Écrire Un manifestant condamné à trois ans de prison

Le 26 juin 2024, la cour de sûreté de l’État en Égypte a condamné le manifestant Mahmoud Hussein, surnommé « le détenu au T-shirt », à trois ans d’emprisonnement pour avoir porté un tee-shirt dénonçant la torture.

Il a été arrêté et écroué à l’issue de l’audience pour purger le reste de sa peine, étant donné qu’il a déjà passé deux ans et 10 mois en détention provisoire. Il est actuellement incarcéré au poste de police d’El Marg, au Caire, où les détenus n’ont pas le droit de recevoir des visites de leurs familles et de leurs avocats.

Mahmoud Hussein est détenu uniquement pour avoir exercé ses droits fondamentaux. Il doit donc être remis en liberté immédiatement et sans condition.

Les forces de sécurité ont arrêté une première fois Mahmoud Hussein, alors âgé de 18 ans, le 25 janvier 2014, au lendemain des manifestations marquant le troisième anniversaire de la « Révolution du 25 janvier ». Elles l’ont intercepté à un poste de contrôle dans le quartier d’El Marg, dans le nord du Caire, alors qu’il rentrait chez lui après les manifestations à bord d’un bus, et ce de manière arbitraire au motif qu’il portait un T-shirt arborant le slogan « Nation sans torture » et une écharpe avec le logo de la « Révolution du 25 janvier ».

Amnesty International a rassemblé des informations indiquant qu’à la suite de son arrestation en 2014, des membres de l’Agence de sécurité nationale lui ont infligé des actes de torture et d’autres mauvais traitements, notamment en lui assénant des coups et des décharges électriques sur les mains, le dos et les testicules. Il a alors « avoué » sous la contrainte appartenir à une organisation interdite, détenir des cocktails Molotov et des grenades, et avoir participé à des manifestations non autorisées, ses « aveux » étant filmés. Le lendemain de ces « aveux » devant la caméra, Mahmoud Hussein a été emmené pour être interrogé par le service du procureur général de la sûreté de l’État. Il a nié toutes les accusations portées à son encontre et déclaré qu’il avait été forcé à « avouer » au moyen d’actes de torture. Cependant, le procureur n’a pas réclamé d’examen médicolégal, ni ordonné l’ouverture d’une enquête sur ses allégations de torture.

Mahmoud Hussein a passé six jours au commissariat d’El Marg avant d’être emmené à la prison d’Abu Zabaal, où il a été battu à son arrivée. En mai 2014, il a été conduit à la section d’appel de la prison de Tora, au Caire, où on l’a de nouveau roué de coups à deux reprises au moins. Il a finalement été transféré à la section des investigations de la prison de Tora. Il a été maintenu en détention provisoire à El Marg, dans le cadre de l’affaire 715 de 2014, et déféré au tribunal le 31 janvier 2016. Le 24 mars 2016, il a été libéré après avoir versé une caution de 1 000 livres égyptiennes (environ 20 euros). La torture et les mauvais traitements qu’il a subis lui ont laissé des problèmes de santé chroniques. Après avoir été libéré, Mahmoud Hussein est devenu dépendant d’une béquille pour marcher et a dû se faire poser deux prothèses de hanche.

Mahmoud Hussein est actuellement détenu au poste de police d’El Marg, au Caire, dans une cellule surpeuplée, sans lit ni accès aux soins de santé. Dans ce poste, les policiers interdisent les visites à tous les détenus.

La nouvelle arrestation de Mahmoud Hussein s’est inscrite dans une vague de recrudescence des arrestations visant des détracteurs et des proches de dissident·e·s habitant à l’étranger. Ainsi, les pères d’Ahmed Gamal Ziada, journaliste égyptien installé en Belgique, et de Fagr al Adly, militant ayant la double nationalité allemande et égyptienne qui vit en Allemagne, ont été arrêtés en août 2023. Mahmoud Hussein fait partie des milliers de personnes détenues arbitrairement en Égypte pour avoir simplement exercé leurs droits humains ou à la suite de procès iniques ou dépourvus de fondement juridique. Parmi ces personnes figurent des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques, des membres de partis d’opposition, des syndicalistes, des ouvriers et ouvrières, des manifestant·e·s pacifiques, des journalistes, des avocat·e·s, des influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux, des membres de minorités religieuses et des professionnel·le·s de santé.

En 2023, 834 personnes détenues pour des motifs politiques ont été libérées, mais les autorités en ont arrêté trois fois plus. Le service du procureur général de la sûreté de l’État a interrogé au moins 2 504 détracteurs ou opposants présumés, en les accusant de participation à des infractions relevant du terrorisme ou de la cybercriminalité, à des manifestations ou à la diffusion de « fausses nouvelles ». Les procureurs et les juges de ce service renouvellent systématiquement le placement en détention provisoire de milliers de personnes sans leur permettre de contester véritablement la légalité de leur détention.

Par ailleurs, Amnesty International constate que les procureurs du service du procureur général de la sûreté de l’État ouvrent régulièrement des enquêtes sur de nouvelles affaires ayant trait à des accusations fictives similaires portées contre des personnes détenues dans le cadre d’affaires distinctes. Cette pratique, communément appelée « rotation », permet de maintenir en détention pour une durée indéterminée des personnes ayant purgé leur peine, reçu des ordonnances de mise en liberté par les tribunaux ou dépassé deux ans de détention provisoire, la période maximale autorisée par le droit égyptien.

Après sa libération en 2016, Mahmoud Hussein a tenté de reconstruire sa vie et a ouvert une petite entreprise de confection de T-shirts ; il venait de demander sa petite amie en mariage quand il a été de nouveau arrêté. Il avait également entamé une prise en charge médicale et psychologique.

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