Le 4 septembre 2022, le poste de police de Dar Saad a publié une vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux et les médias nationaux, montrant Ahmad Maher. Dans cette vidéo, qu’Amnesty International a analysée, Ahmad Maher « avoue » apparemment avoir commis des infractions pénales, notamment la falsification de documents d’identité pour des membres de l’armée et sa connaissance de projets d’assassinat de deux généraux du Conseil de transition du Sud (CTS). Selon son avocat, la vidéo, qui viole son droit à la présomption d’innocence, n’a pas été sollicitée par le ministère public et n’a pas été enregistrée en la présence de ce dernier.
Quelque jours après la diffusion publique de la vidéo, un membre du ministère public a interrogé Ahmad Maher dans le poste de police de Dar Saad et en la présence de membres des forces de sécurité de Dar Saad ayant tous, selon un proche d’Ahmad Maher, participé aux actes de torture qui lui avaient été infligés. Au cours de son interrogatoire par le ministère public, Ahmad Maher a rétracté ses « aveux », affirmant qu’il les avait faits sous la contrainte, et il a demandé à recevoir des soins médicaux. Le ministère public a demandé au directeur du poste de police de procurer à Ahmad Maher des soins médicaux, mais cette requête a été rejetée. Le 15 septembre 2022, Ahmad Maher a été transféré à la prison de Bir Ahmad, où il est depuis incarcéré.
Le 16 novembre 2023, les forces de sécurité du CTS ont agressé physiquement et arrêté arbitrairement l’avocat d’Ahmad Maher, Sami Yassin, alors qu’il quittait son travail au Conseil supérieur de la magistrature et à l’Inspection judiciaire à Khormaksar, dans le gouvernorat d’Aden. Il a ensuite été détenu pendant près de quatre mois au camp militaire d’al Nasr, un centre de détention placé sous le commandement des forces de la Ceinture de sécurité. Selon des lettres de Sami Yassin qui ont été divulguées, il y a été torturé et placé à l’isolement. Pendant toute la durée de son incarcération, il a été détenu au secret et privé du droit de contacter et de rencontrer sa famille et un avocat.
Le 6 mars 2024, il a été transféré à la prison de Bir Ahmad, dans le gouvernorat d’Aden, où il se trouve toujours ; son état de santé suscite de graves inquiétudes. Le frère de Sami Yassin, qui est également l’un de ses avocats, a déclaré à Amnesty International qu’avant sa détention, Sami Yassin avait reçu plusieurs fois des menaces de la part de responsables des forces de sécurité et des services judiciaires affiliés au CTS en raison de son travail, notamment en ce qui concerne le cas d’un détenu décédé en garde à vue en juin 2023 et celui d’Ahmad Maher.
Toutes les parties au conflit au Yémen se sont rendues responsables de graves violations des droits humains, notamment de détentions arbitraires, de disparitions forcées, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que de procès iniques. En novembre 2023, le Groupe d’experts des Nations unies sur le Yémena signalé que les forces affiliées au CTS détenaient, soumettaient à la disparition forcée ou menaçaient des journalistes et des militants qui les critiquaient publiquement, et qu’elles les obligeaient à signer ou à faire des « aveux ». Le Groupe d’experts a aussi réuni des informations montrant que les forces affiliées au CTS torturaient systématiquement les personnes qu’elles détenaient dans des prisons officielles ou secrètes.
En juillet 2018, Amnesty International a publié un rapport sur les disparitions forcées et les violations des règles de détention perpétrées par les forces de sécurité soutenues par les Émirats arabes unis, notamment par les forces de la Ceinture de sécurité dans le sud du Yémen.
Dans nombre de cas, les arrestations semblaient basées sur des soupçons infondés et motivées par des vengeances personnelles. Figuraient parmi les personnes visées d’anciens combattants ayant participé aux combats de 2015 qui avaient pour objectif de mettre en déroute les Houthis dans le sud du pays, et qui ont ensuite été considérés comme une menace ; des sympathisants et des membres du parti Al Islah allié au président Hadi ; ainsi que des militants et des opposants à la coalition.