Mzia Amaghlobeli, journaliste géorgienne de renom et cofondatrice des médias Batumelebi et Netgazeti, a été arrêtée à deux reprises le 11 janvier 2025 lors de manifestations pacifiques dans la ville de Batumi (sud-ouest de la Géorgie). Sa première arrestation était arbitraire et liée à sa tentative de poser sur un bâtiment un autocollant appelant à une manifestation nationale.
De nombreux autres manifestant·e·s pacifiques ont également été arrêtés arbitrairement en même temps qu’elle. Après avoir été relâchée, elle a rejoint la manifestation en cours, et dans un contexte de nouvelles arrestations arbitraires de manifestant·e·s pacifiques, son altercation avec le chef de la police de Batumi, Irakli Dgebuadze, l’a amenée à le gifler. Elle a été immédiatement arrêtée à nouveau. Sur des vidéos accessibles au public, on entend Irakli Dgebuadze et d’autres policiers la menacer et l’insulter pendant qu’elle est emmenée.
Mzia Amaghlobeli a par la suite indiqué à ses avocat·e·s qu’Irakli Dgebuadze et d’autres policiers avaient continué de l’insulter en détention et qu’il avait tenté de l’agresser physiquement mais en avait été empêché par ses collègues. Pendant trois heures, elle a été privée d’accès à un avocat et n’a pas été autorisée à boire ni à aller aux toilettes.
Mzia Amaghlobeli a été placée en détention par un juge pour « agression sur un policier », au titre de l’article 351-1 du Code pénal. Le 14 janvier, lors d’une brève audience, le juge a rejeté sa demande de libération sous caution. Elle a mené une grève de la faim pendant 38 jours pour protester contre la violation de ses droits fondamentaux.
Le Service spécial d’enquête (organisme chargé d’enquêter sur les infractions présumées commises par des policiers) a été informée des faits le 12 janvier, et Mzia Amaghlobeli a soumis le 15 janvier un récit détaillé des mauvais traitements qu’elle a subis aux mains de la police. Des informations contradictoires ne permettent pas de savoir si cet organisme a lancé officiellement une enquête sur les événements survenus les 11 et 12 janvier à Batumi. Les avocat·e·s de Mzia Amaghlobeli affirment qu’il ne l’a fait que le 17 ou 18 janvier, après avoir été interpellé par une organisation locale de défense des droits humains, et qu’il a antidaté son dossier au 13 janvier.
Au moins trois autres manifestants arrêtés à Batumi le 11 janvier, Malkhaz Iremadze, Temur Katamadze et Genri Dolidze, ont déclaré avoir subi des coups et d’autres mauvais traitements de la part d’Irakli Dgebuadze et d’autres membres des forces de l’ordre en détention. Au moment de la rédaction de cette Action urgente, le Service spécial d’enquête n’avait fait état d’aucune avancée dans son enquête et n’avait reconnu ni Mzia Amaghlobeli, ni les autres plaignant·e·s comme victimes d’infractions présumées commises par des policiers.
Les circonstances de l’arrestation de Mzia Amaghlobeli, les mauvais traitements qu’elle dit avoir subis en détention et les conditions de son procès suscitent de vives préoccupations quant à la motivation probable des poursuites engagées contre elle et, comparées à l’impunité manifeste dont jouit la police, démontrent le traitement discriminatoire réservé à cette femme et à d’autres manifestant·e·s par la justice géorgienne. Son cas rappelle aussi les préoccupations plus générales concernant les procès politiques, la répression de la dissidence et les représailles fondées sur le genre à l’encontre des personnes exerçant leur droit de manifester en Géorgie.
Les insultes et les violences qu’elle a subies de la part de hauts responsables de la police, notamment d’Irakli Dgebuadze, révèlent une volonté évidente de la dégrader et de l’intimider en tant que femme. Son traitement n’est pas un cas isolé, mais reflète une pratique plus large consistant à cibler les femmes qui défient l’autorité en Géorgie, en particulier dans des contextes politiques et protestataires, en leur faisant subir de l’hostilité et de la violence supplémentaires.