Les Nubiens sont un groupe ethnique minoritaire en Égypte et au Soudan. Ils sont depuis longtemps marginalisés et victimes de discrimination en raison de leur identité culturelle, ethnique et linguistique. En 1964, le gouvernement égyptien a chassé des milliers de Nubiens de leurs terres dans le sud de l’Égypte pour construire le barrage d’Assouan, qui a causé l’inondation de plusieurs villages nubiens et entraîné d’autres déplacements. La population nubienne déplacée s’est réinstallée dans d’autres régions. Une grande partie a migré dans les pays du golfe Persique, notamment en Arabie saoudite, pour chercher du travail. Pour préserver sa culture et son héritage, la diaspora nubienne a créé des associations culturelles et sociales. Pendant plusieurs décennies, les associations nubiennes ont fonctionné normalement en Arabie saoudite, en se consacrant exclusivement à des activités culturelles et sociales sans faire de politique.
Depuis le début des années 2000, cependant, les revendications de militants nubiens en faveur d’un retour sur leurs terres ancestrales et d’une indemnisation se sont intensifiées. L’article 236 de la Constitution égyptienne de 2014 a prévu pour la première fois la mise en œuvre d’un plan de développement global pour les régions marginalisées, dont la Nubie, avec la participation des habitants locaux, en vue de préserver leur héritage. Une coalition de 40 associations nubienne a été formée à Riyadh au début de l’année 2020 pour appeler le président égyptien Abdel Fattah al Sissi à appliquer l’article 236 et à permettre le retour des Nubiens sur leurs terres. Les autorités saoudiennes ont arrêté les 10 hommes nubiens détenus le matin d’un événement annuel organisé en hommage aux soldats nubiens ayant combattu lors de la guerre israélo-arabe de 1973 (qui s’est déroulée du 6 au 24 octobre 1973). Cet événement s’était déroulé les années précédentes en Arabie saoudite sans représailles contre la communauté nubienne.
Les 10 Égyptiens nubiens détenus sont : Adel Ibrahim Faqir (chef de la communauté nubienne de Riyadh, âgé de 65 ans), Farjallah Ahmed Youssef (ancien chef de la communauté nubienne de Riyadh), Jamal Abdullah Masri (président de l’Association du village nubien de Dhamit à Riyadh), Mohamed Fathallah Gomaa (37 ans), Sayyed Hashem Shater, Ali Gomaa Ali Bahr (37 ans), Saleh Gomaa Ahmed, Abdulsalam Gomaa Ali Bahr (43 ans), Abdullah Gomaa Ali et Wael Ahmed Hassan Ishaq (membre de l’Association du village nubien de Thomas, 53 ans).
En 2017, les autorités égyptiennes ont arrêté 25 militants nubiens après la dispersion violente de leur manifestation pacifique dans le gouvernorat d’Assouan le 3 septembre 2017. Ces militants ont par la suite été libérés et les poursuites à leur encontre abandonnées, mais l’un d’eux, Gamal Sorour, est mort en détention. Amnesty International a recueilli des informations faisant état d’un harcèlement permanent des militants nubiens des droits humains en Égypte par le biais de l’Agence de sécurité nationale (NSA), notamment au moyen de convocations pour des interrogatoires coercitifs sans décision de justice en 2021.
En outre, le Tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite tient systématiquement des procès d’une iniquité flagrante aboutissant à des condamnations très sévères, dont des peines de prison allant jusqu’à 20 ans suivies d’interdictions de voyager tout aussi longues et même des condamnations à mort, et sert d’instrument politique pour réprimer l’opposition.
Amnesty International demande aux autorités saoudiennes de relâcher immédiatement et sans condition l’ensemble des prisonniers et prisonnières d’opinion détenus uniquement pour avoir réclamé pacifiquement des réformes ou célébré leur héritage. Outre les 10 Égyptiens nubiens, parmi les personnes emprisonnées se trouvent Mohammed al Bajadi, membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA) et éminent défenseur des droits humains, et Salman al Awda, dignitaire religieux réformiste qui encourt la peine de mort pour avoir exprimé son opinion dans un tweet.