Écrire Libérez des manifestants Oromos

Les autorités éthiopiennes ont arrêté et placé en détention arbitrairement plusieurs manifestants pacifiques, y compris des journalistes et des dirigeants de partis d’opposition, dans le cadre de la répression brutale de manifestations dans la région d’Oromia. Ces personnes risquent toujours de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et doivent être relâchées immédiatement et sans condition.

Bekele Gerba, président adjoint du Congrès fédéraliste oromo (CFO), Dejene Tafa, secrétaire du CFO, Getachew Shiferaw, rédacteur en chef du journal en ligne Negere Ethiopia, Yonathan Teressa, militant actif sur Internet, et Fikadu Mirkana, qui travaille pour la station de radio et la chaîne de télévision Oromia, font partie des manifestants pacifiques oromos qui ont été arrêtés et placés en détention en Éthiopie. Ces arrestations s’inscrivent dans le cadre d’une répression brutale menée par le gouvernement éthiopien contre les manifestations organisées depuis novembre 2015 dans la région d’Oromia pour dénoncer le grand programme gouvernemental, qui prévoit d’intégrer des portions de cette région à la capitale, Addis-Abeba. Le 15 décembre, l’État a qualifié les contestataires de « terroristes » et réagi plus violemment aux défilés. Un grand nombre de personnes ont été arrêtées, et plusieurs sont mortes ou ont été blessées.

Dejene Tafa a été arrêté le 24 décembre 2015. Le même jour, la police a procédé à une perquisition illégale à son domicile. Son épouse a déclaré que les agents, dépourvus d’autorisation, avaient saisi un drapeau et des documents du Front de libération oromo (FLO) qu’ils avaient placés eux-mêmes dans la maison. Dejene Tafa est détenu au Centre d’enquête de la police fédérale (également appelé Maekelawi) à Addis-Abeba ; il est privé d’avocat et les visites de sa famille sont restreintes. Son épouse a été autorisée à le voir trois fois depuis son arrestation mais en présence de policiers. Lors de sa dernière visite, le 12 février, Dejene Tafa lui a dit qu’il était allé à l’hôpital de la police à cause d’une douleur aux yeux mais les agents présents l’ont empêché d’en dire plus sur son état de santé. Selon elle, il ne souffrait d’aucune pathologie avant son arrestation.

Diribie Erga, 60 ans, a été arrêté le 18 décembre 2015 par des agents de la police fédérale et des personnes en civil pour avoir participé aux manifestations. Libéré le 10 février, il a déclaré avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements au centre de détention de Maekelawi.

Amnesty International considère les manifestants pacifiques arrêtés comme des prisonniers d’opinion, incarcérés seulement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Ces personnes risquent encore d’être victimes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements.

Le 12 novembre 2015, des manifestations pacifiques ont été organisées à Ginchi, à environ 80 kilomètres au sud-ouest d’Addis-Abeba dans la région d’Oromia, lorsque le gouvernement a transféré la propriété d’une aire de jeux et d’un stade à des investisseurs privés, après avoir rasé la forêt naturelle de Chilimo pour laisser place à ces derniers. Les manifestants - pour la plupart des étudiants de l’université oromo et des lycéens, rejoints par des citadins et des paysans - craignent que le Grand programme de développement intégré d’Addis-Abeba - qui est contraire à la Constitution éthiopienne - bafoue les droits culturels et individuels des Oromos, notamment ceux qui vivent près de la capitale, et soit mis en œuvre sans que la population ne soit véritablement consultée et au mépris d’autres garanties prévues par la Constitution, ce qui pourrait entraîner l’expulsion forcée des paysans oromos installés aux alentours de la capitale.

La police de la région d’Oromia, notamment les forces spéciales, et la police fédérale puis l’armée ont utilisé une force excessive, y compris des munitions réelles, contre des manifestants pacifiques (parmi lesquels figuraient notamment des journalistes et des membres de partis d’opposition), faisant des centaines de mort et des milliers de blessés. Elles ont également procédé à des arrestations et à des disparitions forcées. Le 1er décembre, les événements ont dégénéré lorsque Gazahany Oliiqaa, étudiant à l’université de Haromaya, a été tué dans cette même ville par des policiers fédéraux. Des enfants, dont certains n’avaient pas plus de 12 ans, ont été tués.

Le 15 décembre, l’État éthiopien a qualifié les contestataires de « terroristes ». Amnesty International considère que le fait d’utiliser ce terme pour désigner des manifestants pacifiques pour la plupart n’a fait que provoquer une escalade et alourdir le bilan.
« Ils accusent notre parti et certains de nos membres d’avoir participé au mouvement de protestation, d’être à l’instigation des manifestations, a déclaré Merara Gudina, le président du CFO, qui nie toute incitation à la violence. Nous ignorons quand Bekele et Dejene seront libérés ou éventuellement inculpés. »

Le FLO, dont Dejene Tafa a été accusé d’avoir le drapeau à son domicile, figure sur la liste des groupes terroristes en vertu de la Loi 652/2009 relative à la lutte contre le terrorisme. Ce texte permet de placer en détention provisoire, pour une durée maximale de quatre mois, toute personne soupçonnée d’activités terroristes.

Amnesty International a déjà recueilli des informations sur l’utilisation courante de la torture et des autres formes de mauvais traitements contre des manifestants oromos pendant cette période de détention prolongée. L’organisation a aussi constaté des attaques fréquentes visant des manifestants pacifiques. Elle a publié un rapport (en anglais) intitulé “Because I am Oromo” : Sweeping Repression in the Oromia Region of Ethiopia (https://www.amnesty.org/en/documents/Afr25/006/2014/en/) le 28 octobre 2014 et un communiqué de presse sur l’utilisation de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme dans le cadre des manifestations le 16 décembre 2015 (https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/12/ethiopia-anti-terror-rhetoric-will-escalate-brutal-crackdown-against-oromo-protesters/).

Le 12 janvier, le Parti démocratique du peuple oromo, qui dirige la région d’Oromia, a annoncé l’annulation du grand programme, fortement contesté.

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