Écrire Il faut libérer le réfugié syrien en détention illégale

Noori, un réfugié syrien âgé de 21 ans, continue d’être détenu de manière illégale dans un poste de police sur l’île grecque de Lesbos. Il se trouve en détention depuis le 9 septembre et il attend d’être fixé sur son sort et de savoir s’il va être renvoyé de force en Turquie au titre de l’accord UE-Turquie. L’incertitude à laquelle il est confronté depuis des mois ainsi que les mauvaises conditions de détention ont des conséquences néfastes sur son bien-être.

Noori (son nom a été modifié), un réfugié syrien de 21 ans, se trouve en détention depuis près de sept mois dans le poste de police de la ville de Mytilène, sur l’île grecque de Lesbos, dans l’attente de savoir s’il va être renvoyé de force en Turquie au titre de l’accord UE-Turquie. La détention prolongée de Noori dépasse la durée maximale de détention pour les demandeurs d’asile autorisée par la législation grecque (90 jours). Les mauvaises conditions de détention ainsi que l’incertitude prolongée entourant son avenir ont des conséquences dramatiques sur sa santé mentale et physique.

Le désespoir de Noori quant à son sort et à sa détention prolongée était visible lorsqu’Amnesty International l’a rencontré. Il a déclaré : « Je dors sur un matelas à même le sol dans une cellule que je partage avec cinq autres personnes… Je n’ai rien à lire dans ma propre langue, et on ne m’a pas donné de couverture propre depuis mon arrestation… »

Noori a été placé en détention le 9 septembre 2016, après que la commission d’appel eut déclaré sa demande d’asile irrecevable, au motif que la Turquie est considérée comme un « pays tiers sûr » pour lui. Le 14 septembre 2016, le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative de Grèce, a suspendu la procédure d’expulsion en attendant de confirmer ou de rejeter la décision de la commission d’appel. Le 10 mars, le Conseil a examiné en séance plénière la requête de Noori contestant la décision de la commission d’appel. On ignore encore quand le Conseil d’État rendra son jugement. Si le Conseil rejette la requête de Noori, il risquera d’être renvoyé en Turquie à tout moment.

L’accord UE-Turquie, signé le 18 mars 2016, permet à la Grèce de renvoyer des demandeurs d’asile et des réfugiés vers la Turquie. Pourtant, à l’heure actuelle, la Turquie n’est pas un pays où l’on peut renvoyer des réfugiés en toute sécurité. En effet, elle n’accorde pas aux non-Européens un statut de réfugié à part entière. L’immense majorité des réfugiés et des demandeurs d’asile ne bénéficient d’aucune aide de l’État et n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins.

Noori, 21 ans, est l’aîné d’une fratrie de huit frères et sœurs. Il a expliqué à Amnesty International qu’il avait dû interrompre ses études d’infirmier à cause de la guerre. Il a quitté la Syrie le 9 juin 2016 et n’a réussi à entrer en Turquie qu’à sa quatrième tentative. Les deux premières fois, il affirme avoir été arrêté par la police turque et passé à tabac par des gendarmes turcs avant d’être renvoyé en Syrie. La troisième fois, le groupe dans lequel il se trouvait a été attaqué par un groupe armé, qui a tué 11 personnes. Lorsqu’il a finalement réussi à entrer en Turquie, il y a passé un mois et demi.
Noori a raconté à Amnesty International qu’il avait été attaqué à deux reprises par des trafiquants et des voleurs pendant qu’il était en Turquie.

Arrivé en Grèce le 28 juillet 2016, il y a déposé une demande d’asile le 4 août. Ayant interjeté appel de la décision initiale rendue par les services d’asile grecs, il a été informé de l’issue de son recours le 9 septembre. Il est maintenu en détention depuis cette date. D’après le diagnostic d’un psychiatre, Noori souffre de stress post-traumatique en raison de ce qu’il a vécu en Syrie. Du fait de ses conditions de détention déplorables, Noori souffre également de la gale. Les avocats de Noori ont contesté à plusieurs reprises la légalité de sa détention devant des tribunaux locaux, mais leurs recours ont été rejetés au motif qu’il risquait de s’enfuir. Le recours le plus récent a été rejeté par un tribunal de Lesbos le 15 mars. Le tribunal a jugé que les conclusions du psychiatre selon lesquelles le stress post-traumatique de Noori avait été exacerbé par ses conditions de détention n’avaient pas été démontrées de manière appropriée.

En septembre 2016, la commission d’appel a statué que la Turquie est un « pays tiers sûr » pour lui, estimant que la protection accordée aux réfugiés syriens dans ce pays est conforme aux normes fixées par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (dite Convention de Genève) et respecte le principe international de « non-refoulement » (qui interdit d’envoyer une personne, d’une quelconque manière, dans un endroit où elle risquerait d’être victime de graves violations des droits humains). Elle a donc confirmé la décision de refuser l’examen de la demande de Noori sur le fond et a autorisé son renvoi en Turquie.

Mi-février 2017, la 4e chambre du Conseil d’État a décidé de renvoyer l’affaire de Noori en séance plénière compte tenu de l’importance des problématiques soulevées par cette affaire. Le 10 mars, la séance plénière a examiné la requête de Noori ainsi que celle d’un second demandeur d’asile syrien et de deux ONG grecques en faveur des réfugiés. La séance plénière devait se prononcer sur la question de savoir si la Turquie est un « pays tiers sûr » pour des requérants et sur la constitutionnalité de la composition des nouvelles commissions d’appel. Les commissions ont été créées en juin 2016 et sont composées de deux juges de tribunaux administratifs et d’un représentant du HCR. Si la justice rejette son recours, Noori pourrait être renvoyé en Turquie à tout moment, et cela créerait un précédent ouvrant la voie à d’autres retours inconsidérés.

Les recherches menées par Amnesty International en Turquie révèlent que les demandeurs d’asile n’ont pas accès à des procédures équitables et efficaces pour la détermination de leur statut. Les réfugiés et demandeurs d’asile ne peuvent pas non plus accéder à ce que l’on appelle communément des « solutions durables » dans des délais raisonnables, à savoir le rapatriement, l’intégration ou la réinstallation. Étant donné que la Turquie refuse d’octroyer le statut de réfugié à part entière aux non-Européens, et que la communauté internationale ne prend pas ses responsabilités pour accueillir sa juste part de personnes déplacées dans le monde, les réfugiés et les demandeurs d’asile en Turquie ne peuvent accéder de manière satisfaisante à deux de ces solutions, l’intégration et la réinstallation. En outre, les réfugiés et les demandeurs d’asile en Turquie rencontrent des difficultés pour accéder à des moyens de subsistance suffisants pour vivre décemment.

Dans le domaine du contrôle de l’immigration, la détention n’est autorisée que pour de rares motifs au regard du droit international, par exemple pour empêcher une entrée non autorisée dans un pays ou pour procéder à une expulsion du pays. Même lorsque le placement en détention répond à ces critères, les normes internationales limitent le recours à la détention à des fins de contrôle de l’immigration en exigeant qu’il soit conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité. Par exemple, dans chaque cas individuel, la détention n’est justifiée que si des mesures moins restrictives ont été envisagées et jugées insuffisantes au regard des objectifs légitimes que l’État cherche à atteindre.

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