Le Magdalena Medio est une vaste vallée située entre les chaînes de montagnes colombiennes et traversée par le principal fleuve de Colombie, le Magdalena. Le pétrole est l’une des principales sources d’activité économique de la région, et la plus grande raffinerie du pays est située dans la ville de Barrancabermeja, dans le département de Santander, au cœur du Magdalena Medio.
La région est également engagée dans l’agro-industrie, l’exploitation minière et l’élevage, entre autres activités économiques. Du fait de son emplacement géographique et de l’abondance de ressources à la valeur élevée, telles que le pétrole et l’eau, la région est considérée comme stratégique et a fait l’objet de conflits continus entre l’État et des groupes armés présents dans le pays. Le Magdalena Medio est par ailleurs également le théâtre de processus soutenus de mobilisation populaire et de défense des droits humains depuis des décennies. L’association de syndicats, de mouvements féministes et populaires, et de la défense des droits humains a créé des scénarios d’affirmation et de résistance particulièrement puissants.
Cette situation, conjuguée à la lutte pour le contrôle territorial, politique et économique de la région par des groupes d’intérêt et des factions armées, a créé un terrain propice à la violence et aux agressions contre les défenseur·e·s des droits humains, qui persiste depuis au moins les années 1980. En 2023, la population civile a été victime de violences à des niveaux alarmants dans le Magdalena Medio, en particulier d’homicides.
Cette tendance s’est poursuivie en 2024. Tout ceci se déroule dans un contexte de réorganisation d’au moins quatre groupes armés présents dans la région, dont les Forces d’autodéfense gaïtanistes de Colombie, également appelées Clan du Golfe, qui est actuellement le plus grand groupe armé du pays et qui exerce un contrôle plus large sur la région.
La Fédération des pêcheurs artisanaux, écologistes et touristiques du département de Santander (FEDEPESAN) mène ses activités autour du lac San Silvestre, à proximité de la ville de Barrancabermeja. La FEDEPESAN a signalé la pollution de l’eau par des entreprises régionales, ainsi que la présence d’organisations criminelles impliquées dans le trafic de stupéfiants et la traite des êtres humains.
C’est dans ce contexte que la présidente de la FEDEPESAN, Yuly Velázquez, a été la cible de nombreuses menaces et agressions recensées par Amnesty International, notamment des menaces en novembre 2020, des impacts de balles à son domicile en janvier 2021, des actes d’intimidation lors d’activités de protestation en août 2021, une agression à main armée en mai 2022, et une autre en juillet 2022 (durant laquelle un agent de sécurité de son dispositif de protection a été blessé). En février 2021, Amnesty International a lancé une action urgente à la suite de graves menaces proférées à l’encontre de la vice-présidente du FEDEPESAN.
Amnesty International a constaté des failles dans le fonctionnement du programme de protection fourni par l’État à Yuly Velásquez par l’intermédiaire de l’Unité de protection nationale, étant donné le niveau élevé de risque auquel elle est exposée.
Le Comité régional de défense des droits humains (CREDHOS), également établi dans la ville de Barrancabermeja, a été fondé en 1987 et est épaulé par Amnesty International depuis plusieurs années. En 2000, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a pris des mesures de précaution en faveur du CREDHOS en raison de menaces émanant de groupes paramilitaires. En 2016, l’Unité des victimes, instance du gouvernement colombien, a reconnu que le CREDHOS pouvait prétendre à des réparations collectives après avoir subi, en tant qu’organisation, de graves violations des droits fondamentaux dans le contexte du conflit armé.
Le CREDHOS a mis en avant les opérations récentes de la police colombienne et du bureau du procureur général contre le groupe armé, notamment l’arrestation de « Bernabé » en septembre 2024, présumé responsable du meurtre de Filadelfo Anzola, un défenseur des droits de l’homme membre du CREDHOS. Mais l’analyse du CREDHOS souligne également l’implication de membres – actifs ou à la retraite – des forces militaires colombiennes dans les activités du groupe armé.
Par exemple, en septembre 2024, une opération de police contre le groupe armé a entraîné la mort de « Zeus », un membre des forces armées colombiennes à la retraite qui, en août, avait accepté de témoigner devant le tribunal de justice transitionnelle (Juridiction spéciale pour la paix, JEP) et qui avait été précédemment dénoncé par le CREDHOS comme étant le commandant du groupe dans la région du Magdalena Medio.
La police a également arrêté José Alejandro Castro Cadavid, un colonel à la retraite des forces armées colombiennes qui était en activité jusqu’en 2022. Il est accusé par le bureau du procureur général d’être un commandant du groupe armé dans le sud du département de Bolivar, zone appartenant à la région de Magdalena Medio.
Amnesty International est en mesure de confirmer que les menaces et les agressions contre des personnes appartenant au CREDHOS en tant que membres du collectif ont effectivement persisté ces dernières années, avec la présence d’organisations armées sur le territoire où il travaille.
Amnesty International avait déjà lancé une Action urgente en avril 2021, puis deux plus récemment les 9 et 14 février 2024, demandant la protection du CREDHOS, alertant sur le fait que la protection actuellement fournie par l’État est insuffisante compte tenu de la gravité des menaces pesant sur l’organisation à titre collectif ces dernières années. Elle demande également au procureur général d’enquêter sur les attaques contre les membres du CREDHOS. Cette troisième action urgente fait suite aux annonces publiques de CREDHOS datant de novembre 2024 et janvier 2025.