Écrire Un journaliste et sa famille risquent d’être expulsés

Le journaliste d’investigation Genci Angjellari, son épouse et leur fille de 14 mois risquent d’être expulsés de manière imminente de la Norvège vers l’Albanie. Cette famille a fui l’Albanie en 2014, après que Genci Angjellari a été agressé physiquement et a reçu des menaces de mort. S’ils sont renvoyés en Albanie, leurs vies seront en danger.

Genci Angjellari, journaliste d’investigation originaire d’Albanie, risque d’être expulsé de Norvège avec son épouse, Fatjona Angjellari, et leur fille de 14 mois, Sofi Angjellari. Le 30 octobre, leur demande d’asile a été définitivement rejetée par les autorités norvégiennes. Ils disposent d’un ultime recours, qui n’a pas d’effet suspensif (les autorités ne sont pas tenues d’attendre de connaître le résultat de ce recours pour appliquer un ordre d’expulsion). S’ils sont renvoyés en Albanie, Genci Angjellari et sa famille risquent d’être victimes d’intimidation et de harcèlement, voire d’être tués, et ne recevront pas de protection adéquate de la part des autorités. La famille se trouve actuellement dans un lieu non divulgué à Oslo, et craint que la police norvégienne ne procède à son expulsion après le 13 novembre.

Le 19 novembre 2014, en Albanie, Genci Angjellari a été agressé par deux hommes à moto. Ces hommes lui ont donné des coups de poing, lui ont mis un couteau sous la gorge, et lui ont ordonné de cesser ses investigations sur les liens présumés entre la maffia, le milieu des affaires et les responsables politiques. Le lendemain, Fatjona Angellari a été abordée par deux hommes à moto, qui ont menacé de la violer, et de tuer son époux et leur fille, si celui-ci ne cessait pas de « jouer avec le feu ».

La famille d’Angjellari s’est réfugiée en Norvège le 22 novembre 2014 et y a demandé l’asile. Dans le cadre de plusieurs appels, la Commission norvégienne des recours en matière d’immigration a conclu que le récit des événements ayant conduit à leur fuite était crédible, mais que la famille pouvait être renvoyée en Albanie, où elle pourrait solliciter une protection policière. Genci Angjellari s’est déjà vu refuser ce type de protection en novembre 2014, et les recherches d’Amnesty International montrent que les autorités albanaises n’assurent pas la protection des journalistes contre les menaces et les agressions physiques, et ne traduisent pas en justice les auteurs de tels agissements. En outre, selon l’avocat de Genci Angjellari, des preuves pertinentes n’ont pas été prises en compte durant la procédure d’appel, notamment un courriel de Genci Angjellari sur les menaces dont il a fait l’objet le 19 novembre 2014, et la déclaration d’un expert témoin sur les liens entre le crime organisé, la corruption et les intérêts des milieux politiques et des affaires en Albanie.

En Albanie, les journalistes d’investigation sont régulièrement la cible de menaces émanant de représentants de l’État et d’agents non gouvernementaux, notamment de responsables politiques, de membres du milieu des affaires et de membres présumés de la mafia. D’autres ont été victimes de violences physiques ou de harcèlement imputables à des agents de la police albanaise alors qu’ils enquêtaient sur des allégations de corruption ou sur les activités d’entreprises ou du crime organisé.

Un rapport interne de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a été divulgué, présente des éléments de preuve (compilés à partir de documents du domaine public) suggérant des liens étroits entre la police, les responsables politiques, le monde des affaires et la mafia, qui favorisent l’impunité pour ces menaces et ces attaques. La Commission européenne, dans son dernier rapport sur les progrès accomplis par l’Albanie, publié le 9 novembre, a déclaré que « la corruption est généralisée » et que « de nouveaux progrès [doivent être] réalisés afin d’obtenir des résultats solides en matières d’enquêtes proactives, de poursuites et de condamnations à tous les niveaux ».

Aucun journaliste n’a été tué à la suite de menaces proférées à son encontre ou du fait d’agressions physiques. Toutefois, un collègue travaillant pour le même programme télévisé que Genci Angjellari et enquêtant sur les mêmes allégations a été abattu en décembre 2014. Un autre journaliste aurait été la cible d’un attentat à la bombe fin 2014. Environ 14 journalistes ont quitté l’Albanie en 2014, à la suite de menaces et d’attaques, au motif que l’État est incapable de les protéger. Seule une journaliste s’est vue accorder la protection de la police, après avoir reçu des menaces sur Facebook qui émaneraient d’un membre de l’État islamique (EI), à la suite de ses investigations sur le recrutement d’Albanais par ce mouvement. Ceux qui enquêtent sur la corruption ne bénéficient pas d’une telle protection.

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