Les témoins de Jéhovah sont la cible de persécutions et d’actes de harcèlement en Russie depuis qu’un tribunal de la région administrative de Rostov (sud de la Russie), en 2009, a interdit leur organisation locale et a déclaré « extrémistes » 34 publications des témoins de Jéhovah. Les années suivantes, plusieurs groupes, un peu partout en Russie, ont été déclarés « extrémistes » par des tribunaux locaux. Fondées sur la définition floue de l’« extrémisme » figurant dans le droit russe, ces décisions relèvent d’une pratique croissante consistant à invoquer cette notion pour cibler des personnes dont les autorités ne partagent pas les opinions, notamment politiques, mais aussi religieuses.
En avril 2017, la Cour suprême de Russie s’est prononcée en faveur de la fermeture de l’organisation des témoins de Jéhovah en Russie, de la cessation de ses activités et de la saisie de ses biens. Tous les groupes locaux ont donc été interdits de fait. Depuis lors, toute activité menée pour un groupe local de témoins de Jéhovah est considérée comme une infraction.
Le 15 février, dans la matinée, des membres des forces de l’ordre ont perquisitionné au moins 20 domiciles de témoins de Jéhovah à Sourgout, dans le district autonome des Khantys-Mansis (ou Iougra). À l’issue de ces perquisitions, au moins 40 personnes, dont des femmes et des mineurs, ont été arrêtées et conduites dans des locaux du Comité d’enquête à Sourgout.
Dans ces locaux, au moins sept témoins de Jéhovah se sont vu administrer des coups de poing et de pied, étouffer et infliger des décharges électriques au moyen de pistolets paralysants par des membres du Service fédéral de sécurité (FSB) et d’autres agents des services de sécurité qui voulaient leur faire « avouer » leur appartenance à une « organisation extrémiste ».
Certains ont déclaré avoir été menacés de viol. Selon des victimes et des témoins oculaires, les cris des personnes soumises à des mauvais traitements ont été entendus dans tout le bâtiment. Aucun des agents ni des autres visiteurs présents (parmi lesquels se trouvaient probablement des avocats commis d’office pour représenter les victimes) n’a protesté ni tenté de mettre fin à ces agissements.
L’un des témoins de Jéhovah avec lesquels Amnesty International s’est entretenue a raconté avoir été battu et menacé de torture lors de la perquisition de son domicile, soumis à des actes d’intimidation et à des mauvais traitements pendant et après son interrogatoire. Il a également signalé des violations de procédure, notamment le fait qu’il n’a pas été autorisé à consulter l’avocat de son choix.
Dans un premier temps, les autorités russes se sont contentées de nier catégoriquement ces allégations. Le 22 février, le Comité d’enquête a annoncé qu’il allait procéder à un examen préliminaire des informations faisant état d’actes de torture. Cependant, à la connaissance d’Amnesty International, au moment où nous rédigeons ce document, cet examen préliminaire n’a pas été suivi d’une enquête officielle.
Dans de nombreux cas de torture et de mauvais traitements recensés par Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains en Russie, l’examen préliminaire (enquête préalable) a rapidement conclu qu’il n’existait pas de motif justifiant une enquête officielle exhaustive, y compris lorsque les victimes ou leurs avocats présentaient des éléments substantiels et crédibles indiquant des actes de torture et des mauvais traitements.
Le 26 février, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a ordonné au gouvernement russe de présenter sans délai Sergueï Loguinov pour un examen médical. Le 18 mars, dans sa lettre à la CEDH, le gouvernement russe a déclaré que Sergueï Loguinov avait été examiné par des professionnels de santé, et qu’il ne souffrait d’aucune affection empêchant son maintien en détention.
Le 20 mars, la CEDH a levé les mesures provisoires d’urgence, lors même que l’examen pratiqué était loin de constituer un examen médical indépendant, comme l’avait demandé son avocat. Son équipe de défense continue de réclamer qu’une véritable enquête soit menée sur ses allégations de torture.
Les autorités russes doivent respecter, protéger, promouvoir et réaliser le droit à la liberté de religion, inscrit dans la Constitution russe et garanti par les traités relatifs aux droits humains auxquels la Russie est partie.