Le 12 septembre 2020, les avocats de Heidar Ghorbani ont demandé au responsable du pouvoir judiciaire d’exercer les pouvoirs que lui confère l’article 477 du Code de procédure pénale afin d’ordonner une révision de cette affaire au motif que le verdict rendu était manifestement contraire aux dispositions du droit iranien et de la charia. Ils ont indiqué que le responsable du pouvoir judiciaire avait renvoyé la demande de révision judiciaire devant une chambre de la Cour suprême, qui l’a rejetée au début d’août 2021. L’article 287 du Code pénal islamique dispose : « Tout groupe prenant les armes contre les fondements de la République islamique d’Iran est considéré comme baghi et, s’ils venaient à recourir aux armes, ses membres seraient alors condamnés à mort. »
Selon les informations enregistrées dans le dossier de Heidar Ghorbani et obtenues par Amnesty International, le juge d’instruction dans cette affaire, qui travaille pour le parquet de la province du Kurdistan, a déclaré par écrit le 1er février 2017 qu’il n’existait aucun élément permettant d’inculper Heidar Ghorbani de « rébellion armée contre l’État » (baghi). Cependant, le procureur a insisté pour que ce chef d’accusation soit inclus dans l’acte d’accusation. Heidar Ghorbani a nié avoir été membre du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran, un groupe armé d’opposition.
Heidar Ghorbani a été arrêté le 12 octobre 2016 par une dizaine d’agents du ministère du Renseignement qui ont effectué une descente chez lui et n’ont pas présenté de mandat d’arrêt. Pendant presque trois mois, sa famille n’a obtenu aucune information sur ce qui lui était arrivé et le lieu où il se trouvait, ignorant même s’il était mort ou toujours en vie. Le 5 janvier 2017, il a été autorisé à appeler brièvement sa famille, mais son lieu de détention a continué d’être tenu secret. Après cet appel téléphonique, sa famille a continué d’ignorer ce qu’il était advenu de lui et le lieu où il se trouvait jusqu’en avril 2017, lorsqu’il a été transféré à la prison centrale de Sanandaj.
Après ce transfert, Heidar Ghorbani a révélé que, pendant sa disparition forcée, il avait été détenu pendant plusieurs jours dans un centre de détention à Kamyaran, dans la province du Kurdistan, tenu par l’Unité d’enquête de la police iranienne (Agahi), puis transféré dans un centre de détention du ministère du Renseignement à Sanandaj, où il a été maintenu en détention à l’isolement, en violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements, pendant plusieurs mois. Il a affirmé que les agents qui l’ont interrogé durant cette période l’avaient frappé à coups de pied et de poing, privé de sommeil et forcé à s’allonger sur le sol pendant qu’ils lui piétinaient la poitrine, ce qui lui donnait l’impression d’étouffer.
Le 8 mars 2017, Press TV, une chaîne publique iranienne qui diffuse des émissions en anglais, a diffusé une vidéo de propagande intitulée « The Driver of Death » (« Le conducteur de la mort »), présentant les « aveux » forcés de Heidar Ghorbani, sans qu’il le sache.
Les autorités ont violé non seulement le droit à la présomption d’innocence et le droit de garder le silence pendant les interrogatoires et le procès, mais aussi l’interdiction absolue de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants énoncée par le droit international, en raison de l’angoisse dans laquelle vivent les détenus et leur famille à cause de telles vidéos d’« aveux » qui déshumanisent et diabolisent les victimes, et qui prétendent démontrer leur « culpabilité » pour des faits graves. Outre son procès devant le tribunal révolutionnaire, Heidar Ghorbani a également été jugé devant la première chambre du premier tribunal pénal de la province du Kurdistan pour complicité de meurtre, tentative d’enlèvement et pour avoir aidé les auteurs directs à prendre la fuite. À l’issue de ce procès, il a été condamné le 6 octobre 2019 à un total de 118 années et six mois d’emprisonnement ainsi qu’à 200 coups de fouet.
Aux termes du droit international relatif aux droits humains, étant donné le caractère irréversible de la peine capitale, les procédures dans les affaires où elle peut être prononcée doivent être rigoureusement conformes aux normes garantissant le droit à un procès équitable. Toute personne qui encourt la peine de mort doit bénéficier des services d’un avocat compétent à tous les stades de la procédure. Elle doit être présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie sur la base d’éléments sans équivoque et convaincants ne laissant aucune place à une autre interprétation des faits, conformément aux normes les plus strictes en matière de collecte et d’évaluation des preuves. De plus, toutes les circonstances atténuantes doivent être prises en compte.
La procédure doit garantir le droit à un réexamen devant une juridiction supérieure aussi bien des éléments factuels que des aspects juridiques de l’affaire. L’application de la peine de mort à l’issue d’une procédure qui contrevient gravement aux normes d’équité des procès constitue une privation arbitraire du droit à la vie, voire une exécution extrajudiciaire. Dans une déclaration datée du 3 septembre 2021, plusieurs experts des droits humains des Nations unies ont conclu : « De nombreuses violations des garanties fondamentales d’équité des procès et de respect de la procédure légale inscrites dans le droit international relatif aux droits humains apparaissent dans le cas de Heidar Ghorbani. »
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, les caractéristiques de son auteur et la méthode d’exécution utilisée par l’État. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où ce châtiment est encore en vigueur, y compris l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine de mort.