Le 14 juin, le gouvernorat d’Izmir a interdit toutes les marches des fiertés et manifestations associées. Le gouvernorat d’Antalya lui a emboîté le pas le lendemain. Les événements liés aux marches des fiertés dans d’autres villes ont été interdits ou sont sur le point de l’être, y compris à Istanbul, où la marche est menacée pour la cinquième année consécutive. Cette forme de répression visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) en Turquie continue cette année, bien que les événements prévus soient les premiers depuis la fin de l’état d’urgence en Turquie, en juillet 2018. Les autorités doivent lever ces interdictions illégales et veiller à ce que tous les rassemblements puissent se dérouler en sécurité. Elles doivent protéger le droit de se réunir de manière pacifique sans subir de discrimination.
Écrire Les marches des fiertés doivent pouvoir se dérouler en toute sécurité
Le 14 juin 2019, le gouvernorat d’Izmir a annoncé sur son site Internet que les manifestations en relation avec la communauté LGBTI prévues entre les 17 et 23 juin - dates annoncées pour la semaine des fiertés - sont interdites dans la province d’Izmir « afin de garantir la paix et la sécurité des résidents, le droit à l’intégrité physique, [...] la sécurité publique, la sécurité nationale, l’ordre public, et de protéger les mœurs publiques ou les droits et libertés d’autrui, ainsi que de prévenir de possibles violences et actes de terrorisme. » Le lendemain, les personnes qui organisaient la semaine des fiertés d’Antalya ont été informées d’une interdiction de deux semaines, à compter du 15 juin, décidée par le gouvernorat d’Antalya pour des raisons similaires, concernant la marche des fiertés et d’autres événements s’y rapportant.
Cette année, la marche des fiertés d’Izmir, qui se tient depuis 2013, est annoncée pour samedi 22 juin. La troisième semaine des fiertés d’Antalya était prévue entre les 14 et 16 juin, mais le défilé, qui devait se dérouler dimanche 16 juin, n’a pu avoir lieu compte tenu de l’interdiction.
D’hypothétiques risques pour la sécurité nationale ou l’ordre public ne sont pas des raisons légitimes pour interdire une réunion pacifique. Les principes de nécessité et de proportionnalité exigent que soit pris en compte l’ensemble des éléments pertinents, les effets sur les domaines que les autorités entendent protéger, le degré de probabilité du risque, mais aussi la possibilité que des mesures moins restrictives puissent suffire.
Les États ont l’obligation de favoriser l’exercice de la liberté de réunion pacifique en droit et en pratique. Comme cela est également le cas dans le droit turc, l’exercice de la liberté de réunion pacifique ne nécessite pas la permission des autorités gouvernementale. Ce droit est par ailleurs protégé par le droit international et les normes internationales dans les conventions auxquelles la Turquie est partie. La décision de disperser un rassemblement ne doit intervenir qu’en dernier recours et se dérouler dans le respect du principe de nécessité et de proportionnalité, c’est-à-dire seulement dans les cas où aucun autre moyen n’existe pour poursuivre un but légitime qui l’emporte sur le droit des individus à se réunir.
Dans le contexte d’une répression continue contre la société civile en Turquie, la visibilité et la capacité du mouvement LGBTI à s’organiser ont été fortement restreintes du fait d’interdictions injustifiées et illégales ces dernières années.
Les interdictions récentes ne sont pas les premières de ce genre en Turquie. Le gouvernorat d’Ankara avait décrété une interdiction générale d’une durée indéterminée concernant les événements LGBTI à Ankara le 18 novembre 2017, dans le contexte de l’état d’urgence. L’interdiction a seulement été levée le 21 février 2019 à la suite d’une décision de justice, après que KAOS GL, une organisation basée à Ankara défendant les droits des personnes LGBTI, a formé un recours. La marche des fiertés organisée par des étudiant·e·s de l’université technique du Moyen-Orient à Ankara le 10 mai 2019 a été violemment dispersée par la police.
Célébrée annuellement depuis 2003, la marche des fiertés d’Istanbul est menacée d’interdiction pour la cinquième année consécutive. La marche d’Istanbul a historiquement été le principal événement organisé par des militant·e·s et sympathisant·e·s LGBTI en Turquie. Elle attirait des dizaines de milliers de participant·e·s, et a jadis été présentée par les autorités turques comme un exemple de leur engagement en faveur des droits humains. La dernière fois qu’elle s’est déroulée sans restriction remonte à 2014 ; cette année-là, 90 000 personnes ont pris part à un défilé animé, inclusif et pacifique. Les entraves répétées de ces dernières années sont un exemple de plus de la répression de grande ampleur menée par les autorités contre la dissidence, mais aussi de la détérioration de la situation des droits humains en Turquie en général et du manquement des autorités à leur devoir de respecter les droits des personnes LGBTI.
Plusieurs marches des fiertés organisées depuis 2015 à Mersin ont semble-t-il également été interdites au fil des années, les organisateurs ayant été contraints de limiter les rassemblements à la lecture publique de communiqués de presse. La cinquième semaine des fiertés est prévue à Mersin début juillet, et prévoit notamment un défilé.
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