Le Magdalena Medio est une vaste vallée située entre les chaînes de montagnes colombiennes et traversée par le principal fleuve de Colombie, le Magdalena. Le pétrole est l’une des principales sources d’activité économique de la région, et la plus grande raffinerie du pays est située dans la ville de Barrancabermeja, dans le département de Santander, au cœur du Magdalena Medio. La région est également engagée dans l’agro-industrie, l’exploitation minière et l’élevage, entre autres activités économiques.
Du fait de son emplacement géographique et de l’abondance de ressources à valeur élevée, telles que le pétrole et l’eau, elle est considérée comme stratégique et a fait l’objet de conflits continus entre l’État et des groupes armés présents dans le pays. Le Magdalena Medio est par ailleurs le théâtre de processus soutenus de mobilisation populaire et de défense des droits humains depuis des décennies.
Des syndicats, des organisations féministes et des mouvements populaires et de défense des droits humains se sont unis pour créer un espace civique local puissant. Cette situation, conjuguée à la lutte pour le contrôle territorial, politique et économique de la région par des groupes d’intérêt et des factions armées, a créé un terrain propice à la violence contre les défenseur·e·s des droits humains, qui perdure au moins depuis les années 1980.
Ces dernières années, des chiffres alarmants ont été enregistrés dans le Magdalena Medio en matière de violences perpétrées contre la population civile, en particulier des homicides. Tout ceci se déroule dans un contexte de lutte entre au moins quatre groupes armés présents dans la région, dont l’Ejército Gaitanista de Colombia (EGC), alias AGC ou Clan del Golfo, actuellement le plus gros groupe armé du pays et celui qui a le plus vaste contrôle dans la région.
La Fédération des pêcheurs artisanaux, écologistes et touristiques du département de Santander (FEDEPESAN) mène ses activités autour du lac San Silvestre, à proximité de la ville de Barrancabermeja. La FEDEPESAN a signalé la pollution de l’eau par des entreprises régionales, ainsi que la présence de groupes armés cherchant à prendre le contrôle du territoire, notamment des lacs et des fleuves. C’est dans ce contexte que la présidente de la FEDEPESAN, Yuly Velázquez, a subi de nombreuses formes de violence recensées par Amnesty International, notamment une menace en novembre 2020, des impacts de balles à son domicile en janvier 2021, des actes d’intimidation lors d’activités de protestation en août 2021, une agression à main armée en mai 2022, et une autre en juillet 2022 (durant laquelle un agent de sécurité de son dispositif de protection a été blessé).
En juin 2022, Amnesty International a lancé une Action urgente demandant au gouvernement de protéger la FEDEPESAN. Elle a constaté des failles dans le fonctionnement du programme de protection fourni par l’État à Yuly Velásquez par l’intermédiaire de l’Unité de protection nationale (UNP), étant donné le niveau élevé de risque auquel elle est exposée et a demandé un renforcement de sa protection. Yuly Velásquez a reçu le prix des droits humains 2024 d’Amnesty International en Allemagne.
En février 2024, mars 2024 et janvier 2025, Amnesty International a publié des actions urgentes demandant aux autorités de fournir une protection et de mener des enquêtes judiciaires efficaces après que des menaces proférées par l’EGC mentionnaient la FEDEPESAN et le Comité régional de défense des droits humains (CREDHOS), l’organisation de défense des droits humains qui défend la FEDEPESAN au niveau local.
En janvier et février 2025, la FEDEPESAN a signalé aux autorités diverses menaces reçues par ses membres, qui ont avivé la peur parmi les pêcheurs et les femmes de l’organisation. Cependant, ces menaces n’ont pas reçu l’attention adéquate des autorités locales, notamment de la police. Dans ces circonstances, le 15 février, la FEDEPESAN a publié une déclaration dans laquelle ses membres ont indiqué qu’ils se sentaient forcés de quitter leur territoire avec leurs familles. Ce déplacement menacerait leur capacité à continuer leur activité de pêche artisanale durable, et mettrait en péril leur rôle dans la surveillance de l’impact environnemental sur le lac et le fleuve San Silvestre.