Le 13 octobre, 14 chefs d’inculpation ont été retenus contre un militant politique malaisien pour avoir publié sur les médias sociaux des commentaires qui étaient semble-t-il insultants à l’égard de membres de la famille royale de l’État de Johore. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion.
Le 13 octobre, le prisonnier d’opinion Khalid Ismath a été inculpé de 11 charges au titre de la section 233 de la Loi de 1998 sur les communications et le multimédia, et de trois charges en vertu de la section 4(1) de la Loi de 1948 relative à la sédition par le tribunal de grande instance de Johor Baru, dans l’État de Johore. Khalid Ismath s’est vu refuser la libération sous caution car le parquet a soutenu qu’il risquait de s’enfuir pendant son procès. Il sera certainement incarcéré pendant une période prolongée dans l’attente de son procès pour ces 14 chefs d’inculpation.
Les faits reproches à Khalid Ismath sont en relation avec la publication d’une série de commentaires sur Facebook considérés comme insultants à l’égard de la famille royale de l’État de Johore et de la police royale malaisienne. Ces propos les accusaient d’abus de pouvoir et ont été publiés sur une page de soutien à Kamal Hisham Jaafar, un ancien conseiller juridique de la famille royale de l’État de Johore, actuellement détenu sur la base d’allégations de corruption.
Khalid Ismath, membre du parti socialiste de Malaisie, a été placé en détention le 7 octobre au poste de police de Johor Baru Selatan, en vertu de la Loi de 1998 sur les communications et le multimédia, pour des propos publiés sur la page de soutien à Kamal Hisham Jaafar créée sur Facebook. Après deux jours en garde à vue, durant lesquels son téléphone et son ordinateur personnel ont été confisqués, Khalid Ismath a été libéré le 9 octobre.
Il a été arrêté de nouveau le jour même en vertu de la Loi relative à la sédition pour un autre commentaire laissé sur cette même page de soutien à Kamal Hisham Jaafar sur Facebook. Il a été maintenu en détention quatre jours supplémentaires avant d’être officiellement inculpé le 13 octobre.
Ces charges ont été retenues contre Khalid Ismath une semaine après que la Cour fédérale a déterminé que la Loi sur la sédition était constitutionnelle. Au cours des deux dernières années, des dizaines de personnes ont été visées par des enquêtes, des poursuites et des condamnations en vertu de cette loi pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression. Cet arrêt fait craindre que les autorités n’intensifient fortement leur répression continue contre la dissidence pacifique.
Écrire Un militant est poursuivi pour avoir laissé des commentaires sur les medias sociaux
Depuis qu’elles ont perdu le vote populaire lors des élections de 2013, parvenant malgré tout à s’accrocher au pouvoir, les autorités malaisiennes ont procédé à une répression de grande ampleur contre la liberté d’expression. Elles ont eu recours à la Loi de 1948 relative à la sédition pour ouvrir des enquêtes sur des défenseurs des droits humains, des membres de l’opposition politique, des journalistes, des intellectuels et des étudiants, les inculper et les placer en détention. Depuis le début de l’année, une centaine de personnes ont fait l’objet d’enquêtes, ont été arrêtées ou ont été inculpées au titre de la Loi relative à la sédition.
Le 6 octobre, la Cour fédérale a rejeté à l’unanimité un recours formé par Azmi Sharom, un professeur de droit, qui contestait la constitutionnalité de la loi relative à la sédition. Cet arrêt est susceptible d’avoir un effet paralysant de grande ampleur sur les organisations de la société civile, les défenseurs des droits humains, les intellectuels et d’autres personnes qui continuent à subir manœuvres d’intimidation et de harcèlement. Ces dernières années, les autorités malaisiennes ont de plus en plus souvent utilisé la loi relative à la sédition pour enquêter sur des membres de l’opposition politique, des défenseurs des droits humains, des intellectuels, des journalistes, des avocats et d’autres, et pour les inculper et les emprisonner, parce qu’ils avaient exprimé de manière pourtant pacifique des opinions perçues comme critiques à l’égard du gouvernement ou de la monarchie.
Les autorités malaisiennes ont aussi utilisé d’autres lois répressives telles que la Loi relative à la presse et aux publications, la Loi sur les communications et le multimédia, et la Loi sur les rassemblements pacifiques, pour restreindre la liberté d’expression et de réunion. Les autorités malaisiennes ont récemment fait usage de dispositions du Code pénal pour étouffer la dissidence, notamment la Section 124b qui érige en infraction « les activités qui représentent une menace pour la démocratie parlementaire », et la Section 143, bien que la loi ne concerne que les rassemblements violents d’éléments criminels.
La répression de la dissidence s’est intensifiée depuis le scandale de corruption dans le cadre duquel le Premier ministre, Najib Razak, est accusé d’être lié au détournement présumé de centaines de millions de dollars américains de la société d’investissement détenue par l’État, 1Malaysia Development Berhad (1MDB). Au lieu d’essayer de faire la lumière sur les accusations de corruption et de traduire les responsables présumés en justice, les autorités malaisiennes ont harcelé, réduit au silence et enfermé ceux qui demandent des comptes.
Le 12 octobre, Khairuddin Abu Hassan et son avocat, Matthias Chang, ont été inculpés par le tribunal de grande instance de tentative de sabotage des systèmes financier et bancaire de la Malaisie. Ils encourent jusqu’à 15 ans de prison. Khairuddin Abu Hassan a été arrêté par la police à son domicile en septembre 2015, et placé en détention provisoire le lendemain en vertu de la section 124C du Code pénal, pour avoir semble-t-il essayé de commettre des actes contraires à la démocratie parlementaire. Il a été remis en liberté une semaine plus tard, après une décision de justice, mais a immédiatement été soumis à une nouvelle arrestation. Matthias Chang a été appréhendé le 8 octobre.
Amnesty International a pris connaissance d’allégations persistantes selon lesquelles des détenus ont été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements en Malaisie, qui leur ont coûté la vie dans certains cas. La Malaisie est tenue de respecter les règles du droit international coutumier qui interdisent la torture et les autres formes de mauvais traitements en toutes circonstances.
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