Écrire Un maitre spirituel risque une nouvelle condamnation à mort

Le maître spirituel iranien Mohammad Ali Taheri attend la deuxième audience de son procès, prévue pour juillet. Poursuivi pour « corruption sur terre », il est détenu à l’isolement depuis plus de six ans à la prison d’Evin, à Téhéran. S’il est déclaré coupable, il pourrait être condamné à mort.

Le prisonnier d’opinion Mohammad Ali Taheri est accusé de « corruption sur terre » (efsad-e fel arz) en lien avec le groupe spirituel qu’il a créé, Erfan-e Halgheh, et les enseignements qu’il dispense dans ce cadre. Son procès s’est ouvert le 6 mars devant la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran. À l’audience, le juge lui a remis un questionnaire en lui demandant d’y répondre par écrit avant la prochaine audience. Selon son avocat, elle aura lieu au plus tard à la fin de juillet. Les questions portaient sur les écrits de Mohammad Ali Taheri concernant Erfan-e Halgheh. Il a demandé à obtenir des copies de ses écrits, sans lesquelles il ne pouvait formuler ses réponses, mais l’administration de la prison n’a pas accédé à sa requête.

Une semaine avant l’audience de mars, la télévision publique a diffusé une émission appelée « Le Cercle de Satan », dans laquelle Mohammad Ali Taheri était présenté comme le dirigeant d’une « secte perverse ». Il y était dit que ses enseignements avaient conduit des personnes à douter de leur foi et de leurs pratiques islamiques, ce qui leur avait causé de l’anxiété et du stress et avait mis à mal leur santé mentale. À la fin de l’émission, des personnes se qualifiant de « victimes » ont appelé à exécuter Mohammad Ali Taheri. Peu après, les adeptes de son mouvement ont fait l’objet d’une répression violente.

C’est la troisième fois que Mohammad Ali Taheri est jugé pour « corruption sur terre ». La première fois, en 2011, le tribunal révolutionnaire de Téhéran l’avait condamné à cinq ans d’emprisonnement pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam » mais avait estimé que des investigations complémentaires étaient nécessaires pour statuer au sujet de la « corruption sur terre ».

Pendant les quatre années qui ont suivi, les autorités l’ont maintenu à l’isolement dans la section 2A de la prison d’Evin – où il est toujours incarcéré – sous prétexte qu’une enquête était en cours. Toutefois, ce temps a été décompté de sa peine, qui a donc été considérée comme purgée en février 2016. Il a été de nouveau jugé pour « corruption sur terre » en 2015 et condamné à mort, avant d’être finalement acquitté en juin 2016. Malgré cela, il n’a pas été libéré et, à la fin de 2016, il a été inculpé une fois de plus de « corruption sur terre » pour les mêmes activités qui l’avaient fait condamner en 2011.

Mohammad Ali Taheri a été arrêté pour la première fois en avril 2010 et libéré au bout de deux mois. Il a été de nouveau arrêté en mai 2011 et inculpé de « corruption sur terre » et d’« outrage aux valeurs sacrées de l’islam » parce qu’il était à l’origine de la doctrine et du groupe spirituels Erfan-e Halgheh. En octobre 2011, la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran l’a condamné à cinq ans d’emprisonnement pour la deuxième charge mais a estimé que des investigations complémentaires étaient nécessaires pour statuer sur la première. L’enquête a ensuite servi de prétexte aux autorités pour ne pas le réintégrer parmi les autres détenus de la prison d’Evin et le maintenir à l’isolement dans la section 2A, où il se trouve toujours.

Les pasdaran (gardiens de la révolution) ont achevé l’enquête concernant la charge de « corruption sur terre » en septembre 2014 et ont conclu, entre autres, que Mohammad Ali Taheri avait propagé cette corruption en faisant la promotion de sa « secte perverse » auprès de 50 000 personnes dans le pays. Ils ont aussi soutenu qu’il avait pris des dispositions visant à « renverser sans brutalité les fondements sacrés de la République islamique » en semant le doute au sujet des convictions religieuses dans l’esprit d’un large public. Mohammmad Ali Taheri a été jugé par la 26e chambre du tribunal révolutionnaire en mars et juillet 2015.

À l’issue de son procès, en août 2015, il a été déclaré coupable et condamné à mort. Cependant, au mois de décembre suivant, la Cour suprême a annulé sa peine, au motif que les activités qu’il menait avant son arrestation en 2011 ne relevaient pas de la « corruption sur terre ». L’affaire a ensuite été renvoyée devant la 26e chambre afin qu’elle statue si les autres activités de cet homme, sans lien avec ses enseignements spirituels, pouvaient constituer l’infraction. En juin 2016, celle-ci a rendu sa décision finale et prononcé l’acquittement de Mohammad Ali Taheri pour la charge de « corruption sur terre ».

Bien que cet homme ait purgé l’intégralité de sa première peine entre 2011 et février 2016, les autorités ont refusé de le libérer. Elles ont même lancé un nouveau cycle d’interrogatoires et, à la fin de 2016, elles l’ont accusé de la même infraction. Elles ont aussi intensifié leur campagne de diffamation à son égard dans les médias publics, le désignant comme le dirigeant d’une « secte perverse » et appelant ouvertement à l’exécuter.

Mohammad Ali Taheri a créé la doctrine spirituelle Erfan-e Halgheh (interuniversalisme) après avoir reçu des « inspirations spirituelles » lui permettant de se connecter à une « conscience cosmique ». Il pratiquait ses nouvelles croyances, aux côtés de ses adeptes, lors de « séances de guérison » qui reposaient, semble-t-il, sur le recours à des traitements de substitution non médicamenteux. Pendant sa détention, il a mené 16 grèves de la faim et essayé de se suicider à quatre reprises pour protester contre son maintien en détention à l’isolement, l’absence de contacts avec sa famille et son avocat, et les menaces de mort visant sa famille et lui. La dernière en date a débuté le 28 septembre 2016 et a duré 97 jours.

Selon le Comité des droits de l’homme, qui est chargé de suivre la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie, le maintien en détention à l’isolement pouvait constituer une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements. L’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus [ONU], dites Règles Mandela, interdit la détention à l’isolement pendant une période de plus de 15 jours consécutifs.

L’interdiction de la dualité des poursuites pour une même infraction, qui se fonde sur le principe appelé non bis in idem, empêche d’être jugé ou puni à la suite d’une infraction pour laquelle on a déjà été relaxé ou condamné. En effet, l’article 14(7) du PIDCP dispose : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays. »

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