Écrire Une femme chrétienne accusée de blasphème est en danger

Aasia Noreen, connue sous le nom d’Aasia Bibi, est une ouvrière agricole chrétienne qui a été déclarée coupable de blasphème et condamnée à mort en 2010. Bien que la Cour suprême l’ait acquittée de toutes les charges qui pesaient sur elle, le gouvernement pakistanais a cédé aux exigences d’une foule violente, empêchant Aasia Bibi de quitter le pays et demandant à la Cour suprême de réexaminer sa décision.

Aasia Bibi, 54 ans, mère de cinq enfants, a passé ces huit dernières années dans le quartier des condamnées à mort, attendant que son appel soit traité par le système judiciaire pakistanais. Condamnée à mort pour blasphème en novembre 2010, Aasia Bibi a été accusée d’outrage envers le prophète Mahomet après avoir proposé un verre d’eau à une ouvrière agricole avec qui elle travaillait, qui a réagi en disant que cette eau était « impure » parce qu’Aasia Bibi était chrétienne. Les chrétiens pakistanais du Pendjab, dont Aasia Bibi est originaire, sont victimes de discriminations fondées sur la caste et de discrimination religieuse, car il s’agit d’anciens dalits (opprimés), auparavant souvent considérés comme « intouchables ».

Trois ans après avoir accepté d’examiner l’appel formé par Aasia Bibi, la Cour suprême du Pakistan, le 31 octobre 2018, l’a acquittée de toutes les charges retenues contre elle, invoquant un manque d’éléments probants. Après l’annonce du jugement, de violentes manifestations ont éclaté dans les principales villes du Pakistan, des foules violentes bloquant les routes et incendiant des véhicules. Le Premier ministre, Imran Khan, est apparu à la télévision pour confirmer la décision et dénoncer les violences. Toutefois, après deux autres jours de manifestations, son gouvernement a fait marche arrière.

Une délégation gouvernementale a entamé des négociations avec les dirigeants du parti Tehreek e Labbayk, à la tête des manifestations, et a convenu que le nom d’Aasia Bibi serait inscrit sur la liste des personnes dont la sortie du territoire est soumise à contrôle par le Pakistan, et que la Cour suprême examinerait une « requête en révision » visant à faire annuler son acquittement. La date de cet examen n’a pas été fixée et Aasia Bibi est toujours incarcérée.

La vie d’Aasia Bibi, comme celle de ses proches, est en grand danger car cette femme et sa famille font toujours l’objet de menaces. Aasia Bibi a été agressée à plusieurs reprises en prison par des codétenues avant le jugement de la Cour suprême. Si la décision de cette juridiction est annulée à l’issue de son réexamen, Aasia Bibi risque d’être exécutée. Et si elle est libérée, sa vie sera menacée par les foules qui tenteront de l’empêcher de quitter le pays.

Après la condamnation à mort d’Aasia Bibi en novembre 2010, deux responsables politiques de premier plan ont plaidé en sa faveur, appelant le président pakistanais de l’époque, Asif Ali Zardari, à la gracier. L’un d’eux, Salmaan Taseer, gouverneur du Pendjab, a été assassiné par son propre garde du corps en janvier 2011. Deux mois plus tard, le second, Shahbaz Bhatti, alors seul membre chrétien du gouvernement, a été abattu devant le domicile de sa mère, à Islamabad.

Les lois pakistanaises relatives au blasphème sont notoirement vagues et prévoient de lourdes peines. Même s’il existe peu d’éléments à charge, voire aucun, les personnes accusées peuvent être condamnées à mort. Ces textes sont contraires aux obligations du Pakistan en matière de droits humains et ouvrent la voie à d’autres violations, notamment des menaces de mort et des homicides. Les juges hésitent à acquitter les accusés, de crainte d’être pris pour cible à leur tour. Des avocats de la défense ont été tués en plein tribunal. Des témoins et des proches de victimes ont dû entrer dans la clandestinité. Et les autorités, au lieu de défendre fermement les droits humains, ont reculé et cédé le terrain à ceux qui recourent à la violence pour supprimer ces droits.

Quand une personne est accusée de blasphème, la police peut l’arrêter sans même vérifier si les accusations portées contre elle sont justifiées. Les forces de police cèdent à la pression exercée par des foules en colère, y compris par des responsables religieux et leurs sympathisants, et transfèrent souvent ces cas aux procureurs sans avoir examiné les éléments de preuve. Quand une personne est inculpée, elle peut être privée de la possibilité d’obtenir une libération sous caution et risque de subir un procès interminable et inique.

Beaucoup de personnes accusées de blasphème sont menacées de violences.
Ces menaces sont le fait de groupes ou d’individus isolés qui veulent rendre la justice eux-mêmes, décidant parfois de tuer des accusés et des membres de leur entourage, y compris leurs avocats, leurs proches et des membres de leur communauté.

La peur s’empare également des personnes qui travaillent au sein du système pénal pakistanais, empêchant les avocats, les policiers, les procureurs et les juges de faire leur travail de façon efficace et impartiale et sans crainte.

Dans un rapport (en anglais) publié en 2016 (https://www.amnesty.org/en/documents/asa33/5136/2016/en/), Amnesty International a montré que les lois relatives au blasphème favorisaient les violations et allaient à l’encontre de l’obligation qui incombe au Pakistan, en vertu du droit international, de respecter et de protéger les droits humains, y compris la liberté de religion ou de conviction, d’opinion et d’expression. Elle a également montré que ces textes étaient utilisés pour cibler certaines des personnes les plus vulnérables de la société, notamment les membres de minorités religieuses.

La Cour suprême du Pakistan a reconnu que « la majorité des affaires de blasphème sont basées sur de fausses accusations » et motivées par des buts inavoués. Les recherches menées par Amnesty International ont révélé que ces motivations étaient rarement examinées par les autorités et étaient très diverses, allant de la rivalité professionnelle à la recherche d’avantages économiques, en passant par des conflits religieux ou personnels.

Amnesty International demande instamment que les lois relatives au blasphème soient abrogées et que toute nouvelle disposition législative soit pleinement conforme au droit international et aux normes internationales.

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