Les autorités thaïlandaises ont lancé une nouvelle vague de répression contre un mouvement pacifique de réforme mené par des jeunes, qui ont organisé des manifestations de masse, très largement pacifiques, et des rassemblements express pendant l’année 2020 en faveur de la réforme politique, constitutionnelle et éducative, de l’égalité des personnes LGBTQI et des droits des femmes et des enfants. Les autorités ont arrêté et inculpé des dizaines de manifestant·e·s pacifiques, après que certains eurent évoqué publiquement des appels à la réforme de la monarchie. La répression en cours correspond à une pratique bien établie de harcèlement judiciaire visant des personnes exerçant leurs droits. Il est caractéristique de la part des autorités thaïlandaises d’engager plusieurs poursuites pénales contre des détracteurs du gouvernement et des mouvements de contestation politique, en les paralysant au moyen de longues procédures pénales, ce qui a un effet dissuasif pour l’exercice des droits aux libertés de réunion pacifique et d’expression.
Benjamaporn « Ploy » Nivas, lycéenne de 16 ans et jeune militante du groupe de campagne « Bad Students », Panusaya « Rung » Sittijirawattanakul, 22 ans, étudiante en sociologie et meneuse du syndicat étudiant de Thaïlande, Tattep « Ford » Ruangprapaikitseree, 23 ans, militant en faveur des droits des personnes LGBTQI et de la démocratie, et Jatupat « Pai » Boonpattararaksa, 29 ans, juriste et ancien prisonnier d’opinion, risquent entre deux et des dizaines d’années d’emprisonnement pour avoir exprimé leurs opinions lors de manifestations, avoir manifesté pacifiquement ou avoir partagé des informations quant aux manifestations sur les réseaux sociaux. Ils font partie des centaines d’élèves de lycée, d’étudiant·e·s et de militant·e·s que les autorités ont arrêtés en 2020, poursuivis en justice ou intimidés.
Fin novembre 2020, la police a convoqué ou demandé des mandats d’arrêt contre des meneurs et meneuses de manifestations de toute la Thaïlande pour sédition, infractions informatiques, outrage à la monarchie et rassemblement public. Benjamaporn « Ploy » Nivas et deux autres figures de proue du groupe de campagne « Bad Students » ont été convoqués pour avoir enfreint une interdiction des rassemblements publics imposée au titre du décret d’urgence de 2005, après s’être exprimés lors d’un rassemblement public le 15 octobre 2020.
Au moins 32 manifestant·e·s, dont « Rung », « Ford », « Pai » et d’autres meneurs et meneuses de manifestations, ainsi que deux personnes de moins de 18 ans, risquent des poursuites judiciaires pour des accusations de lèse-majesté, au titre de l’article 112 du Code pénal thaïlandais, en raison de discours prononcés ou d’actions menées lors de récentes manifestations. Les autorités ont en outre indiqué qu’elles enquêtaient sur des personnes ayant publié des contenus concernant les manifestations sur les réseaux sociaux, et qu’elles les censuraient.
Ces dernières années, des représentants de l’État ont à plusieurs reprises eu recours à cette loi pour ériger en infraction la dissidence pacifique et prendre pour cible des opposant·e·s politiques. En décembre 2017, les autorités avaient arrêté et emprisonné « Pai », qui était alors étudiant en droit, et l’avaient maintenu en détention pendant deux ans et demi pour avoir partagé sur Facebook un article de la BBC à propos du roi Rama X de Thaïlande.
Le 18 juillet 2020, 31 personnes, parmi lesquelles plusieurs étudiant·e·s, ont participé à une manifestation pacifique organisée par le mouvement étudiant Free Youth devant le monument de la démocratie à Bangkok, la capitale de la Thaïlande. Les manifestant·e·s, environ 2 400 selon les estimations, demandaient trois choses au gouvernement thaïlandais : la dissolution du Parlement et de nouvelles élections, une nouvelle Constitution et la fin du harcèlement de certaines personnes.
Après cette manifestation, les autorités ont pris pour cible au moins huit autres personnes, parmi les 31 manifestant·e·s déjà poursuivis en raison de l’exercice pacifique de leur droit à la liberté d’expression de réunion (voir l’AU précédente), en plus de « Pai », « Ford » et « Rung », en les convoquant ou en engageant contre elles des poursuites pour lèse-majesté liées à certaines manifestations spécifiques.