À la suite de son premier interrogatoire par le service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP) en mai 2021, Tawfik Ghanem a été transféré à la prison d’enquête de Tora, où il est resté jusqu’en décembre 2021. Selon ses proches, un lit lui a été refusé et il a été contraint de dormir sur deux couvertures par terre, malgré sa maladie osseuse. Ses conditions de détention se sont encore détériorées lorsqu’il a été transféré à la prison d’Abou Zaabal en décembre 2021, où il est resté deux ans.
Pendant l’année qui a suivi son transfert, les autorités lui ont interdit l’accès aux livres et aux journaux et ont sévèrement restreint les visites familiales. Bien que la situation se soit améliorée au cours de sa deuxième année là-bas, pendant toute la durée de sa détention à Abou Zaabal, il n’avait aucun accès direct à la lumière du soleil et ne pouvait faire de l’exercice que dans un espace intérieur.
Depuis le 1er janvier 2024, il est détenu à la prison de Badr 1, dans une cellule avec huit personnes, pendant 23 heures par jour car il n’est autorisé à sortir de la cellule que pour une heure d’exercice quotidien. La cellule n’a pas de ventilateur et la chaleur y est intenable pendant les mois d’été. Les jours fériés, la cellule reste fermée 24 heures sur 24. Sa famille est autorisée à lui rendre visite une fois par mois.
Selon ses proches, l’administration pénitentiaire lui confisque parfois des articles essentiels tels que des livres, des journaux, des stylos et des produits d’hygiène, ainsi qu’à d’autres prisonniers détenus pour des raisons politiques. Les proches ne sont pas non plus autorisés à leur apporter des objets personnels, comme des vêtements.
Amnesty International a appris par des organisations de défense des droits humains et d’autres sources informées que des dizaines de prisonniers à Badr 1 observent une grève de la faim depuis début juin pour protester contre leurs conditions de détention cruelles et inhumaines. La grève semble avoir été déclenchée par une forte hausse des températures, grimpant à plus de 40˚ C, en partie à cause du refus de l’administration pénitentiaire d’autoriser les ventilateurs et des coupures de courant quotidiennes imposées par le gouvernement à l’échelle nationale en réponse à la crise énergétique. Ils protestent également contre le manque d’accès à des soins adéquats et contre ce qu’eux-mêmes et des militants égyptiens des droits humains décrivent comme des fouilles au corps humiliantes imposées par les responsables de la prison lorsque les détenus quittent leur cellule, y compris pour assister à des audiences de renouvellement de la détention provisoire ou pour se rendre à la clinique de la prison. Ils se plaignent aussi souvent des mauvais traitements infligés aux familles lors des visites, notamment contraintes d’attendre au soleil pendant des heures, de la réduction du temps alloué pour faire de l’exercice en dehors de la cellule et des restrictions imposées aux visites familiales.
Certains grévistes de la faim dénoncent aussi leur détention provisoire à rallonge, qui dépasse parfois la durée maximale de deux ans fixée par le droit égyptien.
Selon des organisations de défense des droits humains, en réponse à cette grève, les responsables de Badr 1 ont adopté des mesures punitives et transféré une cinquantaine de prisonniers vers des établissements éloignés, situés dans les gouvernorats d’El Minya (à 280 km au sud du Caire) et d’Al Wadi al Gadid (à 620 km au sud-ouest du Caire).
Selon des militants, les prisonniers restés à Badr 1 impliqués dans la grève de la faim ou qui la soutiennent, ont été visés par d’autres mesures punitives telles que la coupure délibérée de l’accès à l’électricité et à l’eau, en violation de l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements. D’après ce que sait Amnesty International, Tawfik Ghanem n’a pas suivi la grève de la faim en raison de son diabète.
Depuis 2016, les autorités égyptiennes consolident leur emprise sur les médias et s’en prennent de plus en plus aux journalistes qui osent dévier du discours officiel. Depuis lors, elles ont soumis des dizaines de journalistes et de professionnel·le·s des médias à des arrestations et détentions arbitraires, à des poursuites pour des accusations de terrorisme forgées de toutes pièces et à des licenciements pour le seul fait d’avoir exprimé des opinions critiques. Les forces de sécurité ont effectué des descentes dans les locaux des rares médias en ligne indépendants qu’il reste en Égypte et bloqué des centaines de sites Internet.
En outre, l’adoption en 2018 de lois draconiennes sur les médias et contre la cybercriminalité confère aux autorités des pouvoirs excessivement vastes leur permettant de réglementer les contenus médiatiques, de réduire la liberté d’expression des journalistes et d’imposer des peines d’emprisonnement pour l’expression de critiques en ligne.
Au moment où nous rédigeons ce document, au moins 14 journalistes se trouvent toujours derrière les barreaux, à la suite d’une condamnation ou dans l’attente des conclusions d’une enquête pour « diffusion de fausses informations », appartenance à un groupe « terroriste » ou « utilisation abusive des réseaux sociaux ».
Plus de 600 sites Internet, notamment des sites d’information et de défense des droits humains, sont toujours bloqués. En 2023, ce fut le cas du site de l’Institut du Caire pour les études des droits de l’homme et des sites d’actualités Soulta 4 et Masr 360.
Des membres du personnel de Mada Masr, une plateforme d’information indépendante, font l’objet de poursuites et d’enquêtes motivées par des considérations politiques concernant, entre autres, la publication en octobre 2023 d’un reportage sur le point de passage frontalier de Rafah. Agissant en dehors de toute procédure légale, le gouvernement a ajouté en 2023 les noms de 820 personnes, dont des journalistes, à sa « liste de terroristes », les privant ainsi de leurs droits civiques et politiques.
Tout au long de sa carrière, Tawfik Ghanem a dirigé divers organes de presse, dont Media International, qui a géré le site Web Islam Online pendant 10 ans. Dernièrement, il occupait le poste de directeur régional de l’Agence Anadolu au Caire jusqu’à sa retraite en 2015.