Présidente d’une organisation appelée Ligue pour la défense des droits humains et contre le pillage des ressources naturelles, Sultana Khaya est connue pour militer haut et fort, de façon pacifique, afin d’obtenir que le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination soit respecté. Elle est également membre de l’Instance sahraouie contre l’occupation marocaine (ISACOM). La détention illégale de cette femme et de sa famille s’inscrit dans le contexte de la vaste répression exercée par les autorités marocaines contre les militantes et militants sahraouis et les voix critiques au Sahara occidental, répression qui a pris de l’ampleur à la suite d’affrontements entre le Maroc et le Front Polisario en novembre 2020. Un nombre croissant de militants sahraouis ont été soumis à des attaques ciblées ces 12 derniers mois par les forces de sécurité, loin de l’attention des médias internationaux.
Le 10 mai 2021, les forces de sécurité avaient déjà effectué un raid au domicile de Sultana Khaya quand elle avait commencé à mener une campagne intitulée « Mon drapeau sur le toit » #علمي_فوق_منزلي ; ils avaient menotté sa sœur aux poignets et aux chevilles et volé des objets de valeur, notamment le téléphone et l’ordinateur de Sultana Khaya. Trois militants qui se trouvaient là pour apporter leur soutien à Sultana Khaya et à sa famille avaient aussi été arrêtés et torturés. Deux jours plus tard, le 12 mai 2021, des dizaines de membres des forces de sécurité au visage masqué ont fait irruption au domicile de Sultana Khaya, l’ont agressée et ont tenté de la violer, et ont violé sa sœur. Les forces de sécurité avaient au préalable enlevé le compteur électrique pour que Sultana Khaya et sa famille n’aient plus l’électricité.
Depuis le début de l’assignation à résidence de Sultana Khaya, les autorités ne lui ont présenté aucun mandat d’arrêt et aucune décision de justice. Elles ne l’ont jamais informée du motif de cette assignation. Elle a seulement été informée oralement, par le chef des forces de police à Boujdour, qu’elle avait interdiction de quitter sa maison.
En février 2022, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) du Maroc a déclaré s’être rendu au domicile de Sultana Khaya mais avoir essuyé un refus de sa part. Cette déclaration a été démentie par Sultana Khaya, qui a assuré que la délégation ne lui a pas rendu visite et n’est pas entrée en contact avec elle. Dans sa déclaration, Sultana Khaya affirme que le CNDH fait partie du système de sécurité au Sahara occidental. Il est « au service du programme d’occupation, et non des droits humains ».
Aux termes du droit international relatif aux droits humains, les placements en résidence surveillée sont considérés comme une forme de détention et leur légalité dépend du respect de certaines garanties. Selon l’Observation générale n° 35 du Comité des droits de l’homme des Nations unies sur l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la privation de liberté, y compris l’assignation à résidence, doit être non arbitraire, se dérouler dans le respect du droit et permettre un contrôle juridictionnel significatif et rapide de la détention. La privation de liberté, y compris l’assignation à résidence, est arbitraire lorsqu’elle résulte de l’exercice des droits fondamentaux, notamment des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.
Le Sahara occidental fait l’objet d’un litige territorial entre le Maroc, qui a annexé ce territoire en 1975 et revendique sa souveraineté sur celui-ci, et le Front populaire pour la libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario), qui appelle à la création d’un État indépendant et a établi un gouvernement autoproclamé, en exil dans les camps de réfugiés de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie. Un accord conclu aux Nations unies en 1991, qui a mis fin aux affrontements entre le Maroc et le Front Polisario, requérait l’organisation d’un référendum afin que la population du Sahara occidental puisse choisir l’indépendance ou l’intégration au Maroc. Le référendum n’a pas encore eu lieu. Ces dernières années, il est devenu de plus en plus difficile pour les observateurs et observatrices extérieurs de se rendre au Sahara occidental, à mesure que la situation des droits humains se dégrade.
En 2020, les autorités marocaines ont empêché au moins neuf avocat·e·s, militant·e·s, personnalités politiques et journalistes de s’y rendre. Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas donné suite aux appels d’Amnesty International et d’autres l’incitant à adjoindre une composante droits humains à la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), ce qui permettrait de surveiller les violations des droits humains et d’en rendre compte.