Six membres du personnel et une bénévole de Tracks for Training and Human Development (Tracks) et le directeur de l’Organisation Al Zarqa pour le développement rural, en visite, sont détenus depuis le 22 mai au bureau du procureur du Service national de la sûreté et du renseignement chargé des crimes contre l’état à Khartoum, la capitale soudanaise. Ces personnes n’ont pas été informées des motifs de leur arrestation.
Le 22 mai, six membres du personnel et une bénévole du centre de formation Tracks et le directeur de l’Organisation Al Zarqa pour le développement rural, en visite, se sont présentés au Service national de la sûreté et du renseignement, dans le centre de Khartoum, en réponse à une convocation émise le 19 mai. Ils y ont été interrogés pendant trois heures avant d’être transférés au bureau du procureur du Service national de la sûreté et du renseignement chargé des crimes contre l’État dans le quartier d’Al Amarat, à Khartoum. Cinq hommes, Khuzaini Elhadi A. Rajab (employé), Shazali Ibrahim El Shiekh (employé), Midhat A. Hamdan (employé), Alhassan Kheiri (employé) et Mustafa Adam (directeur d’Al Zarqa), sont détenus dans une cellule de trois mètres sur cinq avec 21 autres personnes. Un sixième homme, Khalafalla A. Mukhtar (directeur de Tracks), se trouvait dans la même cellule surpeuplée mais, pour des raisons de santé, il a été transféré le 24 mai dans une cellule qu’il partage avec un seul détenu. Deux femmes, Arwa Elrabie (employée) et Raye Imany Leyla (bénévole), sont maintenues sous surveillance dans le hall d’accueil la journée et dorment dans un bureau.
Les huit détenus prennent deux repas par jour. Les hommes sont autorisés à se rendre aux toilettes deux fois par jour mais les femmes peuvent y aller plus souvent. Ces personnes n’ont pas été informées des motifs de leur arrestation ni inculpées. Leur avocat n’a pu voir que les femmes et leur parler. Amnesty International estime que les huit personnes concernées ont été arrêtées et placées en détention pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits et leurs libertés ; elle les considère donc comme des prisonniers d’opinion.
Écrire Huit défenseurs des droits humains détenus
L’Organisation Al Zarqa pour le développement rural œuvre au développement global du pays et au développement humain, en proposant notamment des formations et des ateliers dans ces domaines.
Tracks for Training and Human Development dispense des formations sur divers thèmes, parmi lesquels les technologies de l’information et les droits humains, à l’intention du secteur privé et des organisations nationales. Le centre est enregistré auprès du Bureau national de la formation, qui dépend du ministère du Travail.
Le Service national de la sûreté et du renseignement a harcelé les membres du personnel de Tracks et bafoué leurs droits à plusieurs reprises. Des agents ont ainsi effectué une descente dans les locaux du centre et y ont saisi neuf téléphones mobiles et cinq ordinateurs portables, ainsi que des publications, des tableaux de conférence et des documents de travail. Entre le 3 et le 13 mars, 10 employés et formateurs et une bénévole de Tracks ont dû se présenter au Service national de la sûreté et du renseignement, à Khartoum, pour un interrogatoire quotidien. Bien que les interrogatoires aient pris fin le 13 mars, le Service national de la sûreté et du renseignement a indiqué aux personnes concernées qu’elles pouvaient être convoquées à tout moment. Parmi celles-ci figuraient Khalafalla A. Mukhtar, Arwa Elrabie, Khuzaini Elhadi A. Rajab, Raye Imany Leyla, Shazali Ibrahim El Shiekh, Midhat A. Hamdan, Alhassan Kheiri et Mustafa Adam.
Un an auparavant, le 26 mars 2015, des agents du Service national de la sûreté et du renseignement avaient effectué une descente dans les locaux de Tracks, à Khartoum, et interrompu un atelier sur la responsabilité sociale. Ils avaient saisi tous les ordinateurs portables. Khalafalla Mukhtar, le directeur, avait été détenu une journée et Adil Bakheit, un formateur, environ un mois, avant d’être libérés sous caution tous les deux ; chacun avait été inculpé de sept infractions en vertu du Code pénal de 1991 : « collusion en vue d’une conspiration criminelle », « atteinte à l’ordre constitutionnel », « guerre contre l’État », « appel à s’opposer à l’autorité publique par la violence ou la force criminelle », « publication de fausses informations » et « usurpation d’un titre de fonctionnaire ». Les accusations de « guerre contre l’État » et d’« atteinte à l’ordre constitutionnel » sont passibles de la peine capitale. La chambre d’accusation du Service national de la sûreté et du renseignement a mené une enquête sur les activités de Tracks. Le matériel saisi a été envoyé à des laboratoires de la police scientifique. Le procureur a finalement abandonné les charges retenues contre le directeur de Tracks au bout de 11 mois et a restitué le matériel le 24 février 2016.
Amnesty International continue de recueillir des informations faisant état d’une intensification de la répression qui vise les activités des organisations de la société civile et des défenseurs des droits humains au Soudan, ainsi que de la nouvelle stratégie du Service national de la sûreté et du renseignement, qui consiste à convoquer des personnes chaque jour pour les empêcher de circuler librement.
Le Service national de la sûreté et du renseignement détient des pouvoirs étendus en vertu de la Loi de 2010 relative à la sécurité nationale, qui lui permet notamment de maintenir des suspects en détention jusqu’à quatre mois et demi sans contrôle judiciaire. Ses agents usent de leur pouvoir pour arrêter et placer en détention des personnes de façon arbitraire, et pour leur faire subir des actes de torture et autres mauvais traitements. La même loi les protège de toute poursuite pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, d’où une culture généralisée de l’impunité. Les modifications adoptées par le Parlement le 5 janvier 2015, qui accordent encore plus de pouvoirs au Service national de la sûreté et du renseignement en ce que celui-ci peut désormais s’immiscer comme bon lui semble dans les affaires politiques, économiques et sociales, n’ont fait qu’aggraver la situation.
Noms : Khalafalla A. Mukhtar, Arwa Elrabie, Khuzaini Elhadi A. Rajab, Raye Imany Leyla, Shazali Ibrahim El Shiekh, Midhat A. Hamdan, Alhassan Kheiri et Mustafa Adam
Hommes et femmes
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