Le 28 mars 2018, Mustafa al Darwish a été condamné à mort après avoir notamment été déclaré coupable d’avoir « participé à une rébellion armée contre les dirigeants, bloqué des routes et semé la discorde », « formé [...] un réseau terroriste armé et tiré sur des membres des forces de sécurité », « cherché à perturber la cohésion nationale en participant à plus de 10 émeutes », « fabriqué des cocktails Molotov dans le but de porter atteinte à la sécurité de l’État et de les lancer sur des patrouilles de sécurité », ainsi que d’avoir enfreint l’article 6 de la Loi contre la cybercriminalité en « stockant des informations portant atteinte à l’ordre public ».Il a dit au juge lors d’une des audiences de son procès : « mes aveux ne sont pas valables car on m’a menacé, battu et torturé pour me les extorquer. On m’a aussi torturé au niveau de zones sensibles de mon corps, ce qui m’a fait perdre connaissance. J’ai avoué parce que j’avais peur de perdre la vie. » Mustafa Al Darwish a également dit au tribunal qu’alors qu’un juge validait ses aveux, le magistrat l’avait lui aussi menacé d’être à nouveau battu et torturé s’il refusait de les signer.
Amnesty International a recueilli des informations sur la politique répressive menée à l’égard de la communauté chiite en Arabie saoudite, notamment par l’intermédiaire du Tribunal pénal spécial, qui prononce de lourdes peines de prison et des condamnations à mort à l’issue de procès manifestement iniques, entachés d’allégations de torture en détention sur lesquelles le parquet s’abstient systématiquement d’enquêter.
Lors d’une vague d’exécutions le 23 avril 2019, l’Arabie saoudite a ôté la vie à 37 personnes déclarées coupables de « terrorisme » par le Tribunal pénal spécial, dont un jeune chiite condamné pour des faits survenus alors qu’il avait moins de 18 ans. Parmi ces personnes figurait Abdulkareem al Hawaj, un jeune chiite arrêté à l’âge de 16 ans et déclaré coupable d’infractions liées à sa participation à des manifestations antigouvernementales. Or, le droit international interdit strictement de recourir à la peine de mort contre une personne âgée de moins de 18 ans au moment des faits qui lui sont reprochés.
La plupart des condamnés exécutés ce jour-là étaient des hommes chiites déclarés coupables à l’issue de simulacres de procès, contraires aux normes internationales d’équité et fondés sur des « aveux » arrachés sous la torture. Ils ont été maintenus en détention provisoire prolongée et ont dit au tribunal qu’on les avait soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements pendant leurs interrogatoires pour leur extorquer des « aveux ». À la connaissance d’Amnesty International, les familles des condamnés concernés n’ont pas été informées de leur exécution à l’avance et ont été bouleversées en l’apprenant.
De plus, trois jeunes hommes appartenant à la minorité chiite sont toujours détenus pour des infractions qu’ils ont commises alors qu’ils avaient moins de 18 ans, à savoir Ali al Nimr, Dawood al Marhoon et Abdullah al Zaher. Ces trois hommes ont passé plus de six ans dans le quartier des condamnés à mort sous la menace d’une exécution imminente à la suite de procès manifestement iniques. En février 2021, le Tribunal pénal spécial a commué leur condamnation à mort et les a condamnés à une peine de 10 ans d’emprisonnement, ce qui signifie, compte tenu du temps qu’ils ont déja passé en prison, qu’ils pourraient être libérés en 2022.
Il reste important de souligner qu’en avril 2020, l’Arabie saoudite a publié un décret royal annonçant son projet de ne plus recourir à la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans dans les affaires discrétionnaires ne relevant pas de la législation antiterroriste. Ce décret s’inscrit dans le sillage de la Loi de 2018 relative aux mineurs, qui interdit aux juges de prononcer des condamnations à mort à titre de châtiment discrétionnaire contre des personnes âgées de moins de 15 ans. L’annonce des autorités saoudiennes doit être suivie de l’adoption de règlements d’application précis n’excluant aucun mineur de cette réforme.
La peine de mort est un châtiment cruel, inhumain et dégradant. Amnesty International y est systématiquement opposée, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence et quelles que soient la personne accusée, l’infraction commise et la méthode d’exécution.