Le 3 janvier, Saeed Mothaher Habib al Samahiji, ophtalmologue, a été arrêté par la police à son domicile dans la ville d’Issa, à 15 kilomètres au sud de Manama, la capitale. Son domicile a été fouillé et ses appareils électroniques ont été saisis. Le parquet a publié une déclaration le lendemain évoquant la détention pendant sept jours d’une personne accusée d’avoir « fait un usage abusif des réseaux électroniques pour insulter un peuple frère et encourager des manifestations non autorisées ayant mené à des manifestations accompagnées de violences ». Le 2 janvier, le ministère de l’Intérieur avait indiqué sur son site Internet que les articles 168 et 215 du Code pénal bahreïnite s’appliqueraient à quiconque tenterait de se servir des « décisions de justice rendues récemment en Arabie saoudite » (sans doute en référence à l’exécution de Nimr al Nimr, annoncée ce jour-là) pour aggraver les tensions communautaires ou inciter à la violence.
Le procès de Saeed al Samahiji a débuté le 31 janvier. Il a été inculpé d’« outrage à un État frère » et d’ « appel à manifester », accusations qu’il a niées. Il a observé une grève de la faim pendant 50 jours pour dénoncer les mauvais traitements qu’il a subis à la prison de Dry Dock.
Les articles 168 et 215 du Code pénal de Bahreïn disposent respectivement que toute personne diffusant délibérément de fausses informations ou déclarations ou des rumeurs malveillantes, ou offensant publiquement un pays étranger ou une organisation internationale basée à Bahreïn, son président ou l’un de ses représentants, doit être condamnée à une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum et à une amende ne dépassant pas 200 dinars bahreïnites (environ 470 euros) ou à l’une ou l’autre de ces sanctions.
Saeed al Samahiji avait été arrêté par le passé lorsqu’il avait prononcé un bref discours filmé en septembre 2013 à l’enterrement de Sadeq Sabt, un manifestant de 22 ans décédé au complexe médical de Salmaniya un mois après avoir été renversé par une voiture de police lors d’une manifestation, le 30 juillet 2013. En décembre 2013, Saeed al Samahiji avait été jugé au titre des articles 92/2 et 214 du Code pénal bahreïnite pour avoir « insulté publiquement le roi de Bahreïn » et condamné à un an d’emprisonnement. En avril 2014, la Haute cour d’appel avait confirmé sa condamnation. Le 1er juillet 2014, il a été arrêté pour purger sa peine à la prison de Jaww. Il a été libéré le 1er juillet 2015, après avoir purgé sa peine.
Saeed al Samahiji faisait partie d’un groupe de professionnels de la santé du complexe médical de Salmaniya arrêtés au début de l’année 2011 pour avoir pris part à des contestations massives contre le gouvernement, s’être exprimés ouvertement lors d’entretiens avec des journalistes étrangers et avoir accusé le gouvernement de violations flagrantes des droits des manifestants. Tous ont été détenus au secret pendant plusieurs mois.
Saeed al Samahiji avait été condamné à un an d’emprisonnement pour « enlèvement à des fins terroristes », « rassemblement illégal et participation à des manifestations non autorisées » et « incitation à la haine envers un autre groupe religieux ». Cette condamnation avait été confirmée par la Cour de cassation de Manama le 1er octobre 2012. Il avait été libéré le 24 avril 2013.
Il a déclaré à Amnesty International que lors de son arrestation en 2011, il avait reçu des coups à la tête, aux jambes et au niveau des reins et qu’il souffrait toujours des problèmes liés à ces actes de tortures et d’autres mauvais traitements.
Après avoir examiné les documents juridiques et les éléments du dossier, Amnesty International n’a trouvé aucune preuve que Saeed Samahiji ou aucun autre des professionnels de santé arrêtés aient eu recours à la violence ou l’aient encouragée lors de leur participation aux manifestations en faveur de réformes en 2011. Elle les considère donc comme des prisonniers d’opinion, incarcérés uniquement pour avoir exercé leurs droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion.