Depuis l’arrivée au pouvoir du président Joseph Biden, le nouveau gouvernement des États-Unis a pris des mesures nécessaires mais qui sont loin d’être suffisantes afin de rétablir l’accès à l’asile à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Cependant, ce gouvernement poursuit de manière éhontée la politique du gouvernement de Donald Trump et utilise à mauvais escient le Titre 42 de l’autorité de santé publique pour bloquer et expulser des personnes à la frontière, mettant des vies en danger en invoquant la « santé publique » comme justification. Entre mars 2020 et mai 2021, le gouvernement a expulsé sommairement près de 875 000 personnes, mettant particulièrement en danger les immigrants et demandeurs d’asile noirs expulsés vers des conditions dangereuses au Mexique, où les demandeurs d’asile sont soumis à de graves violences. Le gouvernement de Joseph Biden est responsable de plus de 400 000 de ces expulsions. Cette utilisation abusive du Titre 42 se poursuit, en dépit des objections formulées par des responsables du Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) et à l’encontre des recommandations d’experts de santé publique. Tout cela n’était absolument pas nécessaire et bafoue les obligations des États-Unis de respecter le droit de demander l’asile et de ne pas renvoyer de force des personnes vers un territoire où elles risquent de subir de graves atteintes aux droits humains. Aucune raison de santé publique ne justifie de traiter les immigrants et demandeurs d’asile différemment et cela leur cause des torts irréparables.
Rétablir l’accès à l’asile suppose de respecter les garanties d’une procédure régulière. Il faut autoriser les demandeurs et demandeuses d’asile à entrer dans le pays, ne pas les expulser ni les placer en détention. Ils pourront ainsi déposer leurs demandes d’asile dans des communautés soutenues par des associations locales. Il faut rejeter le recours au processus de renvoi accéléré dans le cadre de l’examen des demandes d’asile, tandis qu’un calendrier accéléré pour les audiences devant les tribunaux chargés des affaires d’immigration est source d’inquiétude. La réforme présentée comme une procédure régulière fondée sur l’efficacité ne garantit ni l’un ni l’autre.
Les médias ont montré des images d’agents du Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) foncer à cheval sur des foules de demandeurs d’asile haïtiens – les dispersant avec violence, se moquant d’eux et les forçant à faire demi-tour. Cette escalade de la violence va de pair avec l’augmentation des opérations de reconduite par avion des demandeurs d’asile haïtiens. Le gouvernement de Joseph Biden fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher ces personnes de se mettre en sécurité, la plupart souhaitant trouver un refuge après avoir quitté Haïti qui est en proie à l’instabilité politique et à une catastrophe humanitaire – le séisme de 2013, un autre séisme dévastateur il y a tout juste un mois, la violence généralisée et la répression, et l’assassinat du président haïtien cet été.
Les manifestations et la violence généralisée sont constantes en Haïti depuis au moins 2019, ce dont Amnesty International a déjà rendu compte. Dans le contexte du chaos entourant l’assassinat du président Jovenel Moïse début juillet, de la criminalité omniprésente et de la crise des droits humains qui frappe le pays, les attaques contre les journalistes et les défenseur·e·s des droits humains se multiplient. Le gouvernement haïtien est accusé de complicité dans les attaques de grande ampleur menées par des gangs dans des quartiers pauvres entre 2018 et 2020. Dans un rapport publié en janvier 2021, l’ONU a souligné la multiplication des violations des droits humains.
Les récents événements à la frontière s’inscrivent dans la lignée des atteintes aux droits humains subies au cours de l’histoire par les immigrants et demandeurs d’asile noirs aux États-Unis. On ne peut ignorer la xénophobie, la haine et le suprémacisme blanc au cœur de nombreuses politiques américaines d’immigration, qui continueront de causer préjudice aux personnes en quête de sécurité, si ces fléaux ne sont pas activement combattus. Il est inadmissible d’expulser des milliers de personnes vers un pays plongé dans une crise politique, environnementale et économique où elles risquent de subir des violences, de se retrouver sans logement, voire de perdre la vie.