Écrire Un jeune militant détenu affirme avoir été torturé

Alain Didah Kemba, porte-parole du mouvement de jeunesse tchadien Iyina, a été arrêté le 19 février parce qu’il aurait tenté de brûler un pneu dans la rue. Il est détenu sans inculpation au siège de la police. Il a déclaré avoir reçu des coups aux jambes et sur la plante des pieds lors d’un interrogatoire et, selon son avocat, il peut à peine se tenir debout à cause de ces mauvais traitements.

Alain Didah Kemba, porte-parole du mouvement de jeunesse tchadien Iyina (« Nous sommes fatigués », en arabe local), a été arrêté le 19 février en début de matinée par un policier. Plus tard dans la journée, le porte-parole de la police a indiqué aux médias qu’Alain Didah Kemba avait été interpellé par un commandant de police alors qu’il s’apprêtait à brûler un pneu avec l’essence contenue dans la bouteille qu’il tenait. Son avocat a obtenu les mêmes informations lorsqu’il s’est rendu au siège de la police pour demander des nouvelles de son client. Il n’a pas pu le voir. Le même jour, le ministère public a affirmé à Amnesty International ne rien savoir de l’arrestation d’Alain Didah Kemba ni du lieu où il se trouvait.

Le 20 février, l’avocat de cet homme a tenté de lui rendre visite à deux reprises au siège de la police mais celle-ci a nié le détenir. Par la suite, les amis et la famille d’Alain Didah Kemba ont été en mesure de confirmer qu’il était détenu au siège de la police, où il se trouve encore actuellement. Ce n’est qu’après cette confirmation que son avocat a pu le voir. Il a expliqué à Amnesty International que son client pouvait à peine se tenir debout et avait indiqué que des policiers lui avaient asséné des coups sur les jambes et la plante des pieds pendant un interrogatoire.

Alain Didah Kemba n’a pas encore été inculpé et nie avoir été en possession d’une bouteille d’essence au moment de son arrestation. Selon lui, il faisait son jogging matinal et la police l’a arrêté alors qu’il passait devant un pneu.
Depuis deux ans, les défenseurs des droits humains et les détracteurs du régime sont constamment réprimés au Tchad, où le cinquième mandat du président Déby et les mesures d’austérité destinées à enrayer la crise économique suscitent un mécontentement grandissant. Alain Didah Kemba critique ouvertement la politique gouvernementale, notamment les mesures d’austérité, et a participé à plusieurs manifestations pacifiques organisées par Iyina.

En 2015, l’économie tchadienne a subi les conséquences des faibles cours internationaux du pétrole brut, d’où une croissance de -3 % en 2016. Afin de limiter les effets négatifs de la crise économique, l’État a adopté 16 réformes d’urgence en août 2016 ; il a notamment supprimé les bourses qui permettaient aux étudiants des zones rurales de poursuivre leurs études.
Dans les villes principales, comme N’Djamena, Sarh, Pala et Bongor, les mesures d’austérité imposées à la population ont déclenché des grèves sectorielles de grande ampleur contre la hausse du coût de la vie, notamment parmi les fonctionnaires, les étudiants et les groupes d’opposition.

Jusqu’en septembre 2017, plusieurs manifestations ont été interdites et d’autres, dont les organisateurs n’avaient pas demandé d’autorisation, ont été interrompues par les forces de sécurité. En avril 2017, deux membres d’Iyina, Nadjo Kaina et Bertrand Solloh, ont été détenus au secret pendant près de deux semaines et maltraités par l’Agence nationale de sécurité (ANS). Ils avaient été arrêtés et inculpés de conspiration et d’appel à un rassemblement non autorisé. Ils ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis. Le 28 novembre 2017, les forces de sécurité ont empêché la tenue d’un concert organisé par Iyina pour sensibiliser aux valeurs du pays et dénoncer la mauvaise gouvernance. Des policiers et des gendarmes étaient postés tout autour du lieu de spectacle et bloquaient l’entrée au public.

Le 16 janvier 2018, les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser des étudiants qui manifestaient contre les nouveaux frais de scolarité, qui s’élevaient à 50 000 francs CFA d’Afrique centrale (environ 94 dollars des États-Unis). Le lendemain, des étudiants ont organisé une autre manifestation, qui a été dispersée de la même manière. Le 25 janvier 2018, une manifestation pacifique tenue à l’instigation de plusieurs organisations de la société civile contre le coût de la vie au Tchad, déjà élevé et qui ne cessait d’augmenter, a également fait l’objet d’une répression et d’un recours excessif à la force.

En décembre 2017, toujours dans le but de réduire les dépenses publiques, l’État a annoncé que les fonctionnaires connaîtraient une baisse de salaire allant jusqu’à 45 %. Le 29 janvier 2018, des syndicats ont lancé une grève générale des fonctionnaires à la suite de la diminution des salaires et de l’augmentation de l’impôt sur le revenu.

Le 6 février, le ministre de la Sécurité a menacé d’interdire toute organisation qui orchestrait des manifestations dans le pays. Deux jours plus tard, il a suspendu les activités de 10 partis d’opposition pour « trouble à l’ordre public » parce que ces formations avaient organisé une manifestation contre les mesures d’austérité qui avaient entraîné la hausse du coût de la vie.

Iyina est un mouvement de jeunesse qui regroupe des étudiants, des artistes et des jeunes militants en vue de sensibiliser la population aux questions de gouvernance et de démocratie.

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