Écrire Manahel al Otaibi torturée en prison

Après un mois de détention au secret, Manahel al Otaibi a contacté ses proches le 1er septembre 2024. Elle leur a indiqué qu’elle avait été de nouveau placée à l’isolement et violemment battue par des codétenues et des gardiens de prison.

Le 9 janvier 2024, le Tribunal pénal spécial, juridiction saoudienne tristement célèbre, a condamné cette professeure de fitness et militante des droits des femmes âgée de 30 ans à 11 années d’emprisonnement pour des « infractions liées au terrorisme » à l’issue d’un procès tenu en secret.

Arrêtée le 16 novembre 2022, Manahel al Otaibi a été inculpée d’infraction à la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, en raison de ses tweets en faveur des droits des femmes et de la publication sur Snapchat de photos d’elle sans abaya (une tunique traditionnelle à manches longues et à la coupe ample) dans un centre commercial.

Les autorités saoudiennes l’ont soumise à une disparition forcée entre le 5 novembre 2023 et le 14 avril 2024.

Le dossier de Manahel al Otaibi a été traité dans un premier temps par le tribunal pénal de Riyadh. Le 23 janvier 2023, celui-ci a estimé qu’il n’avait pas compétence pour juger cette affaire et l’a renvoyée devant le Tribunal pénal spécial, qui siège également dans la capitale saoudienne. Cette juridiction antiterroriste tristement célèbre utilise régulièrement des dispositions floues de la législation sur la cybercriminalité et la lutte contre le terrorisme qui assimilent l’expression pacifique d’opinions à du « terrorisme ».

Amnesty International a recueilli des informations attestant que chaque étape de la procédure judiciaire devant le Tribunal pénal spécial est entachée de violations des droits humains. Depuis 2018, les autorités saoudiennes ont arrêté et détenu arbitrairement plusieurs personnes qui faisaient campagne pour mettre fin au système de tutelle masculine et en faveur du droit des femmes de conduire en Arabie saoudite. Des militant·e·s des droits des femmes ont signalé avoir été victimes de harcèlement sexuel, de torture et d’autres formes de mauvais traitements au cours d’interrogatoires. Les personnes libérées font l’objet d’interdictions de voyager et de restrictions de leur liberté d’expression.

Les deux sœurs de Manahel al Otaibi ont également été poursuivies pour leur mobilisation en faveur des droits des femmes. Dans le dossier d’accusation de Manahel al Otaibi, le procureur du tribunal pénal de Riyadh a accusé sa sœur Fawzia de mener une « campagne de propagande pour inciter les filles saoudiennes à dénoncer les principes religieux et à se rebeller contre les coutumes et traditions de la culture saoudienne », parce qu’elle avait utilisé un hashtag « promouvant la libération et la fin de la tutelle masculine ». L’un des documents de procédure examinés par Amnesty International indiquait qu’une ordonnance distincte serait émise pour l’arrestation de Fawzia al Otaibi.

Leur autre sœur, Mariam al Otaibi, une militante bien connue pour ses prises de position contre la tutelle masculine dans le pays, a été inculpée et détenue par le passé pour avoir défendu les droits des femmes, et est actuellement soumise à une interdiction de voyager.

Dans une affaire similaire à celle de Manahel al Otaibi, le 25 janvier 2023, le Tribunal pénal spécial a de nouveau condamné Salma al Shehab, étudiante en doctorat à l’université de Leeds et mère de deux enfants, lors de sa procédure en appel, à 27 ans de réclusion suivis en outre de 27 ans d’interdiction de voyager. Il l’a déclarée coupable d’infractions liées au terrorisme à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, pour avoir publié des tweets soutenant les droits des femmes.

La quasi-totalité des défenseur·e·s des droits humains, des défenseur·e·s des droits des femmes, des journalistes indépendants, des écrivain·e·s et des militant·e·s du pays ont été détenus arbitrairement, ont fait l’objet de procès iniques prolongés – la plupart du temps devant le Tribunal pénal spécial – ou ont été libérés sous des conditions comprenant des interdictions de voyager et d’autres restrictions arbitraires de leurs droits fondamentaux, comme le droit de militer pacifiquement.

Au 31 janvier 2024, Amnesty International avait rassemblé des informations sur les cas d’au moins 69 personnes poursuivies pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, parmi lesquelles des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques pacifiques, des journalistes, des poètes et des dignitaires religieux, dont 32 pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions sur les réseaux sociaux. Le nombre réel des procédures engagées à ce titre est probablement beaucoup plus élevé.

J'agis

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Monsieur le Ministre,

J’ai appris avec inquiétude que Manahel al Otaibi, professeure de fitness et militante des droits des femmes âgée de 30 ans, subit des actes de torture et d’autres mauvais traitements à la prison d’Al Malaz. Après une nouvelle période de détention au secret pendant un mois, elle a pu contacter ses proches et les a informés qu’elle avait été placée à l’isolement pendant un mois entier et qu’elle avait été rouée de coups par des gardiens de prison et des codétenues. Elle leur a également indiqué avoir été forcée à nettoyer des toilettes et que, même si elle avait été sortie de sa cellule d’isolement pour les contacter, les autorités pénitentiaires l’avaient menacée de l’y renvoyer.

Le 9 janvier 2024, le Tribunal pénal spécial a condamné Manahel al Otaibi à 11 ans d’emprisonnement pour des « infractions terroristes » à l’issue d’un procès tenu en secret, après l’avoir déclarée coupable en vertu des articles 43 et 44 de la Loi saoudienne relative à la lutte contre le terrorisme et son financement. Sa famille n’a pas eu accès aux documents judiciaires de son dossier, ni aux preuves retenues contre elle.

Manahel al Otaibi a été arrêtée le 16 novembre 2022 et accusée d’avoir enfreint la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité parce qu’elle a publié des tweets comportant des hashtags en faveur des droits des femmes et diffusé sur Snapchat des photos d’elle vêtue d’une tenue « indécente » dans un centre commercial. Son dossier a été examiné dans un premier temps, le 23 janvier 2023, par le tribunal pénal de Riyadh, qui l’a ensuite transmis au Tribunal pénal spécial.

Selon des documents de procédure qu’Amnesty International a pu consulter, Manahel al Otaibi a été poursuivie pour « publication et diffusion de contenu comportant la commission de péchés en public et incitant des personnes et des filles dans la société à renoncer aux principes religieux et aux valeurs sociales ainsi qu’à porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs sur son compte Twitter », en violation de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité. Les charges retenues contre elle reposent sur ses publications de réseaux sociaux jugées « contraires aux règles et aux lois relatives aux femmes », notamment par l’utilisation du hashtag #EndMaleGuardianship.

Les autorités saoudiennes l’ont soumise à une disparition forcée entre le 5 novembre 2023 et le 14 avril 2024. Après cette période de plus de cinq mois où personne ne savait où elle se trouvait, elle a contacté sa famille et lui a dit qu’elle était détenue à l’isolement à la prison d’Al Malaz, avec une jambe cassée après avoir été rouée de coups en détention, et qu’elle n’avait pas accès à des soins médicaux.

Sa sœur Fawzia al Otaibi a déclaré à Amnesty International qu’elle pensait que la seule raison pour laquelle Manahel al Otaibi avait finalement été autorisée à téléphoner était de faire passer un message à sa famille pour qu’elle cesse de s’exprimer publiquement au sujet de son incarcération.

Je vous appelle à ordonner la libération immédiate et sans condition de Manahel al Otaibi, car elle a été condamnée uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. En attendant sa libération, elle doit pouvoir bénéficier d’un accès immédiat à des soins médicaux, et ses allégations de torture et d’autres mauvais traitements doivent donner lieu à une enquête impartiale.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

APPELS : arabe et anglais. Vous pouvez également écrire dans votre propre langue.


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