Écrire Un militant a disparu

On est sans nouvelles de Raza Khan, un militant pakistanais en faveur de la paix, depuis le 2 décembre. Il pourrait avoir été victime d’une disparition forcée.

Raza Khan, un militant en faveur de la paix basé à Lahore, a disparu depuis le 2 décembre, et on craint qu’il ait été soumis à une disparition forcée. Il a quitté son bureau dans le quartier de Garden Town, à Lahore, le 2 décembre à environ 19 heures et n’est jamais rentré chez lui. Il logeait dans une chambre à l’hôtel Model Colony, près du quartier de Firdous Market, à Lahore. Son téléphone est éteint et on est sans nouvelles de lui. Un de ses amis est allé voir s’il allait bien le 3 décembre, mais sa chambre était fermée à clef et la lumière était allumée. La famille de Raza Khan a signalé sa disparition à la police du quartier de Firdous Market et a été contactée par le commissaire du quartier de Model Town.

Raza Khan est un militant très apprécié et respecté qui a fait campagne en faveur de la paix entre le Pakistan et l’Inde. Il est responsable pour le Pakistan de l’organisation Aaghaz-e-Dosti, qui réunit des personnes venant des deux pays dans le cadre de projets artistiques et d’écriture de lettres. Raza Khan est également membre de l’organisation Awami Art Collective et travaille avec la société civile à Lahore depuis l’époque du mouvement des avocats en faveur de l’indépendance du pouvoir judiciaire et contre l’état d’urgence il y a dix ans. Récemment, Raza Khan a organisé un débat sur l’« extrémisme religieux », après que de violentes manifestations à Islamabad ont mené à la démission du ministre de la Justice.

On craint que Raza Khan ait été soumis à une disparition forcée. Ces dernières années, les disparitions forcées - jadis limitées aux zones en proie à des troubles dans les provinces du Baloutchistan et de Khyber-Pakhtunkhwa - se sont insinuées partout dans les principaux centres urbains du Pakistan

La Commission d’enquête pakistanaise sur les disparitions forcées a reçu près de 300 signalements de disparitions forcées présumées d’août à octobre 2017, de loin le chiffre le plus élevé sur une période de trois mois au cours des dernières années. Ces deux derniers mois, Amnesty International a reçu des informations crédibles faisant état d’un nombre alarmant de disparitions forcées d’étudiants et de militants baloutches.

Les disparitions forcées ternissent le bilan du Pakistan en matière de droits humains, des centaines, voire des milliers de cas ayant été signalés ces dernières années dans le pays. Les victimes de disparition forcée sont exposées à un risque élevé de torture et d’autres formes de mauvais traitements, et sont même très souvent en danger de mort. À ce jour, aucune personne soupçonnée de responsabilité pénale dans ces affaires n’a été traduite en justice.

Après sa dernière visite au Pakistan en 2012, le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a déclaré qu’il règne « au Pakistan un climat d’impunité pour les disparitions forcées, et les autorités ne sont pas suffisamment engagées à mener des enquêtes sur les disparitions forcées et à amener les responsables à rendre des comptes. » Amnesty International constate que la situation ne s’est pas améliorée ces cinq dernières années.

Les autorités pakistanaises doivent condamner publiquement les disparitions forcées, les reconnaître comme une infraction à part entière et appeler à mettre fin à cette pratique cruelle et inhumaine. Le Pakistan n’a toujours pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ce qui ternit fortement l’engagement affirmé du pays à respecter les normes les plus élevées en matière de droits humains.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, l’organe de suivi des traités chargé de surveiller l’application et le respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les pays, a pris note du bilan du Pakistan en matière de disparitions forcées et a recommandé au pays d’« ériger la disparition forcée en infraction pénale et [de] mettre fin à la pratique des disparitions forcées et de la détention secrète » et de « veiller à ce que toutes les allégations de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies, [et] à ce que tous les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des infractions commises ».

Le Pakistan est l’un des 15 pays élus par l’Assemblée générale de l’ONU le 16 octobre pour siéger au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de janvier 2018 à décembre 2020. Lors de son élection, le Pakistan a déclaré être « fermement engagé à faire respecter, à promouvoir et à protéger les droits universels et les libertés fondamentales de tous. »

Jadis limitées aux zones en proie à des troubles dans la province de Khyber-Pakhtunkhwa, les zones tribales sous administration fédérale et la province du Baloutchistan, les disparitions forcées se sont insinuées partout dans le pays, y compris dans les centres urbains et les grandes villes. Début janvier 2017, cinq défenseurs des droits humains ont été enlevés à Islamabad, la capitale, et dans certaines zones de la province du Pendjab. Quatre des défenseurs des droits humains sont rentrés chez eux entre le 27 et le 29 janvier. Deux d’entre eux ont depuis déclaré avoir été menacés, intimidés et torturés par des personnes qu’ils soupçonnaient de faire partie des services de renseignement militaires.

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