Écrire La directrice d’un fonds fiduciaire disparaît en garde à vue

On ignore où se trouve Makarabo Mojakhomo, directrice du Maesaiah Thabane Trust Fund (MTTF). La police affirme qu’elle s’est échappée le 31 mai alors qu’elle était en garde à vue à Maseru, la capitale du Lesotho. Cette femme a été arrêtée aux fins d’interrogatoire sur la base d’allégations selon lesquelles elle aurait fraudé le MTTF, un fonds fiduciaire créé par l’épouse du Premier ministre. La famille de Makarabo Mojakhomo craint qu’elle n’ait été victime d’une disparition forcée, car dans ce pays, les disparitions forcées sont une pratique bien établie des forces de sécurité.
Makarabo Mojakhomo, directrice du Maesaiah Thabane Trust Fund, a été arrêtée par le Service de police montée du Lesotho (LMPS) le 29 mai, alors qu’elle se présentait avec son avocat pour un interrogatoire, vers 10 h 45. Le matin même, Maesaiah Thabane, l’épouse du Premier ministre du Lesotho, avait déposé une plainte pour fraude et vol contre Makarabo Mojakhomo, l’accusant d’avoir fraudé le fonds fiduciaire en sollicitant auprès de particuliers et d’entreprises des dons faussement destinés au MTTF.

Le mari et la sœur de Makarabo Mojakhomo lui ont rendu visite en garde à vue le 30 mai dans la soirée, mais on leur a interdit d’évoquer les faits qui lui étaient reprochés.

Selon l’officier de police judiciaire, Makarabo Mojakhomo s’est échappée dans la matinée du 31 mai, vers 9 h 30, alors qu’il entrait dans un bureau pour préparer les documents nécessaires à son transfert au tribunal d’instance de Maseru, où elle devait être entendue. La police a informé sa famille, qui s’était présentée au quartier général de la police avant l’audience, qu’elle avait « pris la fuite ». La famille a indiqué à Amnesty International qu’elle ne croyait pas à la version de la police, car les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, ainsi que la torture et les autres mauvais traitements, sont des pratiques bien établies au Lesotho. Les proches de Makarabo Mojakhomo craignent qu’elle n’ait fait l’objet d’une disparition forcée.

Après la disparition de Makarabo Mojakhomo, l’avocat engagé par sa famille a introduit une requête en habeas corpus (CIV/APN/179/2018) [procédure permettant la comparution immédiate d’un détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention, et de permettre ainsi une éventuelle remise en liberté] le 3 juin, qui a été examinée par la Haute Cour de Maseru le lendemain. Le LMPS a demandé un délai pour répondre à cette requête. La Haute Cour l’a enjoint de déposer sa réponse le 13 juin au plus tard, afin que l’affaire soit entendue le 15 juin.

Le 15 juin, l’audience d’habeas corpus a été reportée aux 2 et 3 juillet, le LMPS n’ayant pas déposé de réponse.
Thabang Mojakhomo, le mari de Makarabo Mojakhomo, a également été arrêté le 31 mai, en lien avec les faits reprochés à son épouse. Il a comparu devant le tribunal le lundi 1er juin. Son audience de mise en liberté sous caution, initialement fixée au 8 juin, a été reportée au 13 juin. Elle a eu lieu à 10 heures du matin. Thabang Mojakhomo a été libéré contre le versement de deux types de caution, l’une de 5 000 maloti du Lesotho et l’autre de 40 000 maloti (environ 378 et 3 018 dollars des États-Unis, respectivement).

En vertu du droit international, la disparition forcée est un crime. Les disparitions forcées sont également une violation de l’obligation qui incombe au Lesotho, en vertu de sa constitution et du droit international relatif aux droits humains, de respecter notamment le droit à la sécurité et à la dignité de la personne, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant, le droit à des conditions humaines de détention, le droit à une personnalité juridique, le droit à un procès équitable et, lorsque la personne disparue est tuée, le droit à la vie.

Aux termes de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle le Lesotho est partie, la disparition forcée est l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État (ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État), que suit le déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve. Celle-ci se trouve ainsi soustraite à la protection de la loi.

Au Lesotho, les disparitions forcées imputables aux membres des forces de sécurité sont une pratique bien établie. En 2016, pendant la crise politique et sécuritaire qu’a connue le Lesotho, un policier, Mokalekale Khetheng, a été arrêté par des collègues qui le soupçonnaient d’être impliqué dans un incendie criminel. En août 2017, la Haute Cour de Maseru a fait droit à une requête en habeas corpus introduite par la famille de Mokalekale Khetheng, qui avait disparu le 26 mars 2016 après avoir été arrêté par quatre agents du LMPS, dans le district de Leribe, sans que les faits dont il avait à répondre soient précisés. Le même mois, ces policiers ont été arrêtés en lien avec l’assassinat de Mokalekale Khetheng, dont la dépouille a été exhumée. L’ancien ministre de la Défense a lui aussi été appréhendé dans le cadre de cette affaire. Les policiers et l’ancien ministre ont été inculpés de complot en vue de provoquer une disparition, et sont toujours en détention provisoire. Une enquête a révélé que Mokalekale Khetheng avait subi de graves sévices avant d’être tué par ses collègues.

En mai 2016, trois hommes, Khothatso Makibinyane, Paseka Pakela et Lekhoele Noko, ont été arrêtés. Il leur était reproché d’avoir tué par balle un membre des Forces de défense du Lesotho. Après être sortis de garde à vue, Khothatso Makibinyane et Paseka Pakela ont disparu et n’ont jamais été revus vivants. Leurs proches ont introduit une requête en habeas corpus devant la Haute Cour, et la police et l’armée ont affirmé qu’elles ignoraient où se trouvaient ces deux hommes. Le troisième suspect, Lekhoele Noko, rentrait chez lui à Leribe en bus avec sa mère et se trouvait à proximité de la ville de Lekokoaneng lorsque des membres des Forces de défense du Lesotho l’ont contraint par la force à descendre du véhicule. Il n’est jamais réapparu. Les corps en décomposition des trois hommes ont été découverts en 2017. Ils avaient été assassinés et jetés dans le bassin du barrage de Mohale.

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit