La négligence médicale attribuée aux autorités carcérales est une question donnant lieu à une mobilisation accrue des militants et organisations de défense des droits humains en Égypte depuis un an, des décès en détention étant signalés de plus en plus souvent. Selon l’organisation non gouvernementale égyptienne Centre El Nadeem pour la réadaptation des victimes de violences, 137 morts en détention ont été signalées en 2015, parmi lesquelles 81 résultaient de négligences médicales. Ces chiffres s’appuient sur des informations relayées par les médias.
Le 13 janvier, les cinq militants ont assisté à la deuxième audience de leur procès en appel devant la cour d’appel d’Abdeen. La première audience avait eu lieu le 30 décembre, puis avait été ajournée afin de laisser plus de temps aux avocats de la défense pour préparer leurs arguments. D’après les avocats de la défense, cependant, l’affaire s’appuie sur le seul rapport d’un membre de l’Agence de sécurité nationale dans le cadre de son enquête.
Selon ce rapport, les cinq militants ont participé à une manifestation organisée à l’intersection des rues Mohamed Mahmoud et Mohamed Farid au Caire, avec plus de 40 autres contestataires, ce qui a bloqué la circulation et constitué une menace pour la sécurité des citoyens. Néanmoins, les avocats de la défense ont obtenu une communication du ministère des Transports, selon laquelle ce dernier n’avait reçu aucune information concernant une manifestation ou une perturbation de la circulation dans cette zone.
La famille d’Ahmed Said a déclaré qu’il avait été torturé à l’électricité le jour de son arrestation, lors de son interrogatoire par l’Agence de sécurité nationale. Cet homme aurait reçu des coups et des décharges électriques, ainsi que des brûlures de cigarette à la main. Mostafa Ibrahim, s’est lui aussi vu infliger des brûlures de cigarettes à la main, a expliqué sa famille. Selon les avocats de la défense, les autorités n’ont pas officiellement enregistré ces allégations et ne les ont pas non plus examinées. Parallèlement à sa profession de chirurgien, Ahmed Said est un poète connu qui a récité ses œuvres à la télévision nationale égyptienne. Il a officié comme médecin bénévole lors des affrontements de la rue Mohamed Mahmoud en 2011, et soigné des manifestants blessés.
Le 19 novembre 2015, jour où les quatre militants ont été arrêtés à divers endroits du Caire, les forces de sécurité étaient présents en nombre à travers la ville, selon les proches des quatre hommes. Ahmed Said et Mostafa Ibrahim Mohamed Ahmed ont été appréhendés par des policiers alors qu’ils quittaient un café, et Karim Khaled Fathy et Mohamed Abdel Hamid alors qu’ils marchaient dans la rue.
Moins d’un mois après leur arrestation, le 13 décembre, le tribunal correctionnel d’Abdeen a déclaré les cinq accusés, dont Gamila Seryel Dain, coupables d’avoir manifesté, bloqué la route et perturbé la circulation, au titre de la Loi de 2013 sur les manifestations, qui restreint arbitrairement les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, droits pourtant garantis par le droit international relatif aux droits humains et la Constitution égyptienne.
Les quatre hommes ont été transférés à la prison du 15-Mai le lendemain du jugement. Selon leur famille, ils ont été placés pendant deux semaines dans une pièce disciplinaire, où ne filtrait aucune lumière naturelle. Ahmed Said a observé une grève de la faim pour protester contre les mauvaises conditions de détention. Le 30 décembre, ils ont été conduits à la prison Scorpion, après que leurs familles ont porté plainte auprès des autorités. Ils ont été transférés à la condition qu’Ahmed Said signe à la prison du 15-Mai un document affirmant qu’il n’avait pas été torturé et avait mis un terme à sa grève de la faim. On lui avait également dit qu’il serait détenu au poste de police d’Abdeen, où les conditions sont meilleures. Cependant, après qu’il a signé la déclaration, ils ont été envoyés à Scorpion, où ils sont détenus dans des cellules séparées, aux côtés de djihadistes.
Gamila Seryel-Dain rendait visite à des détenus dans deux postes de police du Caire, à Abdeen et Qasr el Nil, pour leur amener à manger. Elle a été arrêtée le 22 novembre au poste de police de Qasr el Nil et a été accusée d’incitation à manifester. Quatre jours plus tard, un juge a ordonné sa libération sous caution. Après sa remise en liberté, les services du procureur d’Abdeen ont demandé son placement en détention sur la base d’accusations forgées de toutes pièces.