Écrire Un militant LGBTI en détention provisoire

Barbaros Şansal, styliste et militant LGBTI, est actuellement en détention provisoire. Il a été inculpé d’« incitation du public à la haine ou à l’hostilité » en raison d’un message vidéo et d’un tweet qu’il a partagés sur les réseaux sociaux la veille du Nouvel An. Arrêté sur le territoire du nord de Chypre, il a été extradé vers la Turquie le lendemain. Il a été agressé physiquement à son arrivée sur le tarmac de l’aéroport d’Istanbul.

La veille du Nouvel An, Barbaros Şansal, styliste et militant LGBTI, a partagé sur les réseaux sociaux une courte vidéo dans laquelle il reprochait à la population de fêter la nouvelle année alors qu’un nombre considérable de journalistes étaient incarcérés, que la corruption était florissante et que des allégations faisaient état de maltraitance des enfants, concluant son intervention par ces mots : « Turquie, noie-toi dans ta merde ». Le 2 janvier, il a été extradé du territoire du nord de Chypre, où il avait passé la période du Nouvel An. L’avocat de Barbaros Şansal a indiqué à Amnesty International que les autorités du territoire du nord de Chypre n’avaient pas fourni de document attestant une décision formelle d’extradition.

Dans la soirée du 2 janvier, alors qu’il descendait de l’avion à son arrivée à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, Barbaros Şansal a été agressé physiquement par des membres du personnel au sol, avant d’être arrêté par la police turque. Son avocat a déclaré à Amnesty International qu’il présentait des coupures et des contusions consécutives à cette attaque, et qu’au 4 janvier, aucune information judiciaire n’avait été ouverte sur l’agression. L’avocat a ajouté que la société employant le personnel au sol de l’aéroport, après la mise en ligne d’une vidéo de l’agression, avait annoncé l’ouverture d’une enquête disciplinaire sur trois personnes.

Barbaros Şansal a été placé en détention provisoire le 3 janvier, après avoir été inculpé d’« incitation du public à la haine ou à l’hostilité » au titre de l’article 216 du Code pénal turc, sur la base du message vidéo et du tweet qu’il avait diffusés sur les réseaux sociaux tôt dans la matinée du 1er janvier 2017. Il est actuellement incarcéré dans la prison de Silivri, près d’Istanbul.
Tant le message vidéo que le tweet de Barbaros Şansal, qu’il reconnaît avoir postés, sont protégés par le droit à la liberté d’expression et ne devraient pas donner lieu à des poursuites pénales.

Amnesty International demande depuis longtemps aux autorités turques de modifier l’article 216 du Code pénal turc pour le mettre en conformité avec le droit international, en abrogeant les alinéas 2 et 3 de ce texte, qui prévoient des restrictions au droit à la liberté d’expression allant au-delà des limitations acceptables au regard du droit international.

En réponse aux questions du ministère public, Barbaros Şansal a déclaré : « la référence à la Turquie se noyant dans sa merde renvoie à un commentaire humoristique que j’ai fait il y a deux ans lors d’une interview. C’est une blague que j’ai reprise de temps à autre dans les vidéos courtes que je partage sur les réseaux sociaux. »

Barbaros Şansal a aussi été interrogé au sujet de deux tweets. Le texte du premier, envoyé après l’attentat perpétré contre la boîte de nuit le Reina à Istanbul la veille du Nouvel An, qui a fait 39 morts et 65 blessés, était le suivant : « Le propriétaire est juif, le plaignant sunnite, le gérant alévi... Le Père Noël ? P... » Barbaros Şansal a confirmé qu’il avait diffusé ce tweet, expliquant : « ce que j’essayais de dire, c’est que ce qui s’est passé n’était pas un affrontement entre des religions ou des confessions différentes. »

Dans le procès-verbal d’interrogatoire, Barbaros Şansal affirme qu’il n’était pas l’auteur du deuxième tweet sur lequel il a été questionné, dont le contenu était le suivant : « Des musulmans sunnites en costume de Père Noël ont tiré sur des gens à Istanbul parce que le gérant et les employés étaient alévis ». L’heure et le lieu associés à ce second tweet montrent qu’il a été envoyé de Turquie, et non du territoire du nord de Chypre, où se trouvait alors Barbaros Şansal.

Depuis la tentative de coup d’État du 15 juillet, les pouvoirs publics turcs ont pris des mesures pour réprimer l’exercice des droits à la liberté d’expression et d’association. Le recours à la détention préventive de longue durée a été généralisé et des centaines de personnes, notamment des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants, ont été emprisonnées sans preuves ou sur la base d’éléments fragiles, peu à même de prouver des infractions pénales reconnues au niveau international. L’état d’urgence déclaré le 20 juillet 2016 a été reconduit pour la deuxième fois le 4 janvier 2017, pour une nouvelle période de trois mois. Les décrets pris dans le cadre de l’état d’urgence ont limité la possibilité de consulter un avocat pour les détenus et ont porté de quatre à 30 jours la durée de la garde à vue.

Les dispositions de l’article 216 du Code pénal turc sont les suivantes :
1) Quiconque incite publiquement une partie de la population à la haine ou à l’hostilité envers une autre partie de la population ayant des caractéristiques sociales, raciales, religieuses, confessionnelles ou régionales différentes de la première est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an à trois ans, si l’acte crée un danger clair et imminent pour la sûreté publique.

2) Quiconque dénigre publiquement une partie de la population en raison de différences sociales, raciales, religieuses, confessionnelles, sexuelles ou régionales est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an.

3) Quiconque dénigre publiquement les valeurs religieuses dont une partie de la population se revendique est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an, si cet acte est susceptible de troubler la paix publique.

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