Écrire Un militant toujours en détention malgré le rejet de son acte d’accusation

Barbaros Şansal, styliste et militant LGBTI, est toujours en détention provisoire depuis le 3 janvier pour « incitation du public à la haine ou à l’hostilité » présumée, alors qu’un tribunal a pourtant rejeté l’acte d’accusation établi contre lui. Il doit être libéré immédiatement et sans condition.

Barbaros Şansal, styliste et militant LGBTI, est maintenu en détention provisoire depuis le 3 janvier dans la prison de Silivri, près d’Istanbul, malgré le rejet le 6 février par un tribunal de l’acte d’accusation qui l’inculpait d’« incitation du public à la haine ou à l’hostilité » au titre de l’article 216 du Code pénal turc. L’accusation est fondée sur une courte vidéo qu’il a partagée la veille du Nouvel An et sur deux tweets, dont un qu’il nie avoir envoyé.

Le tribunal pénal de 1ère instance n° 43 d’Istanbul a rejeté l’acte d’accusation au motif que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour confirmer les charges retenues contre lui. Selon l’avocat de Barbaros Şansal, le tribunal a statué que l’acte d’accusation n’expliquait pas comment Barbaros Şansal avait été en mesure d’envoyer l’un des tweets depuis Istanbul, alors qu’il se trouvait en réalité dans le territoire du nord de Chypre.

Tant le contenu du message vidéo que le tweet que Barbaros Şansal reconnaît avoir postés, sont protégés par le droit à la liberté d’expression et ne devraient pas donner lieu à des poursuites pénales. Amnesty International demande depuis longtemps aux autorités turques de modifier l’article 216 du Code pénal pour le mettre en conformité avec le droit international, en abrogeant les alinéas 2 et 3 de ce texte, qui prévoient des restrictions au droit à la liberté d’expression allant au-delà des limitations acceptables au regard du droit international.

L’avocat de Barbaros Şansal a également déclaré à Amnesty International que le ministère public avait demandé au ministre de la Justice l’autorisation d’ouvrir une nouvelle enquête au titre de l’article 301 du Code pénal pour « dénigrement de la nation turque ». Amnesty International demande l’abrogation de l’article 301 car il constitue une restriction directe et inacceptable du droit à la liberté d’expression.

En réponse aux questions du ministère public sur la vidéo qu’il a publiée la veille du Nouvel An, Barbaros Şansal a déclaré : « la référence à la Turquie se noyant dans sa merde renvoie à un commentaire humoristique que j’ai fait il y a deux ans lors d’une interview. C’est une blague que j’ai reprise de temps à autre dans les vidéos courtes que je partage sur les réseaux sociaux. »

Barbaros Şansal a aussi été interrogé au sujet de deux tweets. Le texte du premier, envoyé après l’attentat perpétré contre la boîte de nuit le Reina à Istanbul la veille du Nouvel An, qui a fait 39 morts et 65 blessés, était le suivant : « Le propriétaire est juif, le plaignant sunnite, le gérant alévi… Le Père Noël ? P… » Barbaros Şansal a confirmé qu’il avait diffusé ce tweet, expliquant : « ce que j’essayais de dire, c’est que ce qui s’est passé n’était pas un affrontement entre des religions ou des confessions différentes. »

Dans le procès-verbal d’interrogatoire, Barbaros Şansal affirme qu’il n’est pas l’auteur du deuxième tweet sur lequel il a été questionné, dont le contenu était le suivant : « Des musulmans sunnites en costume de Père Noël ont tiré sur des gens à Istanbul parce que le gérant et les employés étaient alévis ». L’heure et le lieu associés à ce second tweet montrent qu’il a été envoyé de Turquie, et non du territoire du nord de Chypre, où se trouvait alors Barbaros Şansal.

Depuis la tentative de coup d’État du 15 juillet, les pouvoirs publics turcs ont pris des mesures pour réprimer l’exercice des droits à la liberté d’expression et d’association. Le recours à la détention préventive de longue durée a été généralisé et des centaines de personnes, notamment des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants, ont été emprisonnées sans preuves ou sur la base d’éléments fragiles, peu à même de prouver des infractions pénales reconnues au niveau international. L’état d’urgence déclaré le 20 juillet 2016 a été reconduit pour la deuxième fois le 4 janvier 2017, pour une nouvelle période de trois mois. Les décrets pris dans le cadre de l’état d’urgence ont limité la possibilité de consulter un avocat pour les détenus et ont porté de quatre à 30 jours la durée de la détention sans inculpation.

Les dispositions de l’article 216 du Code pénal turc sont les suivantes : 1) Quiconque incite publiquement une partie de la population à la haine ou à l’hostilité envers une autre partie de la population ayant des caractéristiques sociales, raciales, religieuses, confessionnelles ou régionales différentes est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an à trois ans, si l’acte crée un danger clair et imminent pour la sûreté publique. 2) Quiconque dénigre publiquement une partie de la population en raison de différences sociales, raciales, religieuses, confessionnelles, sexuelles ou régionales, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an. 3) Quiconque dénigre publiquement les valeurs religieuses dont une partie de la population se revendique est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an, si cet acte est susceptible de troubler la paix publique.

Article 301 : 1) Insultes contre la nation turque, la République turque, les institutions et les organes de l’État (1) Quiconque dénigre publiquement la nation turque, l’État de la République de Turquie, le Parlement turc (TBMM), le gouvernement de la République de Turquie et les institutions légales de l’État sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans. (2) Quiconque dénigre publiquement l’armée ou les forces de sécurité sera puni selon les termes définis au paragraphe (1). (3) L’expression de pensées critiques ne constituera pas un crime. (4) Les enquêtes relatives à ce crime seront soumises à l’autorisation du ministre de la Justice.

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