Yashar, dont le nom complet en mandarin est Yaxia’er Xiaohelaiti, est un auteur-compositeur ouïghour de 26 ans. Il résidait à Chengdu, dans la province du Sichuan, avant son arrestation par les autorités municipales le 11 août 2023. Les autorités l’ont inculpé de « promotion de l’extrémisme » et de « détention illégale d’ouvrages extrémistes » en raison de sa musique, diffusée sur Internet, et parce qu’il possédait des livres en ouïghour.
Nombre de ces ouvrages sont considérés par les Ouïghours comme des classiques de la littérature, essentiels pour comprendre leur histoire et leur culture. Sa condamnation le 20 juin 2024 met en lumière la répression constante des Ouïghours qui expriment leur culture.
Le 27 novembre 2022, Yashar avait été arrêté à Chengdu et poursuivi pour avoir « rassemblé une foule en vue de troubler l’ordre social » en raison de sa participation au mouvement des « feuilles blanches ». Il avait été libéré sous caution après 21 jours de détention.
À propos du mouvement des « feuilles blanches »
Le 24 novembre 2022, au moins 10 personnes ont péri dans l’incendie ayant touché un immeuble d’habitation à Ürümqi, dans le nord-ouest de la Chine. Selon certaines sources, elles auraient été empêchées de fuir à cause des contrôles stricts liés à la pandémie de COVID-19.
Cette tragédie a suscité une vague de colère et d’émotion. Dans toute la Chine, un nombre de personnes inédit depuis plusieurs décennies est descendu dans la rue, dont beaucoup brandissaient des feuilles de papier vierges pour symboliser la censure systématique des autorités chinoises, et le mouvement des « feuilles blanches » (parfois appelé « manifestations A4 ») s’est rapidement étendu à d’autres pays.
À propos du Xinjiang / de la région ouïghoure
Le Xinjiang est l’une des régions chinoises dont la population est la plus diversifiée sur le plan ethnique. Plus de la moitié de ses 22 millions d’habitant·e·s appartiennent à des groupes ethniques principalement turcophones et majoritairement musulmans, parmi lesquels les Ouïghours (environ 11,3 millions), les Kazakhs (environ 1,6 million) et d’autres populations dont les langues, les cultures et les modes de vie sont très différents de ceux des Hans, largement majoritaires en Chine.
Depuis 2017, sous prétexte de lutter contre le « terrorisme » et l’« extrémisme religieux », l’État chinois commet des violations systématiques et de grande ampleur à l’encontre de la population musulmane du Xinjiang. On estime que plus d’un million de personnes ont été placées en détention arbitraire dans des camps d’internement à travers la région depuis 2017.
Les définitions vagues de l’extrémisme en Chine ont permis aux autorités de s’en prendre de façon généralisée aux personnes ouïghoures qui expriment pacifiquement leur identité culturelle, bien souvent sans procédure juridique transparente. Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains ont relevé des violations systématiques de ces droits contre les Ouïghours dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, notamment des détentions arbitraires, des actes de torture et des restrictions injustifiées des pratiques culturelles en vertu de lois antiterroristes.
En août 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a publié un rapport attendu de longue date appuyant les conclusions proposées entre autres par Amnesty International, selon lesquelles la détention et le traitement arbitraires et discriminatoires de Ouïghours, de Kazakhs et de membres d’autres groupes à prédominance musulmane au Xinjiang pourraient constituer par leur ampleur des crimes de droit international, en particulier des crimes contre l’humanité, et recommandant des mesures concrètes pour remédier à cette situation.
En août 2024, à l’occasion du deuxième anniversaire de ce rapport, le HCDH a publié un communiqué de presse soulignant que de nombreuses lois et politiques problématiques demeuraient en place en Chine, malgré ces recommandations.
Les autorités chinoises continuent de classer les livres relatifs à l’histoire, à la culture et à l’identité ouïghoures comme « extrémistes » et les restrictions concernant les Ouïghours, notamment les artistes et les figures culturelles, sont appliquées pratiquement sans transparence, sans réparation et sans respect de l’obligation de rendre des comptes. L’effet paralysant sur les artistes, auteurs et universitaires ouïghours est fort, et la crainte de persécution entraîne une autocensure généralisée au sein de cette population.