Ahmad Farhad, 38 ans, est un journaliste pakistanais originaire du Cachemire qui a été enlevé par quatre hommes alors qu’il rentrait chez lui à Islamabad, le 15 mai à 1 heure du matin. Sa famille a été témoin de la scène, lorsqu’il a été embarqué à bord d’un véhicule inconnu. Les hommes ont également cassé les caméras de vidéosurveillance de la maison et emporté avec eux un enregistreur vidéo numérique qui se trouvait à l’intérieur.
La famille d’Ahmad s’est rendue au poste de police à 4 heures du matin le même jour, mais la police a refusé d’enregistrer un procès-verbal introductif ou d’enquêter sur l’affaire. La famille a déposé une requête en habeas corpus auprès de la Haute Cour d’Islamabad pour qu’Ahmad Farhad soit présenté devant un juge et la police a ensuite ouvert une enquête sur ordre de la Cour. La Haute Cour a ordonné à la police de lui rendre compte de l’état d’avancement de l’enquête.
Le 17 mai, l’épouse d’Ahmad aurait reçu un appel de ses ravisseurs non identifiés lui demandant de retirer sa requête devant la Haute Cour en échange de son retour. Ses avocats ont alors déposé une demande de retrait le lendemain, mais Ahmad Farhad n’a pas été libéré et, par conséquent, son épouse a décidé de maintenir l’affaire.
Ahmad Farhad est un journaliste qui a 15 années d’expérience et a travaillé pour plus de 10 grandes chaînes d’information télévisées pakistanaises, dont Bol News, Hum News, Neo News et Capital TV. C’est également un poète ourdou renommé, qui aborde des thèmes politiques tels que les disparitions forcées dans sa poésie. Il est actif sur les réseaux sociaux. Il critique ouvertement l’ingérence politique des forces armées au Pakistan et a fait face à des menaces par le passé en raison de ses opinions dissidentes. Il travaillait au moment où il a été enlevé comme journaliste indépendant, après que plusieurs de ses anciens employeurs l’aient licencié du fait des pressions exercées par les autorités. Il était placé sous surveillance depuis deux ans et son ordinateur portable avait été saisi l’an dernier. Il y a deux mois, la police a menacé des membres de sa famille au Cachemire et exigé qu’il supprime ses publications sur les réseaux sociaux critiquant les autorités de l’État.
Ahmad Farhad est père de quatre enfants, dont le plus jeune a quatre ans. Son épouse a déclaré que l’incertitude quant à son sort est extrêmement éprouvante pour la famille.
Au Pakistan, les disparitions forcées sont un moyen de réduire au silence des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains, des dissident·e·s et des groupes appartenant à des populations minoritaires, en particulier du Baloutchistan et de la province de Khyber-Pakhtunkhwa. Il n’existe pas de loi criminalisant les disparitions forcées et l’État ne met toujours pas dûment en œuvre l’obligation de rendre des comptes.
Les familles des personnes disparues sont régulièrement victimes de harcèlement, de surveillance et d’intimidation de la part de l’État parce qu’elles demandent des comptes au nom de leurs proches. La pratique des disparitions forcées viole le droit à la liberté, le droit à un procès équitable et le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Pakistan a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Ahmad Farhad est originaire de la région du Jammu-et-Cachemire administrée par le Pakistan et sa disparition survient à un moment où des manifestations de masse ont été organisées dans la région par le Comité d’action conjoint Awami du Jammu-Cachemire (JAAC), défilant pour les droits économiques, la réduction des tarifs de l’électricité, les subventions pour le blé et l’augmentation de la fiscalité pour les groupes à revenu élevé.
Ces rassemblements se sont heurtés à une grande brutalité de la part de l’État, y compris l’utilisation de gaz lacrymogènes et de munitions létales par les forces de l’ordre, qui a entraîné la mort de trois manifestants et près d’une centaine de blessés depuis le 11 mai 2024. Une coupure totale de l’Internet mobile a été imposée dans la région.