Le 12 novembre, Ahmet Altan, célèbre auteur turc et ancien rédacteur en chef d’un journal, a été arrêté après l’annulation par un tribunal d’une décision, prise le 4 novembre, ordonnant sa libération après plus de trois ans d’incarcération. Cet homme est un prisonnier d’opinion et doit donc être libéré immédiatement et sans condition.
Écrire Il faut libérer l’auteur Ahmet Altan
Dans la soirée du 15 juillet 2016, des éléments des forces armées turques ont tenté de prendre le pouvoir par la force. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues mais les forces gouvernementales ont maîtrisé les putschistes et la tentative de coup d’État a été rapidement déjouée. Plusieurs centaines de personnes sont mortes et des milliers d’autres ont été blessées au cours d’une nuit d’extrêmes violences. Juste après le coup d’État manqué, les autorités ont accusé Fethullah Gülen, prédicateur établi aux États-Unis, et les partisans de son mouvement religieux, qualifié par elles d’« organisation terroriste fethullahiste » (FETÖ/PDY), de conspiration en vue de renverser le gouvernement. Le 20 juillet 2016, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence. Celui-ci a duré deux ans. Dans un contexte de répression massive, de très nombreuses personnes - journalistes, écrivains, juges, procureurs et critiques avérés ou supposés du gouvernement du Parti de la justice et du développement, l’AKP -, ont été incarcérées et accusées de complicité.
La veille de la tentative de coup d’État, Ahmet Altan a participé, en tant qu’invité, à un débat à la télévision turque aux côtés de Nazlı Ilıcak, animatrice de l’émission, et de Mehmet Altan, économiste, commentateur et par ailleurs frère d’Ahmet Altan. Pendant l’émission, ils ont évoqué la politique turque, entre autres sujets. Dans un premier temps, les autorités turques ont affirmé qu’Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazlı Ilıcak avaient envoyé ce soir-là, via l’écran de télévision, des messages subliminaux aux putschistes. Nazlı Ilıcak a été arrêtée à la fin du mois de juillet. Ahmet Altan et Mehmet Altan ont été placés en détention provisoire en septembre 2016. À l’issue du premier procès dans l’affaire visant Ahmet Altan, Mehmet Altan, Nazlı Ilıcak et trois autres personnes, les accusés ont été déclarés coupables de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » et condamnés à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, en février 2018. En juillet 2019, la Cour d’appel suprême a annulé leur condamnation, acquitté Mehmet Altan et ordonné que les cinq autres accusés fassent l’objet d’un nouveau procès pour « avoir aidé une organisation terroriste sans en être membres ».
Le 4 novembre, Ahmet Altan a été condamné à 10 ans et six mois de prison et la journaliste Nazlı Ilıcak à huit ans et neuf mois d’emprisonnement, après avoir été déclarés coupables du chef d’accusation grotesque d’avoir « aidé une organisation terroriste sans en être membre ». Tous deux ont été libérés par la cour pénale spéciale n° 26 d’Istanbul, avec interdiction de quitter le pays, en attendant l’examen de leurs recours. La cour a aussi injustement déclaré coupables trois autres personnes, dont deux travaillant dans les médias, jugeant qu’elles devaient être maintenues en détention provisoire. Mehmet Altan, poursuivi dans le cadre du même procès, a quant à lui été acquitté par la cour pénale spéciale, dans la ligne de l’arrêt rendu par la Cour d’appel suprême dans cette affaire.
Le parquet a fait appel de la libération d’Ahmet Altan le 6 novembre. Le 8 novembre, la cour pénale spéciale n° 26 d’Istanbul a rejeté la requête introduite par le ministère public en vue de la réincarcération d’Ahmet Altan et a renvoyé l’affaire devant la cour pénale spéciale n° 27, qui a donné une suite favorable à cette requête le 12 novembre. Les avocats d’Ahmet Altan n’ont pas été informés de cette décision, mais celle-ci a été divulguée aux médias pro-gouvernementaux. Ahmet Altan a été arrêté le soir même à son domicile, à Istanbul, et placé en garde à vue.
La nouvelle arrestation et la détention d’Ahmet Altan sont selon toute apparence politiquement motivées, arbitraires et incompatibles avec le droit à la liberté consacré par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit toute privation arbitraire de liberté - or, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que l’arbitraire peut naître lorsqu’il y a eu un élément de mauvaise foi de la part des autorités. Le maintien d’Ahmet Altan en détention arbitraire en prison constitue une violation grave de ses droits.
Action terminée