Steven Tendo est arrivé aux États-Unis le 20 décembre 2018 pour solliciter l’asile après avoir fui des persécutions en Ouganda. Il avait milité en faveur des droits humains dans son pays, en aidant des prisonniers politiques et en défendant le droit de vote face à la répression et la corruption des autorités. En 2012, les forces de sécurité l’ont arrêté et violemment torturé ; il a notamment eu deux doigts amputés. Il a été arrêté plus d’une douzaine de fois et soumis à de graves violations des droits humains avant de devoir fuir pour sauver sa vie. Plusieurs membres de sa famille ont été tués par les forces gouvernementales peu avant son départ. Un responsable ougandais a déclaré qu’il était probable qu’il soit tué par les services de sécurité en cas de retour dans son pays.
Après plus d’un an et demi en détention, le diabète de Steven Tendo ne peut plus être maîtrisé. ll est devenu aveugle d’un œil, est en train de perdre la vue de l’autre et souffre d’engourdissements et de fourmillements dans les extrémités. Il a des furoncles sur tout le corps. Pourtant, malgré plusieurs demandes, Steven Tendo n’a pas obtenu d’aménagements pour personnes handicapées. Malgré la dégradation de son état de santé et son système immunitaire affaibli, le Service de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE) a refusé les demandes en faveur de sa libération sans fournir de raison précise.
Au 18 juin 2020, 52 des 193 personnes détenues à Port Isabel ayant passé un test de détection du COVID-19 avaient eu un résultat positif. Amnesty International a dénoncé l’incapacité des centres de détention de l’ICE à adopter des mesures satisfaisantes pour protéger la santé publique, telles que la mise à disposition de savon et de solution hydroalcoolique pour les personnes détenues, la prise en charge médicale adéquate et rapide de celles présentant des symptômes du COVID-19 et la facilitation de la distanciation sociale conformément aux recommandations des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et aux normes mondiales.
Le 8 septembre 2020, les services de l’immigration ont accepté de reporter l’expulsion de Steven Tendo jusqu’à ce que son recours devant la justice fédérale portant sur sa demande d’asile soit examiné. Il est en outre prévu qu’il reçoive des soins médicaux pour ses yeux. Il devait être opéré le 3 septembre afin de tenter de rétablir sa vision sur un œil. Depuis le début de sa détention, il est devenu aveugle d’un œil et a commencé à perdre la vue de l’autre côté. Faisant preuve d’un cruauté incroyable et vraisemblablement délibérée, les autorités ont entamé sa procédure d’expulsion deux jours avant la date prévue pour l’opération. Amnesty International va continuer à mettre son cas en avant et à œuvrer pour qu’il bénéficie d’une procédure régulière, d’une audience équitable, et pour que les États-Unis respectent leur obligation de ne pas renvoyer une personne vers un pays où elle a été torturée. La procédure d’appel au niveau fédéral de Steven Tendo devrait se dérouler vers la fin de l’année 2020.
La détention des demandeurs d’asile ne doit être qu’une mesure prise en dernier recours, lorsque les autres solutions non privatives de liberté se sont révélées ou ont été jugées insuffisantes dans le cas de la personne en cause. Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la détention de demandeurs d’asile uniquement en raison de leur statut migratoire peut « très rapidement, si ce n’est immédiatement » constituer une forme de mauvais traitement pour les personnes dans des situations de vulnérabilité accrue, y compris les personnes souffrant de problèmes de santé.
En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Convention contre la torture et du droit international coutumier, les États-Unis sont tenus de ne pas renvoyer des personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de torture ou d’autres graves atteintes à leurs droits fondamentaux : c’est le principe de « non-refoulement ». Le droit fédéral des États-Unis prévoit que toute personne appréhendée à la frontière « doit être placée en détention » dans l’attente d’une procédure d’expulsion, mais qu’elle peut bénéficier d’une libération conditionnelle accordée au cas par cas pour des « raisons d’urgence humanitaire » ou des « raisons d’utilité publique notables », lorsqu’elle ne constitue aucunement une menace pour la sécurité et ne risque pas de s’enfuir.
L’ICE laisse à la discrétion des directeurs et directrices de ses bureaux locaux la décision d’accorder aux personnes dont les craintes semblent fondées une telle libération conditionnelle au cas par cas, qui s’applique aux personnes dont le maintien en détention n’est pas d’utilité publique et aux personnes en situation d’urgence médicale.