus probablement d’un « début de troubles bipolaires pendant l’enfance ». Il a en outre souligné que Jack Jones avait « commencé à consommer des drogues illicites à un âge précoce afin d’améliorer les symptômes de sa maladie mentale », un phénomène fréquent, selon lui, chez les enfants et adolescents atteints de troubles bipolaires non traités.

Lorsque la cour suprême de l’Arkansas a confirmé le verdict de culpabilité et la condamnation à mort de Jack Jones en 1997, elle a noté que le jury avait retenu à l’unanimité trois circonstances atténuantes : il avait coopéré avec la police en se rendant de lui-même au poste de police ; il avait fait des aveux complets et accepté la pleine responsabilité des crimes ; et il avait connu une « enfance agitée et tourmentée ». Elle a en revanche constaté que le jury avait rendu des « conclusions variables » quant aux autres éléments atténuants, notamment sur le fait que Jack Jones « souffrait d’une maladie mentale ou de troubles du déficit de l’attention avec hyperactivité » et que « malgré ses efforts, M. Jones avait été mal diagnostiqué et traité avec des médicaments inadaptés à plusieurs reprises ». Cette juridiction a estimé qu’on ne pouvait pas savoir, à la lecture du formulaire remis par le jury, si « certains ou aucun des jurés avaient conclu que ces facteurs constituaient des circonstances atténuantes ». Elle a toutefois statué que les contradictions figurant dans le formulaire du jury étaient « anodines ». Personne ne lui a demandé, et elle n’a pas vérifié, si les conclusions variables étaient liées à une insuffisance de la part de la défense dans la recherche et la présentation de circonstances atténuantes. Cette question n’a guère été abordée lors des procédures en appel devant les juridictions d’État, et Jack Jones n’a pas pu bénéficier d’une audience fédérale lorsque les juridictions d’appel fédérales ont été saisies de l’affaire.
Le droit international et les normes internationales sur le recours à la peine capitale énoncent clairement que ce châtiment ne peut pas être imposé ou appliqué à des personnes présentant une déficience intellectuelle ou un handicap mental. Cela est valable y compris si un tel trouble est diagnostiqué après la survenance des faits reprochés à la personne condamnée.
Étant donné le caractère irréversible de la peine capitale, les procédures dans les affaires où elle peut être prononcée doivent être rigoureusement conformes à toutes les normes internationales garantissant le droit à un procès équitable, quelle que soit la gravité du crime commis. Toute personne qui encourt la peine de mort doit bénéficier des services d’un avocat compétent à tous les stades de la procédure. De plus, toutes les circonstances atténuantes doivent être prises en compte.
Comme de nombreux autres États, l’Arkansas rencontre des difficultés pour se procurer les produits chimiques nécessaires aux exécutions par injection létale et pour appliquer des protocoles respectant, selon les juges, les critères de conformité à la Constitution. Le 23 juin 2016, la cour suprême de l’Arkansas a validé la méthode d’exécution par injection de trois substances, selon laquelle les autorités pénitentiaires choisissent soit un barbiturique soit le midazolam comme sédatif, puis utilisent du bromure de vecuronium comme agent paralysant, et enfin du chlorure de potassium pour provoquer un arrêt cardiaque entraînant la mort. À la suite du refus de la Cour suprême fédérale d’intervenir en février 2017, le gouverneur Hutchinson a fixé des dates d’exécution pour les huit hommes au nom desquels le recours judiciaire contre le protocole d’injection létale avait été déposé : Don Davis et Bruce Ward doivent être exécutés le 17 avril ; Ledelle Lee et Stacey Johnson, le 20 avril ; Marcel Williams et Jack Jones, le 24 avril ; et Jason McGehee et Kenneth Williams, le 27 avril (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/amr51/5816/2017/fr/).
Six exécutions ont déjà eu lieu cette année aux États-Unis, ce qui porte à 1 448 le nombre de personnes auxquelles les autorités de ce pays ont ôté la vie depuis la reprise de cette pratique en 1977, après l’approbation de la nouvelle législation relative à la peine capitale par la Cour suprême fédérale en 1976. La dernière exécution recensée en Arkansas – la 27e depuis 1977 dans cet État – a eu lieu en 2005. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances et dans tous les pays. À l’heure actuelle, quelque 141 pays sont abolitionnistes en droit ou dans la pratique.
Nom : Jack Jones
Homme

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions

L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi !

L’avortement est un droit humain et un soin de santé essentiel pour toute personne pouvant être enceinte. Ceci sonne comme une évidence ? Et bien, ce n’est pourtant pas encore une réalité en (…)

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit