Écrire LE FONDATEUR D’UNE ONG ENTAME UNE GRÈVE DE LA FAIM

Ancien agent pénitentiaire et fondateur d’une ONG, Walid Zarrouk a entamé une grève de la faim pour protester contre ses condamnations le 24 novembre à des peines de prison pour « outrage à des représentants de l’État ». Son épouse Ines Ben Othman a été informée le 13 décembre qu’elle était visée par une interdiction de quitter le territoire tunisien.

Walid Zarrouk a entamé une grève de la faim pour protester contre les deux peines d’emprisonnement prononcées contre lui le 24 novembre. Il se trouvait en détention provisoire depuis son arrestation en août 2016. Selon son épouse et son avocat, il refuse de boire de l’eau et de prendre des médicaments pour ses problèmes cardiaques et son état de santé se détériore. Il a été transféré le 6 décembre de la prison de la Rabta à Tunis, où les prisonniers souffrant d’un problème médical sont généralement détenus, à la prison de Mornag dans le gouvernorat de Ben Arous, à 35 kilomètres de Tunis, où sont placés les détenus provisoires. Selon son épouse et son avocat, on lui refuse livres et journaux. Ils craignent pour sa sécurité, car c’est un ancien agent pénitentiaire, qui s’exprime ouvertement sur les questions liées au terrorisme, et il partage sa cellule avec 13 personnes accusées d’infractions liées au terrorisme.

Le 24 novembre, Walid Zarrouk a été condamné au total à 26 mois de prison dans le cadre de deux affaires distinctes pour « outrage à des représentants de l’État » et pour avoir « imputé à un fonctionnaire public [...] des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité », au titre des articles 125 et 128 du Code pénal. Il a été condamné à 18 mois de prison pour avoir critiqué dans des posts sur Facebook la gestion des enquêtes par les forces de justice et de sécurité sur l’attentat du musée du Bardo en 2015 et sur l’homicide de l’homme politique Chokri Belaïd en 2013. Il a également été condamné à huit mois de prison pour des commentaires postés sur Facebook en 2013, dans lesquels il critiquait l’ancien ministre de la Justice et le procureur général.

Walid Zarrouk et son épouse Ines Ben Othman ont été interpellés et brièvement détenus en juillet 2016. Ils sont accusés dans des affaires distinctes d’atteinte au droit à la protection de ceux qui sont témoins d’attaques terroristes ou les sanctionnent, au titre des articles 71 et 78 de la loi antiterroriste de 2015, en lien avec des publications sur Facebook. Ces accusations seront réexaminées les 15 et 22 décembre respectivement. Le 13 décembre, un représentant du ministère de l’Intérieur a fait savoir à Ines Ben Othman, qui devait se rendre en France, qu’elle faisait l’objet d’une interdiction de voyager. Aucun motif n’a été invoqué. Elle a depuis lors été informée qu’elle pourrait peut-être voyager mais qu’elle serait longuement fouillée à l’aéroport.

Walid Zarrouk et Ines Ben Othman ont été arrêtés en juillet 2016 et accusés, dans des affaires distinctes, d’« atteinte au droit à la protection de ceux qui sont témoins d’attaques terroristes ou les sanctionnent [notamment les juges, les membres des forces de sécurité, les victimes et les témoins]… en révélant de manière intentionnelle des informations permettant de les identifier », au titre des articles 71 et 78 de la loi antiterroriste de 2015. Les accusations visant Ines Ben Othman sont liées à un article qu’elle a partagé en ligne, qui contient des rapports de police sur l’attentat terroriste contre le musée du Bardo. Les accusations visant Walid Zarrouk sont liées au fait qu’il a cité et critiqué le chef de la brigade antiterroriste sur Facebook.

Walid Zarrouk, 37 ans, travaillait comme formateur à la brigade canine des prisons. Il a dénoncé les actes de torture et les mauvais traitements infligés dans les prisons durant le soulèvement de 2011, qui a conduit à la chute du président Ben Ali. Après les troubles, il a créé le syndicat des prisons et de la rééducation, un syndicat d’agents pénitentiaires. Selon son épouse, il a été licencié après avoir publiquement accusé la police de corruption et critiqué le système de sécurité. Ensuite, il a quitté le syndicat et fondé une ONG nommée Muraqib afin d’effectuer un suivi des conditions et des traitements prévalant dans les prisons et les postes de police, ainsi que des abus commis par l’appareil judiciaire.

Walid Zarrouk fait l’objet de harcèlement de la part des autorités parce qu’il critique ouvertement des représentants du gouvernement, de l’appareil judiciaire et des forces de sécurité. En 2015, il a été déclaré coupable d’avoir imputé « à un fonctionnaire public [...] des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité », au titre de l’article 128 du Code pénal tunisien, et condamné à trois mois de prison. Il a été remis en liberté en décembre 2015 après avoir purgé la totalité de sa peine. Pour en savoir plus, voir l’AU 241/15 (https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/2734/2015/fr/).

La réalisatrice Ines Ben Othman, l’épouse de Walid Zarrouk, a été condamnée à deux mois d’emprisonnement en janvier 2015 pour « outrage verbal à un représentant de l’État dans l’exercice de ses fonctions » au titre de l’article 125 du Code pénal tunisien. Pour en savoir plus, voir l’AU 3/15 (https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/001/2015/fr/).
Amnesty International a critiqué à maintes reprises le recours des autorités tunisiennes aux accusations de diffamation contre les détracteurs du gouvernement, les journalistes, les blogueurs et les artistes, et leur a demandé de réviser et de modifier les textes de loi, et notamment le Code pénal, qui étouffent la liberté d’expression. Elle a également critiqué la loi antiterroriste de 2015, qui donne une définition ambigüe du terrorisme, prolonge la détention provisoire, autorise les juges à retenir à titre de preuves les déclarations de témoins anonymes et interdit l’« apologie du terrorisme » en termes plutôt vagues. Elle note avec inquiétude l’utilisation des articles 71 et 78 de la nouvelle loi antiterroriste pour étayer les accusations visant Walid Zarrouk et Ines Ben Othman concernant le partage d’informations ou la critique en ligne.

La liberté d’expression est un droit consacré par l’article 31 de la Constitution tunisienne de 2014. L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie est partie, garantit le droit de critiquer publiquement les agents et institutions de l’État. Selon le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe qui contrôle la mise en œuvre du PIDCP, les personnalités et les institutions publiques doivent montrer une plus grande tolérance vis-à-vis de la critique que les personnes privées. Cela signifie que les lois pénales ou autres qui accordent aux agents de l’État une protection spéciale en la matière ne sont pas compatibles avec le respect de la liberté d’expression. Ce droit peut faire l’objet de certaines restrictions si celles-ci sont manifestement nécessaires et proportionnées pour protéger certains intérêts publics ou les droits d’autrui. Cependant, elles ne doivent généralement pas faire l’objet d’une loi pénale ni donner lieu à des sanctions pénales.

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