Rashid Mahiya, militant, ainsi que Joanna Mamombe et Charlton Hwende, députés de l’opposition, ont été arrêtés à des dates différentes au Zimbabwe. Tous trois ont été inculpés de « subversion d’un gouvernement constitutionnel », infraction passible d’une peine de plus de 20 ans de réclusion. Ces charges sont liées à l’appel lancé en faveur d’une grève générale de trois jours, du 14 au 16 janvier, pour protester contre la hausse du prix des carburants.
Écrire Un militant et des membres de l’opposition inculpés de trahison
Le 12 janvier 2019, le président Emmerson Mnangagwa a annoncé une hausse du prix des carburants, qui est entrée en vigueur à minuit. Le diesel et l’essence ont augmenté de 150 %. À la suite de cette annonce, la Confédération syndicale du Zimbabwe (ZCTU), la plus grande organisation syndicale du pays, a appelé à une action de protestation prenant la forme d’une grève générale de trois jours. Le président de la ZCTU, Peter Mutasa, a appelé les Zimbabwéens à ne pas aller sur leur lieu de travail, dans leur établissement d’enseignement ou dans les magasins du lundi 14 au mercredi 16 janvier, pour protester contre « l’augmentation générale astronomique des prix depuis l’année dernière malgré la stagnation des salaires ». Il a ajouté que l’augmentation du prix des carburants était « insensée » et qu’il s’agissait d’une « provocation ».
De nombreux citoyens, un peu partout au Zimbabwe, ont répondu à l’appel à la grève générale lancé par la ZCTU, restant chez eux du 14 au 16 janvier, ce qui a paralysé les entreprises dans une grande partie du pays. Cette action de protestation a été suivie par une des campagnes de répression les plus féroces de ces dernières années au Zimbabwe, qui visait manifestement à répandre la peur dans le pays. Les autorités ont déployé des unités de l’armée, de la police et du renseignement dans des villes et des zones résidentielles, notamment à Harare, Bulawayo, Chitungwiza, Epworth, Dzivarasekwa, Mbare, Gweru, Pumula et Mabvuku. Des témoins ont signalé à Amnesty International que les passages à tabac, les privations de liberté individuelle, ainsi que les actes de torture et les autres mauvais traitements - on aurait notamment fait rouler des victimes dans des eaux d’égout ou des cendres de pneus brûlés - étaient très répandus. De solides allégations ont également fait état de viols et d’autres agressions sexuelles contre des femmes.
Dans le contexte de cette campagne de répression, au moins 12 personnes avaient été tuées par les forces de sécurité au 18 janvier, en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, auxquels le Zimbabwe est partie. Au 17 janvier, plus de 600 personnes avaient été arrêtées, comme l’a révélé le ministre de la Sécurité de l’État.
La police a également accusé Rashid Mahiya, président de la Coalition de crise au Zimbabwe (CiZC), de tentative de renversement du gouvernement. Cette coalition rassemble plus de 80 organisations de défense des droits humains. Rashid Mahiya a été contraint d’entrer dans la clandestinité, car les autorités avaient menacé de l’arrêter en raison de son rôle dans la grève générale et parce qu’il avait envoyé, le 16 janvier, une pétition demandant à l’Union africaine d’intervenir dans la crise au Zimbabwe. Des soldats se sont présentés à son domicile le 18 janvier, ont emmené sa mère et l’ont interrogée pour savoir où il se trouvait. Ils l’ont ensuite emmenée chez le frère cadet de Rashid Mahiya, Douglas Mahiya. Celui-ci n’était pas là quand ils sont arrivés, mais il est venu plus tard, en compagnie de son avocat. Les soldats ont refusé de parler à l’avocat et ont agressé Douglas Mahiya. Ce dernier et sa mère ont ensuite été relâchés et ont dû recevoir des soins médicaux.
Le 23 janvier, des agents de la sécurité de l’État ont fait une descente au domicile de Rashid Mahiya et ont saisi les passeports de sa femme et de ses enfants (âgés de sept mois et six ans). Ils ont également arrêté la sœur de Rashid Mahiya chez elle, à Chitungwiza, pour la contraindre à révéler où il se trouvait. Rashid Mahiya s’est rendu à la police le 26 février. Le 7 mars, il a bénéficié d’une libération sous caution, assortie de conditions strictes.
Joanna Mamombe a été appréhendée alors qu’elle participait à un atelier de femmes parlementaires à Nyanga, le samedi 2 mars. Elle avait dû fuir le pays quand la police avait menacé de l’arrêter pour avoir prononcé, dans sa circonscription, un discours appelant la population à participer à la grève générale. Elle était ensuite rentrée au Zimbabwe le 25 février. Le lendemain, le 26 février, un groupe d’hommes armés à sa recherche était entré par effraction chez sa mère.
Action terminée