À propos de cette initiative juridique :
Le 9 novembre, le ministère de l’Intérieur et du Développement territorial a présenté le projet de loi sur les « agents de l’étranger », qui prévoit l’obligation de s’enregistrer en tant qu’« agent de l’étranger » pour toutes les personnes physiques ou morales « qui mènent des activités servant les intérêts d’un partenaire étranger, et étant contrôlées ou financées directement ou indirectement par celui-ci ».
Le projet de loi interdit notamment aux « agents de l’étranger » de mener des activités ayant des « buts, politiques ou autres, visant à troubler l’ordre public, ou mettant en danger ou menaçant la sécurité nationale et la stabilité sociale et politique du pays ». Il établit aussi des obligations concernant l’enregistrement, l’utilisation de ressources et la communication concernant les activités menées. La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a déclaré qu’il est particulièrement inquiétant que le non-respect potentiel de ces dispositions puisse déboucher sur des sanctions pénales et administratives, en plus de la cessation d’activités et de l’annulation du statut juridique.
La CIDH a aussi exhorté l’État salvadorien à s’abstenir d’adopter le projet de loi, puisque son application pourrait restreindre les activités de personnes et d’organisations de la société civile défendant les droits humains et le journalisme indépendant, qui reçoivent parfois des ressources financières de la part d’entités de coopération internationale.
Le projet de loi établirait aussi l’application d’une taxe de 40 % sur les transactions financières ou dons provenant de l’étranger ne relevant pas des exceptions expressément prévues par la loi.
En vertu de ce texte, c’est non seulement les organisations de la société civile qui seront touchées, mais également les populations qui bénéficient de leur assistance.
Sur le contexte au Salvador :
Depuis le début de son mandat en 2019, le gouvernement du président Nayib Bukele adopte de plus en plus souvent des mesures visant à stigmatiser et réduire au silence les personnes remettant en question la politique menée par son gouvernement et défendant les droits humains.
S’est instauré, en particulier depuis le début de la pandémie de COVID-19, un climat dans lequel militant·e·s et organisations sont victimes d’attaques et de harcèlement, notamment ceux qui réclament davantage de transparence et demandent des comptes au gouvernement. De hauts représentants gouvernementaux, y compris le président Bukele, ont utilisé leurs comptes sur les médias sociaux dans le but de discréditer le travail accompli par les organisations de défense des droits humains, les accusant d’être des « criminels », « cherchant à causer la mort d’autres personnes », et d’être des « organisations écran » appartenant à l’« opposition » politique.
Des membres d’organisations de défense des droits humains ont indiqué que ce type de harcèlement crée un environnement hostile dans lequel défendre les droits humains devient de plus en plus dangereux, et que les espaces permettant un dialogue régulier et véritable entre instances gouvernementales et organisations de défense des droits humains sont désormais quasiment inexistants.
Comme avec les défenseur·e·s des droits humains, des journalistes ont également signalé une intensification des attaques et des manoeuvres de harcèlement.