Écrire Un journaliste risque de voir sa peine de prison prolongée

Mouhammad Bekjanov, un journaliste de 62 ans qui devrait être libéré en janvier après avoir passé plus de 17 ans en prison pour des motifs politiques, a été placé dans une cellule disciplinaire. En Ouzbékistan, il est courant que les autorités recourent à cette pratique avant de prolonger une peine d’emprisonnement de manière arbitraire.
Le 13 décembre, un proche de Mouhammad Bekjanov s’est rendu à la prison de Zarafshan, dans la région de Navoi (sud-ouest de l’Ouzbékistan), afin de lui rendre une dernière visite avant sa libération. Mouhammad Bekjanov, âgé de 62 ans, a quasiment terminé de purger sa peine, qui avait déjà été prolongée arbitrairement, et devrait être remis en liberté en janvier. Cependant, les responsables de l’administration pénitentiaire ont indiqué au parent venu le voir que la visite était annulée parce que Mouhammad Bekjanov était en cellule disciplinaire. Les autorités pénitentiaires n’ont pas expliqué pourquoi il avait été placé dans une telle cellule et ont dit au visiteur de revenir après le 10 janvier.
Ce ne serait pas la première fois qu’une infraction au règlement de la prison est invoquée pour punir Mouhammad Bekjanov. En janvier 2012, un mois avant la date prévue pour sa libération, il a ainsi été condamné à quatre ans et huit mois de prison supplémentaires pour avoir prétendument enfreint le règlement de la prison. D’après des membres de sa famille, Mouhammad Bekjanov a dit à la cour qu’il n’avait pas enfreint la moindre règle carcérale en l’espace de 13 ans et qu’il serait étrange de sa part de cesser de respecter ces règles à quelques semaines à peine de sa libération. En mars 2012, une cour d’appel a confirmé la prolongation de sa peine d’emprisonnement.
Mouhammad Bekjanov a passé ces 17 dernières années en prison. Lors de son procès, en 1999, il a indiqué qu’on l’avait torturé pour le contraindre à « avouer » des charges forgées de toutes pièces. Il a dit qu’on l’avait frappé à coups de matraque en caoutchouc, asphyxié et soumis à des décharges électriques. Le tribunal n’a pas tenu compte de ses allégations de torture. À ce jour, aucune enquête n’a été menée sur les déclarations de Mouhammad Bekjanov et aucun responsable présumé n’a été traduit en justice ni identifié.
Mouhammad Bekjanov est l’un des journalistes emprisonnés depuis le plus longtemps au monde.

Mouhammad Bekjanov, rédacteur en chef d’Erk (Liberté), journal du parti d’opposition interdit du même nom, a quitté l’Ouzbékistan en 1993 à cause des persécutions, du harcèlement et des manœuvres d’intimidation auxquelles les autorités le soumettaient en raison de ses liens avec le mouvement Erk.
Le 16 février 1999, six bombes ont explosé à Tachkent. Treize personnes sont mortes et plus de 100 ont été blessées. Après ces attentats, les forces de sécurité ouzbèkes ont arrêté de façon arbitraire des centaines de personnes présentées comme des suspects, parmi lesquelles des membres de congrégations islamiques indépendantes, des membres et des sympathisants de partis politiques ou de mouvements d’opposition interdits, ainsi que des membres de leur famille. À la suite des événements de Tachkent, Mouhammad Bekjanov, qui vivait en Ukraine, a été renvoyé contre son gré en Ouzbékistan, le 18 mars 1999. Il y a été détenu au secret jusqu’à la fin du mois d’avril 1999.
En août 1999, Mouhammad Bekjanov et ses cinq coaccusés, pendant leur procès, ont indiqué dans une déclaration conjointe qu’on les avait torturés en détention provisoire afin de les contraindre à faire des « aveux » attestant leur implication dans les attentats de février 1999 et incriminant Mouhammad Salih, le chef en exil du parti Erk. Mouhammad Bekjanov a déclaré qu’entre autres mauvais traitements, il avait reçu des coups de matraques en caoutchouc et de bouteilles en plastique remplies d’eau, et avait été asphyxié et soumis à des décharges électriques. Après son témoignage, le juge n’a donné que 40 minutes à la défense pour plaider. La cour a fondé sa décision sur les « aveux » de Mouhammad Bekjanov, sans tenir compte du fait qu’il avait dit qu’on l’avait torturé et fait « avouer » sous la contrainte. Le 18 août 1999, elle l’a condamné à 15 ans de prison pour sa participation présumée aux attentats de février 1999.
En Ouzbékistan, les autorités invoquent couramment de prétendues infractions au règlement pénitentiaire pour prolonger des peines d’emprisonnement aux termes de l’article 221 du Code pénal de la République d’Ouzbékistan, pour « désobéissance aux ordres légitimes de l’administration des établissements pénitentiaires ». En vertu de cet article, un prisonnier qui ne respecte pas le règlement pénitentiaire encourt une peine d’emprisonnement supplémentaire d’une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, et cette prolongation de peine peut être prononcée à plusieurs reprises. Il n’existe aucune liste publique des règles pénitentiaires et leur application semble souvent arbitraire et motivée par des considérations politiques.
Les prisonniers appartenant à certaines catégories – comme les défenseurs des droits humains, les personnes critiques à l’égard du gouvernement et les détenus déclarés coupables d’appartenance à des partis ou groupes islamistes, ou à des mouvements islamiques interdits en Ouzbékistan – font souvent l’objet de sanctions disciplinaires sévères dans les prisons où ils purgent leur peine, et voient leurs sentences prolongées pour de longues périodes, y compris pour de prétendues infractions mineures aux règlements carcéraux. Ainsi, ces prisonniers sont souvent placés dans des cellules disciplinaires (appelées SHIZO – du russe « shtrafnoi izoliator »), que d’anciens prisonniers ont décrites comme des pièces en béton souvent dépourvues de fenêtre, sans chauffage, lumière naturelle ou ventilation, et trop exiguës pour contenir un lit. Ils sont fréquemment privés des soins médicaux nécessaires et contraints de passer des heures à des travaux manuels pénibles (construction de bâtiments, fabrication de briques, etc.), avec des outils rudimentaires et des vêtements inadaptés, sans équipement de protection, et sans nourriture et eau en quantité suffisante à disposition. Selon d’anciens prisonniers et des proches de détenus, ils sont souvent victimes de passages à tabac et d’autres mauvais traitements infligés par des surveillants et des codétenus.
Nom : Mouhammad Bekjanov
Homme

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