Mohamed Benhlima a dénoncé des faits présumés de corruption au sein de l’armée algérienne sur sa chaîne YouTube et son profil Facebook entre 2019 et 2022. Il a également participé au mouvement algérien de protestation du Hirak, qui a débuté en février 2019. Puis, craignant d’être poursuivi, il s’est réfugié en Espagne en septembre 2019. Le 24 mars 2022, les autorités espagnoles l’ont renvoyé de force en Algérie, ce qui constitue une violation flagrante de leurs obligations en matière de « non-refoulement ». Depuis son retour, les autorités algériennes ont engagé des dizaines de procédures contre lui, devant des tribunaux civils et militaires.
Le 24 mars 2022, les autorités espagnoles ont rendu une décision finale de refus d’asile et l’ont renvoyé de force vers l’Algérie quelques heures plus tard, sans jamais notifier ses avocats de l’avis d’expulsion. Ces décisions ont été prises en dépit de craintes qu’il ne soit victime de détention arbitraire et de torture ou d’autres mauvais traitements en Algérie, exprimées par ses avocats et plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, qui a également demandé aux autorités espagnoles de ne pas l’expulser. Les autorités espagnoles ont par ailleurs fait fi d’un avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés le 21 mars 2022, qui a conclu qu’il avait droit à une protection internationale et qu’il existait des raisons de croire que le risque de torture était « prévisible, personnel, présent et réel ».
Mohamed Benhalima a été informé le 8 mai 2022 que le tribunal militaire de Blida à Alger l’avait condamné à mort par contumace en 2021 pour divulgation d’informations confidentielles relatives à la défense nationale à une entité étrangère, en vertu de l’article 63 paragraphe 2 du Code pénal, une infraction à la définition trop large. Après son retour forcé en Algérie, il a fait appel et a obtenu un nouveau procès. Le 30 avril 2024, le tribunal militaire de Blida l’a condamné à 10 ans de prison, peine confirmée par la Cour d’appel militaire de Blida le 23 janvier 2025.
Dans une autre affaire, le 12 juillet 2023, le tribunal de première instance de Dar El Beïda à Alger l’a condamné à sept ans de prison pour plusieurs infractions, notamment « adhésion et participation à un groupe terroriste » (article 87 bis 3 du Code pénal), pour association présumée avec Rachad, et « atteinte à l’intégrité du territoire national », « incitation à un attroupement non armé », « outrage aux institutions publiques », et « publication de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre publics », respectivement en vertu des articles 79, 100, 146 et 196 bis du Code pénal.
Ces charges découlent de propos critiques qu’il a tenus en ligne sur des représentants du gouvernement et sur l’armée, ainsi que de sa participation aux manifestations du Hirak. Il a été condamné sur la base de ses « aveux » forcés, qu’il a ensuite rétractés devant le tribunal en affirmant qu’ils avaient été obtenus sous la torture. Il attend actuellement le jugement de son appel dans cette affaire.
Dans une autre affaire, la Cour d’appel militaire de Blida a confirmé en appel le 28 août 2024 la condamnation de Mohamed Benhlima à une peine de réclusion à perpétuité pour avoir divulgué des informations confidentielles à une entité étrangère (article 63 du Code pénal, paragraphe 1), sur la base de publications en ligne concernant la corruption de l’armée. Le militant a déposé un recours devant la Cour de cassation. Le 28 août 2024, la Cour d’appel militaire de Blida l’a également condamné à cinq ans de prison en appel pour désertion (articles 259 et 262 du Code de justice militaire) pour son départ vers l’Espagne.
Le 8 décembre 2024, Mohamed Benhlima a déclaré devant le tribunal criminel de Dar El Beïda, à la Cour d’Alger : « [des agents militaires] m’ont torturé, harcelé et violé », en détention à la prison militaire de Blida en 2022. Mohamed Benhalima a formulé des allégations de torture devant un juge au moins six fois entre mai 2022 et décembre 2024, et a révélé à sa famille et à ses avocats des informations sur des actes de torture et d’autres mauvais traitements, notamment des violences sexuelles, auxquels il a été soumis à la fois à la prison militaire et au centre du renseignement de Shawla à Alger. Il a notamment été roué de coups et aspergé d’eau glacée après avoir été déshabillé.
Après son retour forcé d’Espagne, les autorités ont soumis Mohamed Benhlima à une disparition forcée jusqu’à sa comparution devant le tribunal le 5 avril 2022. Les autorités l’ont maintenu à l’isolement entre avril et juin 2022, période pendant laquelle le militant a été autorisé à sortir de sa cellule une fois par jour pendant 10 minutes, sans contact avec d’autres prisonniers, et s’est vu refuser l’accès à des livres ou à d’autres supports de lecture.
Les autorités algériennes n’ont jamais annoncé l’ouverture de la moindre enquête sur ses allégations, bien que sa famille ait officiellement demandé une enquête dans une lettre adressée aux autorités algériennes le 25 juin 2022, déposé une plainte auprès du procureur général d’Alger en septembre 2022 et de nouveau écrit au procureur général en 2023 et 2024.
Les proches de Mohamed Benhlima ont dit craindre pour sa vie en décembre 2022, après qu’il leur a révélé qu’il envisageait de se suicider. Avant son retour forcé, le militant avait reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, de dépression sévère et d’anxiété.
Les droits de Mohamed Benhlima à un procès équitable ont été bafoués, notamment son droit de ne pas témoigner contre soi-même et son droit à la présomption d’innocence. En mars 2022, il est apparu dans des vidéos diffusées par les services de radiodiffusion algériens, dans lesquelles il « avouait » avoir pris part à un complot contre l’État, fomenté par Rachad, le Maroc et Israël.
Amnesty International a appris de source informée que la famille et les avocats de Mohamed Benhlima ont fait l’objet d’actes d’intimidation. Le 28 août 2024, des agents militaires ont arrêté le frère de Mohamed Benhlima avant une visite en prison et l’ont privé de liberté pendant une journée, l’accusant d’avoir pris une photo de la prison militaire.