Écrire Des familles Roms en danger après leur expulsion forcée

Le 21 juin, quelque 75 familles roms ont été expulsées du camp de Masseria del Pozzo, dans la municipalité de Giugliano in Campania, près de Naples. Elles ont été déplacées sur un site industriel abandonné, sans logement adéquat ni système d’assainissement, où elles ne peuvent pas accéder aux services de santé.

Environ 300 Roms, dont des dizaines d’enfants en bas âge, ont été expulsés de force du camp de Masseria del Pozzo, où ils vivaient depuis presque trois ans, le 21 juin. Ils avaient été informés de leur expulsion prochaine après une décision judiciaire ordonnant la saisie du terrain, déclaré impropre à l’habitation humaine. Cependant, on ne leur a indiqué qu’oralement qu’ils seraient probablement réinstallés sur un ancien site industriel et ils n’ont pas obtenu d’autres informations. Les autorités locales ne les ont pas prévenus par écrit et n’ont pas consulté les habitants en bonne et due forme pour étudier les autres solutions adaptées avant l’expulsion forcée.

Les 22 et 23 juin, une délégation d’Amnesty International s’est rendue sur place et a interrogé plusieurs dizaines de membres de la communauté expulsée, qui ont déclaré que des fonctionnaires municipaux et des policiers leur avaient affirmé que l’ancien site industriel était leur seule solution de réinstallation. Lors d’un entretien avec les représentants de l’organisation le 23 juin, le maire de Giugliano in Campania a nié que la municipalité avait ordonné aux familles de s’installer sur l’ancien site industriel, mais il a ajouté qu’elle ne prendrait pas de mesures immédiates pour garantir le droit des habitants roms à un logement convenable et à l’assainissement sur ce site, ainsi que leur accès à des services essentiels, étant donné qu’il s’agit d’une propriété privée.

Situé dans la zone industrielle de Giugliano in Campania, le site est un terrain vague complètement inadapté à l’habitation humaine. Dépourvu d’accès au réseau électrique, il ne dispose d’aucun bâtiment pour abriter les familles. Il comporte seulement une douche, un cabinet de toilette raccordé à l’eau courante et deux toilettes mobiles quasiment hors d’usage. Les hommes, les femmes et les enfants n’ont guère d’autre choix que de faire leurs besoins dans les buissons. Seuls quatre robinets communs distribuent de l’eau froide. Les personnes ayant une caravane ont été autorisées à l’apporter, mais au moins trois familles se sont retrouvées sans abri car elles n’en possédaient pas. De nombreux adultes et enfants dorment dans leur voiture, dehors ou dans des abris improvisés. Certaines personnes souffrent de maladies de peau et au moins un homme a besoin de soins médicaux urgents.

Le maire a indiqué que la municipalité n’avait pas l’intention dans l’immédiat de chercher un autre lieu convenable et adapté en consultation avec la communauté expulsée. Il a ajouté que les familles devraient rester sur le site actuel jusqu’à ce qu’un nouveau camp prévu soit en place. Le projet de construction d’un nouveau camp spécifique que les autorités ont présenté a été vivement critiqué par Amnesty International et d’autres ONG car il renforcera la ségrégation, et non l’intégration.

Le camp de Masseria del Pozzo
Le camp de Masseria del Pozzo a été construit en 2013 par la municipalité de Giugliano, à proximité d’une décharge abritant des déchets toxiques, pour réinstaller temporairement les habitants d’origine rom. En octobre 2015, la justice a ordonné que le terrain du camp soit saisi et que les autorités municipales déplacent les familles en raison des conditions sanitaires et structurelles précaires et dégradantes du camp.

La perspective d’une ségrégation à long terme
Face à la fermeture annoncée du camp, en février 2016, les autorités locales, régionales et nationales n’ont pas entamé de véritable consultation afin d’identifier des solutions de relogement satisfaisantes pour cette communauté rom. Elles ont préféré approuver la construction d’un nouveau camp spécifique composé de 44 bâtiments préfabriqués pour les Roms vivant à Masseria del Pozzo. Amnesty International et d’autres ONG ont vivement critiqué ce projet (voir leur déclaration conjointe sur https://www.amnesty.org/en/documents/EUR30/3520/2016/en/, en anglais).

Une solution temporaire totalement inadaptée pour les familles roms
Depuis le 14 juin 2016, les familles roms avaient été informées par des représentants des autorités locales et de la police que leur expulsion aurait lieu le 16 juin, avant d’apprendre qu’ils seraient en fait expulsés le 23 juin. Lorsque l’expulsion a finalement eu lieu, le 21 juin, aucune notification écrite n’avait été présentée aux habitants par les autorités, qui ne leur avaient fourni que des informations sporadiques oralement. Aucune consultation digne de ce nom n’a été réalisée par les autorités locales afin d’étudier les autres solutions possibles avec les familles concernées.

Après avoir envisagé de déplacer la communauté vers un terrain vague isolé, dépourvu d’équipements, d’eau courante et de système d’assainissement, les autorités locales ont expulsé de force les familles roms le 21 juin. Celles-ci ont été amenées sur le site d’une ancienne usine de feux d’artifice. Plusieurs dizaines d’habitants interrogés sur place par Amnesty International les 22 et 23 juin ont déclaré qu’ils n’avaient pas été informés du nouveau lieu et n’avaient pas eu l’occasion de le voir ou de l’examiner avant le déménagement. Les autorités leur ont présenté le nouveau site comme la seule solution possible, si bien que leur communauté a dû faire face à un dilemme : accepter d’être déplacée vers un lieu inconnu ou se retrouver sans logement.

Le nouveau lieu est totalement inadapté. Les conditions de vie y sont indignes : accès extrêmement limité aux sanitaires, pas d’accès à l’électricité ni à aucune autre source d’énergie pour cuisiner et s’éclairer, accès limité à l’eau et surpopulation, les habitants étant contraints de dormir dans de petites caravanes ou dehors, faute d’abris. Pour plus d’informations sur les préoccupations d’Amnesty International relatives à l’absence d’autre solution adaptée, voir https://www.amnesty.org/en/documents/eur30/4300/2016/en/ (en anglais uniquement). La situation de cette communauté rom demande une attention urgente car de nombreux enfants et adultes présentent des symptômes de maladies de peau, de la fièvre, des maux de tête, et au moins un homme est gravement malade et a besoin de soins médicaux de toute urgence.

Étant donné que les garanties nécessaires n’ont pas été mises en place avant le déplacement, celui-ci s’apparente à une expulsion forcée, qui constitue une grave violation des droits humains. Par conséquent, l’Italie manque à ses obligations découlant de plusieurs traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, dont certains font partie de la législation européenne (comme la directive de l’UE sur l’égalité raciale). Cette expulsion forcée et le projet de déplacer à terme les familles dans un autre campement mono-ethnique vont également à l’encontre de l’engagement pris par l’Italie dans sa Stratégie nationale d’intégration des Roms, adoptée en 2012, de mettre fin à la ségrégation dans les camps.

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