Lors d’un entretien avec le Centre de défense des droits humains en Iran le 1er avril 2017, la mère d’Hengameh Shahidi, Nahid Kermanshahi, a déclaré que l’état de santé de sa fille était très préoccupant, qu’elle a des douleurs au niveau du cœur et est incapable de marcher. Elle a ajouté qu’Hengameh Shahidi l’a informée qu’elle avait remis ses dernières volontés et son testament à la personne chargée de l’interroger. Hengameh Shahidi a également dit à cette personne : « S’il m’arrive quelque chose, vous devrez en répondre. Ceux qui prennent ces décisions au plus haut niveau auront aussi à rendre des comptes. Le président, le ministère du Renseignement, le bureau du procureur et le pouvoir judiciaire sont responsables de ma mort. »
Dans une lettre manuscrite qu’Hengameh Shahidi a rédigée avant son arrestation et qui a été publiée par l’un de ses contacts sur son compte Instagram le 11 mars, elle avait prédit qu’elle serait arrêtée dans le cadre d’un « plan visant à arrêter les militants politiques et les journalistes avant l’élection présidentielle [de mai 2017] afin d’assurer la victoire du candidat désigné, comme ce fut le cas lors de l’élection de 2009 ».
Hengameh Shahidi était conseillère sur les questions des droits des femmes auprès du candidat à l’élection présidentielle de 2009 Mehdi Karroubi lors de sa campagne et est membre de son parti politique, le Parti de la confiance nationale (E’temad-e Melli). Arrêtée une première fois par des agents du ministère du Renseignement le 30 juin 2009, elle a été détenue pendant quatre mois à la Section 209 de la prison d’Evin, dont 50 jours à l’isolement dans une petite cellule d’un mètre sur deux. Selon ses déclarations, elle a été torturée, notamment battue et menacée d’exécution pendant cette période, et elle craignait en permanence d’être exécutée.
Elle a aussi été gardée pendant des heures dans une pièce où se trouvaient des cordes et des couteaux, et elle a eu le sentiment que cette manœuvre était destinée à la pousser au suicide. Les personnes chargées de l’interroger ont également menacé d’arrêter des membres de sa famille. Elle a été interrogée à plusieurs reprises en détention en l’absence d’un avocat et a été autorisée à avoir des contacts limités avec sa famille. Elle n’a pas été autorisée à consulter son avocat, malgré les demandes répétées de celui-ci, avant l’ouverture de son procès en novembre 2009.
En novembre 2009, Hengameh Shahidi a été condamnée à six ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique devant la chambre 26 du tribunal révolutionnaire de Téhéran, qui l’a déclarée coupable de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale » et de « propagande contre le régime ». Les « preuves » présentées contre elle au tribunal l’accusaient notamment d’avoir couvert en sa qualité de journaliste des manifestations après l’élection présidentielle, d’avoir accordé des interviews aux médias, d’avoir signé des déclarations adressées aux organes des Nations unies compétents en matière de droits humains au sujet des violations des droits fondamentaux commises en Iran, d’avoir soutenu une campagne en faveur de l’abolition des exécutions par lapidation en Iran, et d’avoir recueilli des signatures pour la campagne Un million de signatures, également appelée Campagne pour l’égalité, qui vise à modifier les lois discriminatoires à l’égard des femmes en Iran. Sa déclaration de culpabilité et sa condamnation ont par la suite été confirmées par la chambre 54 de la Cour d’appel. Elle avait également été condamnée à 91 jours de prison pour « outrage au président », mais la cour d’appel a annulé ce jugement.
Hengameh Shahidi avait été libérée sous caution le 1er novembre 2009 après avoir entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention, mais a de nouveau été arrêtée le 25 février 2010 après avoir été convoquée pour interrogatoire par le ministère du Renseignement et conduite à la prison d’Evin pour purger sa sentence. Elle a bénéficié d’une libération pour raisons médicales en mai 2011 et se trouvait libre jusqu’à sa récente arrestation.
Les autorités iraniennes ont renoué avec la répression contre les professionnels des médias ces derniers mois, à l’approche de l’élection présidentielle de mai 2017. Plusieurs journalistes ont été interpellés, notamment le rédacteur-en-chef Ehsan Mazandarani, arrêté par les pasdaran (gardiens de la révolution) le 11 mars, et le rédacteur-en-chef du magazine Goftegoo (Conversation) Morad Saghafi, arrêté le 15 mars. Plusieurs administrateurs de chaînes sur Telegram, application de messagerie mobile qui est une plateforme utilisée par des millions de personnes en Iran, ont également été arrêtés.