Le 8 juin aux alentours de 20 h 30, le domicile d’une militante bien connue à Varsovie, nommée Anna, a été perquisitionné par des policiers. Sa fille et ses parents étaient sur place durant la perquisition. Son ordinateur portable, ses téléphones et une tablette ont été saisis. Vers minuit, elle a été emmenée menottée au poste de police, où elle est restée pendant 41 heures. Les policiers ne l’ont interrogée que le 10 juin et l’ont empêchée de contacter son avocat, qui considère le traitement qu’elle a subi comme une forme de harcèlement. Une déclaration publique a été publiée à la suite de son arrestation : https://www.amnesty.org/en/documents/eur37/2498/2020/en/.
Amnesty International connaît Anna en tant que défenseure active des droits humains qui a participé à des manifestations en Pologne depuis 2016. Elle s’est mobilisée en faveur des droits des femmes et a contribué à développer un réseau d’aide juridique aux manifestant·e·s en Pologne.
La police a justifié son action en affirmant que cette militante avait été détenue pour éviter qu’elle ne détruise des éléments de preuve liés à une enquête ouverte sur le remplacement de publicités par des affiches sur des Abribus. Ces affiches accusaient le gouvernement de manipuler les statistiques sur la pandémie de COVID-19. Elles représentaient notamment le ministre de la Santé, Łukasz Szumowski, habillé en chevalier de l’ordre de Malte tenant une pancarte indiquant « l’Évangile selon Łukasz Sz. » et portaient plusieurs allégations contre lui. Cependant, les publicités ont été remplacées les 29 et 30 mai, si bien que l’action de la police 10 jours après rend l’argument de protection des preuves moins convaincant.
Le 9 juin, un second militant a été arrêté en lien avec la même campagne d’affichage et placé en détention. Il a été relâché au bout de 20 heures. Des accusations de « vol avec et sans effraction » ont été retenues contre ces deux personnes au titre de l’article 279.1 du Code pénal. Si elles sont reconnues coupables, elles risquent jusqu’à 10 ans d’emprisonnement (voir le communiqué disponible à l’adresse suivante : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/06/poland-activists-at-risk-of-10-year-jail-term-for-covid-19-poster-campaign-challenging-government-statistics/).
Le droit à la liberté d’expression protège le droit de chercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toutes sortes, y compris des commentaires sur les affaires publiques, des discussions sur les droits humains et des critiques des autorités.
Les autorités affirment que des biens d’une valeur de 100 euros ont été dégradés, mais ces dommages ne sont pas constitutifs de « vol avec et sans effraction », chef d’accusation pour lequel les deux militant·e·s sont poursuivis. Amnesty International est préoccupée car ces poursuites vraisemblablement sans fondement sont utilisées d’une manière qui rappelle de nombreux cas de harcèlement visant des manifestants et des militants relevés par l’organisation depuis 2017 en Pologne.
Les actions des autorités polonaises risquent d’avoir un effet paralysant sur l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’entraver davantage encore le travail indispensable des défenseur·e·s des droits humains dans le pays. Les deux militant·e·s envisagent désormais de déposer une plainte pour détention illégale.
Le contenu de cette Action urgente correspond à leurs souhaits concernant la divulgation de leur identité et leur droit au respect de la vie privée.