Écrire Extradé vers la Russie, un homme risque d’être torturé

Le 17 juillet, Aslan Yandiev a été extradé vers la Russie. Atteint d’une pathologie de longue durée, il risque fortement de subir des actes de torture et des mauvais traitements et d’être jugé dans le cadre d’un procès inique en Russie.

Dans la soirée du 17 juillet, le ministère slovaque de l’Intérieur a extradé Aslan Yandiev vers la Russie. L’extradition a été menée en violation des mesures provisoires décrétées par le Comité des droits de l’homme des Nations unies en juin 2018, qui demandaient aux autorités slovaques de ne pas l’extrader tant que le Comité examinait l’affaire. La Slovaquie a bafoué ses obligations de ne pas transférer des personnes dépendant de sa juridiction vers un lieu où elles risqueraient d’être victimes de torture et d’autres mauvais traitements (principe de non-refoulement) et où leur droit à un procès équitable ne serait pas garanti.

La demande d’extradition a été délivrée par un procureur à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord, dans la région du Caucase du Nord. Elle indique qu’Aslan Yandiev est inculpé de divers crimes, notamment de participation à des actes terroristes et aux actions de groupes armés, accusations qu’il a toujours niées. Il assure que certaines déclarations l’incriminant ont été obtenues en torturant trois personnes qu’il connaissait. Ces trois connaissances ont par la suite porté plainte pour torture et autres violations des droits humains auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En 2011, l’affaire a été communiquée aux autorités russes et la décision est toujours en attente.

Amnesty International craint vivement qu’Aslan Yandiev ne soit exposé au risque de subir des actes de torture ou autres peines ou traitements inhumains ou dégradants en Russie – surtout s’il est détenu au centre de détention provisoire de Vladikavkaz, où Amnesty International a recensé dans le cadre de ses recherches un usage fréquent de la torture en vue d’extorquer des « aveux ». Depuis le conflit ethnique de 1992 entre Ossètes et Ingouches dans le Caucase du Nord, les personnes d’origine ethnique ingouche, comme Aslan Yandiev, sont souvent traitées de manière discrimatoire en Ossétie du Nord.

En outre, selon l’un de ses avocats, la santé d’Aslan Yandiev s’est gravement détériorée durant ses sept années de détention en Slovaquie. Outre les inquiétudes concernant la torture et les mauvais traitements, il est à craindre que si son état de santé se dégrade encore, il ne bénéficie pas d’un accès à des soins essentiels en temps voulu. Enfin, il est plus que probable qu’Aslan Yandiev ne bénéficiera pas d’un procès équitable, car il est courant que les tribunaux en Russie n’excluent pas des procédures pénales les preuves obtenues sous la torture.

Selon les informations dont dispose Amnesty International, Aslan Yandiev a fui l’Ingouchie (une République du Caucase du Nord, en Fédération de Russie) et demandé l’asile en Slovaquie le 9 décembre 2010. Il craignait en effet d’être soumis à des persécutions par les forces de l’ordre en Ingouchie et en Ossétie du Nord (également située dans le Caucase du Nord) parce qu’il était poursuivi pour plusieurs infractions, qu’il affirme ne pas avoir commises. Au moment de son extradition le 17 juillet 2018, Aslan Yandiev attendait toujours qu’une décision soit prise au sujet de sa demande d’asile.

Amnesty International reçoit régulièrement des informations faisant état de torture et de mauvais traitements dans le Caucase du Nord, et en particulier en Ingouchie et en Ossétie du Nord, et a recensé plusieurs cas de ce type au cours des dernières années. De plus, l’année dernière, Amnesty International a constaté une augmentation du nombre de signalements d’exécutions extrajudiciaires et d’actes de torture. Ces violations des droits humains s’inscrivent souvent dans le contexte d’activités « antiterroristes » menées par des membres des forces de l’ordre dans le Caucase du Nord. Amnesty International a reçu à maintes reprises des informations provenant d’un peu partout dans cette région, selon lesquelles des personnes étaient poursuivies de manière arbitraire sous prétexte d’appartenance présumée à des groupes armés. D’après des allégations crédibles, les éléments à charge s’appuyaient principalement voire totalement sur des « aveux » ou des « témoignages » extorqués sous la torture ou par la contrainte, pratique qui serait couramment utilisée pour faire condamner des personnes pour des infractions liées aux activités des groupes armés, entre autres.

Le 7 février, la ministre de la Justice a indiqué que sa décision d’autoriser l’extradition d’Aslan Yandiev vers la Russie se fondait principalement sur l’assurance diplomatique que lui a donnée la Russie. D’après les recherches d’Amnesty International, les assurances diplomatiques fournies par les gouvernements de pays où la torture est un problème persistant et où des catégories ciblées de personnes sont régulièrement soumises à des actes de torture ou à d’autres mauvais traitements ne peuvent pas constituer une garantie suffisante contre de telles violations. Ces garanties ne sont pas fiables ; du point de vue juridique, rien n’oblige les États à les respecter. L’expérience montre que les assurances diplomatiques données par certains États ne sont pas une protection efficace contre le risque de torture et de mauvais traitements en cas de renvoi. Le 21 mars, la Cour constitutionnelle de la République slovaque a suspendu l’autorisation d’extradition délivrée par la ministre de la Justice.

Le 2 mai, la Cour constitutionnelle slovaque a estimé que l’extradition d’Aslan Yandiev en Fédération de Russie ne constituerait pas une violation des droits humains car il n’y avait pas de motifs sérieux « de penser qu’il serait exposé à un risque réel de mauvais traitements ». Elle a fait référence à l’arrêt rendu en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait estimé que l’extradition de cet homme en Russie était licite au titre de la Convention, compte tenu notamment des assurances diplomatiques données par le parquet général russe. La Cour constitutionnelle n’a pas examiné la question de la demande d’asile d’Aslan Yandiev, en instance depuis 2010, et qui rendrait son extradition illégale. Amnesty International estime que les assurances diplomatiques contre la torture et les mauvais traitements sont par nature peu fiables et ne peuvent constituer une protection efficace contre de telles violations.

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