Écrire Une militante a été arrêtée pour avoir commémoré le 4 juin 1989

La militante Li Xiaoling a été placée en détention parce qu’elle était soupçonnée d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public » en commémorant le 28e anniversaire de la répression de Tiananmen. Elle souffre d’un glaucome mais ne reçoit pas le traitement approprié. Huit autres personnes ont également été placées en détention pour le même chef d’inculpation.

Li Xiaoling, une militante de Guangdong, a été arrêtée par la police de Pékin après la publication de plusieurs photos sur internet, sur lesquelles on la voyait brandir une affiche portant un slogan commémorant la répression de Tiananmen, et disposer des bougies sur le sol près du Grand Théâtre national de Pékin, situé sur la place Tiananmen, dans la soirée du 3 juin. Elle a été conduite au bureau de la Sécurité publique du district de Xicheng, à Pékin, le 4 juin au matin, et a plus tard été placée en détention parce qu’elle était soupçonnée d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public ».

Lin Qilei, l’avocat de Li Xiaoling, lui a rendu visite au centre de détention du district de Xicheng, à Pékin, le 7 juin. Li Xiaoling lui a dit qu’elle s’était rendue à Pékin le 2 juin pour déposer une pétition contre la police de Zhuhai. Elle avait été détenue le 20 mai pendant sept heures par la police de Zhuhai (province de Guangdong), ce qui avait retardé sa demande de se rendre à l’hôpital pour y recevoir un traitement pour un glaucome aigu. Lin Qilei a déclaré que Li Xiaoling lui avait dit que lorsqu’elle avait été interrogée par la police, on lui avait posé des questions sur ses actes, notamment sur l’action photo qu’elle a menée sur la place Tiananmen. Les autorités ne l’autorisent à mettre des gouttes pour les yeux que trois fois par jour, alors que les médecins lui avaient conseillé d’en mettre toutes les deux heures. Ses yeux la font beaucoup souffrir.

Huit autres militants – Zhou Li, Li Xuehui, Quan Jianhu, Bu Yongzhu, Zhao Chunhong, Zhao Xin, Liang Yankui et Ding Yajun – ont également été arrêtés par des policiers du bureau de la Sécurité publique du district de Xicheng de Pékin. Ce sont des amis de Li Xiaoling. Ils l’avaient simplement accompagnée à Pékin et n’avaient pas pris part à l’action. Ils ont tous été placés en détention car ils sont soupçonnés d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public ». À l’exception de Ding Yajun, ils ont tous pu consulter leurs avocats.

D’autres militants ont également été arrêtés pour avoir commémoré le 28e anniversaire de la répression de Tiananmen cette année. Dix militants ont été brièvement détenus à Zhuzhou (province du Hunan), pour une durée allant de quelques heures à 10 jours. Le 3 juin, ils avaient utilisé des bougies et leurs corps pour former les caractères chinois liu si – qui signifient « six, quatre », la date utilisée en chinois pour faire référence à la répression de Tiananmen – et avaient publié des photos sur internet afin de commémorer le 28e anniversaire de la répression de Tiananmen.

Shi Tingfu, un militant de Nanjing, a été arrêté par la police à son domicile le 5 juin et placé en détention parce qu’il était soupçonné d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public » pour avoir porté un t-shirt portant l’inscription « N’oubliez pas le 4 juin » et prononcé un discours devant le monument commémoratif du massacre de Nanjing le 4 juin. Il est actuellement détenu au centre de détention du district de Yuhuatai (Nanjing). Les proches de Pan Bin et Xue Renyi, deux militants de Chongqing, sont sans nouvelles d’eux depuis les 1er et 2 juin respectivement. On ne dispose d’aucune autre information sur leur situation actuelle.

En avril 1989, des manifestations organisées à Pékin à l’instigation de plusieurs étudiants qui se réunissaient initialement pour honorer la mémoire du haut responsable du Parti communiste Hu Yaobang se sont propagées rapidement dans l’ensemble du pays. Les étudiants réclamaient qu’il soit mis fin à la corruption des fonctionnaires et appelaient à des réformes politiques et économiques. Leurs demandes ont emporté l’adhésion d’un large public. Des manifestations pacifiques ont eu lieu à Pékin et dans toute la Chine. Les autorités n’ont pas réussi à persuader les manifestants de rentrer chez eux. Compte tenu de l’escalade des tensions à Pékin, l’état de siège a été instauré le 20 mai 1989.
La nuit du 3 au 4 juin 1989, des troupes de l’Armée populaire de libération ont pénétré dans Pékin pour mettre fin à des semaines de manifestations pacifiques et d’occupation de la place Tiananmen par des étudiants qui demandaient des réformes politiques. Des centaines, si ce n’est des milliers, de manifestants non armés ont été tués.

Fin juin 1989, les autorités chinoises ont publié un rapport officiel dans lequel elles affirmaient que « plus de 3 000 civils avaient été blessés et plus de 200, dont 36 étudiants, avaient trouvé la mort dans les émeutes ». Elles y indiquaient aussi que plusieurs dizaines de militaires étaient décédés. Pourtant, le gouvernement n’a jamais reconnu sa responsabilité dans les violations des droits humains qui ont eu lieu au cours de la répression militaire, ni amené les responsables à rendre des comptes devant la loi. Chaque année, la justice devient encore plus hors de portée des membres des familles des centaines, si ce n’est des milliers, de personnes tuées ou blessées à Pékin et dans toute la Chine.
Immédiatement après la répression militaire, les autorités ont commencé à traquer les personnes qui avaient participé aux manifestations. De nombreux civils ont été arrêtés, torturés ou emprisonnés à l’issue de procès iniques. Beaucoup ont été inculpés de crimes « contre-révolutionnaires ». Bien que les infractions « contre-révolutionnaires » aient été supprimées du Code pénal en 1997, les affaires concernant des personnes déjà incarcérées pour de telles infractions, notamment celles ayant participé aux manifestations de 1989 en faveur de la démocratie, n’ont pas été réexaminées.

La position radicale du gouvernement à propos du réexamen de la répression de Tiananmen se reflète dans la façon dont il traite les personnes qui ont courageusement tenté de commémorer l’événement, comme les Mères de Tiananmen, une association de défense composée principalement de parents dont les enfants ont été tués lors de la répression militaire de 1989. La liberté de mouvement de ces personnes est restreinte, elles sont victimes de harcèlement et sont surveillées. Jiang Peikun, mari de Ding Zilin et membre fondateur des Mères de Tiananmen, est mort en 2015 avant d’avoir pu obtenir justice pour son fils Jiang Jielian, abattu d’une balle dans le cœur la nuit du 3 juin 1989. Miao Deshun, la dernière personne (à la connaissance d’Amnesty International) en détention pour des activités directement liées à la répression militaire de 1989, a été libéré en octobre 2016.

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