Écrire Un militant contre l’apatridie agressé

Le 25 septembre vers 20 h 30, le défenseur dominicain des droits humains Genaro Rincon a été agressé verbalement et physiquement à Saint-Domingue, capitale de la République dominicaine. Plusieurs autres militants contre l’apatridie auraient été victimes récemment de menaces, de manœuvres d’intimidation et d’insultes en rapport avec leurs activités.

Le 25 septembre, Genaro Rincon a quitté son bureau situé dans la zone coloniale de Saint-Domingue et s’est rendu à un arrêt de bus voisin pour rentrer chez lui, à Santo Domingo Este. Il a indiqué à Amnesty International que, pendant qu’il attendait, il avait remarqué un homme qui le regardait de manière suspecte. Il est monté dans le bus vers 20 h 15. L’autre homme s’est assis devant lui et, au bout de quelques minutes, il a commencé à l’agresser verbalement en lui criant à plusieurs reprises : « La race haïtienne est la pire au monde. » Il a ensuite décroché son téléphone et dit : « Oui, je suis avec lui. » Avant d’essayer de lui donner un coup de poing au visage, il a ajouté : « Vous êtes l’un de ces défenseurs. »

Le chauffeur a demandé aux deux hommes de descendre. Genaro Rincon a tenté de résister mais un deuxième homme l’a pris à revers pour le pousser hors du bus. Dans la rue, l’un des deux hommes lui a lancé un bloc de ciment, qui l’a touché à la tête et à la poitrine. Genaro Rincon a pu se saisir d’un stylo pour se défendre en frappant à l’œil l’un des deux agresseurs. À ce moment-là, un passant a crié « il est armé ! » afin de détourner l’attention des agresseurs. Genaro Rincon a alors pu s’enfuir en courant jusqu’à une station-service située à proximité. Le personnel a appelé les secours, qui ont emmené Genaro Rincon à l’hôpital. Les médecins lui ont expliqué qu’il était grièvement blessé à la tête et présentait également des plaies aux lèvres, à la poitrine, aux jambes et aux pieds.

L’agression a eu lieu quelques jours après la commémoration publique de la décision prise en 2013 par la Cour constitutionnelle, qui a rendu apatrides des dizaines de milliers de Dominicains d’origine haïtienne (Genaro Rincon étant l’avocat engagé dans cette affaire emblématique) ; cette commémoration a fait l’objet d’une importante couverture médiatique au niveau national. Depuis lors, les signalements de menaces, de manœuvres d’intimidation et d’insultes qui visent, sur les réseaux sociaux, les défenseurs des droits humains travaillant sur la question, sont en hausse. Au moins deux militants, dont Genaro Rincon, auraient été suivis par des véhicules non identifiés au cours des 15 derniers jours.

Le 23 septembre 2013, la Cour constitutionnelle de la République dominicaine a rendu la décision 168-14, privant des dizaines de milliers de personnes, principalement d’origine haïtienne, nées dans le pays après 1929 de la nationalité dominicaine de manière arbitraire et rétroactive. Nombre de ces personnes se sont ainsi retrouvées apatrides. Pour faire face à la crise des droits humains déclenchée par la décision de la Cour constitutionnelle, la loi 169-14 a été adoptée en mai 2014.

Cependant, Amnesty International estime que ce texte est loin de résoudre le problème dans son ensemble, notamment parce qu’il ne redonne pas automatiquement la nationalité dominicaine aux personnes qui en ont été déchues en 2013 (voir le rapport intitulé « Sans papiers, je ne suis personne » – Les personnes apatrides en République dominicaine, https://www.amnesty.org/fr/documents/amr27/2755/2015/fr/). Il reste des dizaines de milliers de personnes apatrides en République dominicaine, qui constituent la plus importante population apatride d’Amérique selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Dans les semaines et les mois qui ont suivi l’annonce de la décision 168-13, des groupes ultranationalistes ont commencé à tenir des discours violents à l’égard des défenseurs des droits humains, des journalistes et des autres personnes considérées comme œuvrant en faveur des droits des Dominicains d’origine haïtienne. Les personnes dénonçant la décision de la Cour constitutionnelle étaient régulièrement qualifiées de « traîtres à la patrie » et des portraits d’éminents journalistes ont été brûlés lors de manifestations publiques organisées à différents endroits du pays. Les autorités dominicaines n’ont pratiquement jamais condamné les discours publics incitant à la haine, au racisme et à la xénophobie.

En septembre 2016, au cours de la semaine du troisième anniversaire de la décision de la Cour constitutionnelle, différentes activités publiques se sont tenues à Saint-Domingue. Amnesty International a remis aux autorités une pétition internationale appelant à rétablir la nationalité de tous les Dominicains. Le 23 septembre, des organisations de défense des droits humains ont manifesté devant la Cour constitutionnelle. Des affrontements ont eu lieu avec un groupe ultranationaliste.

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