Le Putumayo est situé dans le sud de la Colombie, à la frontière avec l’Équateur. On y trouve le piémont de la Cordillère des Andes, et il s’étend sur plus de 300 km dans la forêt amazonienne, ce qui lui confère une grande richesse en eau, en biodiversité et en ressources naturelles. Parallèlement, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le Putumayo (en particulier à la frontière avec l’Équateur) est une enclave de production de feuilles de coca, atteignant plus de 48 000 hectares de culture en 2022, soit un cinquième de toute la coca cultivée en Colombie cette année-là.
Dans ce contexte, une lutte acharnée pour le contrôle de l’économie de la coca a éclaté ces dernières années entre des groupes armés connus sous le nom de Comandos de la Frontera et de Frente Carolina Ramírez, respectivement affiliés à Segunda Marquetalia et Estado Mayor Central, des structures armées plus larges. Ces deux groupes sont actuellement engagés dans un dialogue avec le gouvernement de Gustavo Petro dans le cadre de sa politique de paix totale. Si la région a connu une période de calme relatif en 2023, des tensions sont réapparues en fin d’année entre ces deux groupes armés, et les organisations de la société civile, prises en étau entre les deux parties en conflit, subissent à nouveau des pressions.
L’Association pour le développement intégral et durable de la Perla Amazónica – ADISPA -, créée à la fin des années 2000 pour gérer la Zone de réserve paysanne de la Perla Amazónica, illustre la situation des organisations et des populations se trouvant au milieu de ce contexte conflictuel. Les zones de réserve paysanne (ZRC) sont un statut territorial créé au milieu des années 1990 pour reconnaître les droits collectifs des communautés paysannes, ainsi que leurs pratiques de production durables sur le plan environnemental.
Du fait de sa défense de la communauté paysanne et de ses pratiques durables sur le territoire de la ZRC, l’ADISPA, avec Jani Silva à sa tête, s’est heurtée à des acteurs intéressés par d’autres utilisations économiques de la région, notamment les groupes armés présents sur place. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les attaques dont Jani Silva a été victime ces dernières années.
Amnesty International a lancé deux Actions urgentes, en avril et en juillet 2020, puis une autre en février 2021, demandant au ministère de l’Intérieur et à l’Unité nationale de protection (UNP), qui relève de ce ministère, de prendre des mesures dignes de ce nom pour protéger la vie de Jani Silva, après de graves menaces proférées contre elle. Plus tard dans l’année, plus de 415 000 personnes ont envoyé des messages de soutien à Jani Silva dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits.
Aujourd’hui, Jani Silva bénéficie d’un plan de protection individuel de l’UNP, et l’ADISPA d’un plan collectif du même organe gouvernemental.
Amnesty International a cependant constaté que ces programmes ne sont pas totalement adaptés au contexte et aux besoins de Jani Silva, de l’ADISPA et de leur travail, et qu’ils présentent des lacunes récurrentes. Les menaces visant Jani Silva ont gravement affecté sa vie et ses conditions de travail à la tête de l’ADISPA, ce qui a eu des répercussions sur la population de la Zone de réserve paysanne de La Perla Amazónica.
Le 13 septembre, la Commission Justice et Paix a dénoncé les faits dont avait été victime Jani Silva cette semaine-là.