Écrire Un journaliste s’évanouit en détention dans une prison surchauffée

Aziz Orujov, un journaliste indépendant azerbaïdjanais, est détenu dans des conditions inhumaines depuis le 2 mai, sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Le 23 juillet, il s’est évanoui à cause de la chaleur accablante qui régnait dans sa cellule. Cet homme est un prisonnier d’opinion et doit être libéré sans délai.

Aziz Orujov, un journaliste dirigeant une chaîne de télévision indépendante sur internet, Kanal, a été arrêté le 2 mai alors qu’il se rendait au travail. Le policier qui l’a arrêté a affirmé que le journaliste ressemblait à un malfaiteur recherché et l’a appréhendé. Le même jour, Aziz Orujov a été placé en détention provisoire au titre d’un ordre de détention administrative de 30 jours, parce qu’il aurait désobéi aux ordres légitimes d’un policier. Le 2 juin, alors que son ordre de détention administrative devait expirer, de nouvelles accusations forgées de toutes pièces ont été retenues contre lui : celles d’entrepreneuriat illégal et d’abus de pouvoirs officiels, respectivement au titre des articles 192 et 308 du Code pénal. Aziz Orujov a été placé en détention provisoire pour quatre mois, et il se trouve toujours au centre de détention provisoire de Kurdakhany, en périphérie de Bakou.

Ces accusations sont liées à sa situation de cofondateur du Centre de recherches pour les médias du Caucase, une organisation qu’il a créée en 2006 avec son frère et sa belle-sœur. L’accusation affirme qu’entre 2006 et 2014, l’organisation a reçu des subventions d’un total d’environ 193 000 manats azerbaïdjanais de plusieurs donateurs, qu’elle ne les a pas déclarées et n’a pas payé les 8 000 manats azerbaïdjanais d’impôts. La déclaration et l’imposition des subventions ne sont devenues obligatoires qu’en février 2014, quand les modifications législatives sont entrées en vigueur, mais les autorités les ont appliqués rétroactivement pour intimider, harceler, arrêter et poursuivre plusieurs personnes critiques envers le gouvernement appartenant à des médias indépendants et à des ONG. La nature des accusations ainsi que les circonstances entourant l’arrestation d’Aziz Orujov suggèrent qu’il a été ciblé par les autorités en raison de ses reportages critiques.

Aziz Orujov partage une petite cellule avec un autre détenu. La température à Bakou dépasse actuellement les 35 °C. Il n’y a pas de climatisation ni d’autre forme de ventilation dans la cellule. Alors que la cellule possède un accès à un petit balcon et une petite fenêtre, quand Aziz Orujov s’est plaint de la chaleur et a demandé aux gardiens de le laisser aller sur le balcon ou ouvrir la fenêtre, ils ont refusé. Le 23 juin, il s’est évanoui en raison de la chaleur.

Le 24 juillet, il a été autorisé à téléphoner pour la première fois à sa famille, mais trois ou quatre minutes après le début de l’appel, alors qu’il leur parlait de la chaleur insoutenable et de son évanouissement, l’administration pénitentiaire a mis fin à l’appel. Seuls les deux avocats d’Aziz Orujov ont pu le voir depuis qu’il se trouve en détention. Les autorités lui ont interdit de voir sa famille.

D’après l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus, « Dans tout local où les détenus doivent vivre ou travailler, (a) Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à la lumière naturelle ; l’agencement de ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais, et ceci qu’il y ait ou non une ventilation artificielle » (règle 11).

Depuis longtemps, Amnesty International s’inquiète du fait que le gouvernement azerbaïdjanais ne respecte pas le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants et les personnes critiquant le gouvernement venant de tous les horizons sont souvent emprisonnés pour des accusations forgées de toutes pièces ou motivées par des considérations politiques, par mesure de représailles pour leur travail ou déclarations critiques. Des mauvais traitements et des passages à tabac sont aussi signalés régulièrement.

Les charges pesant contre Aziz Orujov entrent dans le cadre de l’affaire pénale ouverte en 2014 au sujet de malversations financières supposées par des organisations à but non-lucratif. Actuellement, plusieurs personnes connues pour critiquer le gouvernement, notamment des défenseurs des droits humains et des militants politiques, ont été arrêtées sur la base d’accusations similaires forgées de toutes pièces, qui ont pour but de les intimider et de les réduire au silence. Des accusations d’infractions économiques et d’abus de pouvoir sont régulièrement utilisées en Azerbaïdjan pour emprisonner des dirigeants d’ONG qui critiquent les autorités. Les autorités azerbaïdjanaises se sont longtemps opposées, pour des raisons arbitraires, à l’enregistrement des ONG qui les critiquent, et ont plus tard utilisé cela pour pénaliser leurs activités.

Des lois restrictives sur les ONG ont été introduites en Azerbaïdjan en 2013 et 2014, et ont été appliquées arbitrairement depuis lors, en violation du droit à la liberté d’association. L’intention était de limiter ou d’entraver les activités légitimes d’ONG indépendantes qui critiquent le gouvernement, notamment au moyen de l’interdiction arbitraire de l’enregistrement et de l’imposition d’obligations pénibles en matière de compte rendu d’activité, d’impôts et autres.

En l’absence d’enregistrement, les ONG azerbaïdjanaises ont dû trouver des moyens pour contourner les restrictions afin de trouver et d’allouer des financements et de continuer leur travail légitime. En appliquant agressivement ces restrictions, parfois de manière rétroactive, ainsi qu’en manipulant les procédures de reddition des comptes, les autorités azerbaïdjanaises ont créé un prétexte pour arrêter arbitrairement et poursuivre les personnes qui les critiquent pour des malversations financières présumées qui, d’après les autorités, s’apparentent au détournement de fond et à l’évasion fiscale.

Amnesty International a recueilli des informations détaillées sur l’utilisation du droit pénal ces dernières années, en lien avec certains des plus grands critiques du gouvernement parmi les défenseurs des droits humains, journalistes et avocats, notamment Intigam Alieyv, Rasul Jafarov, Khadija Ismayilova et Leyla Yunus. Alors que certains ont été libérés en 2015 et 2016 à la suite de pressions internationales, d’autres ne l’ont pas été, et les autorités continuent à utiliser les mêmes chefs d’inculpation pour arrêter et réduire au silence les personnes qui critiquent le gouvernement.

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